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Jean CHAPELAIN
.
[AF]
L.A.S., Paris 27 mars 1667, [à Pierre-Daniel
H
uet
?] ; 2 pages
in-8, trace de sceau de cire rouge.
Il n’a pas répondu à sa lettre concernant son affaire pour ne
pas « vous destourner de vos scavantes occupations. […] une
fois pour toutes je vous diray que vous estes tousjours présent
à ma memoire comme un treshabile homme comme un fort
honneste homme et de plus comme fort mon Ami de l’affection
duquel je fais une de mes consolations principales »… Il a
eu de longs entretiens à son sujet avec le philosophe André
G
raindorge
,
qui lui a expliqué « vos communs exercices quand
vous estes ensemble que je ne scaurois asses louer. J’apprens
aussi avec beaucoup de plaisir que vostre impression est fort
avancée et que le Public en sera bientost enrichi. Je le feray
scavoir en bon lieu afin qu’on lattende avec moins dimpatience
et quon sache que vous payerez bientost avec usure les
graces que vous recevés de Sa M
té
»…
500 / 600
€
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Jacques CHARDONNE
(1884-1968).
M
anuscrit
autographe, [vers 1931-1932] ; cahier cousu in-fol.
de 178 pages.
C
ahier
de
premier
jet
de
notes
,
réflexions
et
remarques
préparatoires
à
son
livre
L’A
mour
du
prochain
(Grasset, 1932).
[«
L’Amour du prochain
, écrit à l’instigation de Jean Paulhan
et dédié à son fils Gérard Boutelleau, inaugure la série des
“essais” de Chardonne, recueils de remarques accumulées par
un esprit qui s’interroge sur son temps. Un anticonformisme
absolu les caractérise, ce qui signifie qu’ils repoussent aussi
radicalement le conformisme du non-conformisme. Liberté
totale », écrit Ginette Guitard-Auviste (
Jacques Chardonne ou
l’incandescence sous le givre
, Olivier Orban, 1984, p. 161), qui
cite Edmond Jaloux : « Sur chaque chose, il a les opinions
les moins conventionnelles ; celles de la maturité quand elle
demeure libre ».]
Ce cahier est écrit à l’encre noire, au début au fil des idées et
de la plume ; par la suite, Chardonne a ordonné son cahier
par rubriques appelées par un petit signet rouge (Beaux-arts,
Sentiment, Affaire, Varia). Beaucoup de pages sont vierges
de toute correction, mais d’autres sont raturées, corrigées
et surchargés de nouvelles leçons. On relève quelques rares
dates. Chardonne a marqué beaucoup de passages de son
cahier de traits marginaux, sans doute pour signaler leur
importance à lui-même. Il en a aussi barré certaines, d’un trait
diagonal, probablement après l’intégration à son livre.
Le cahier s’ouvre ainsi : « Habitué à m’exprimer dans un
roman, je suis interdit. Il y a pourtant des choses qu’on
n’exprime pas dans un roman, ni même en parlant. Je veux les
écrire. […] Ce qui arrête beaucoup d’idées qui ont leur valeur,
ce qui les sèche au bout de la plume, c’est la préoccupation
qu’elles valent la peine d’être dites. De là un choix excessif,
une concision fatigante, un approfondissement, qui les vide de
leur meilleur contenu ; on les rétracte jusqu’au mot d’esprit ou
jusqu’à l’obscurité. Je voudrais oser tout l’intermède, l’indicible,
qui n’est pas ce que l’on croit, au-delà de l’expression, mais
trop familier, facile, pour qu’on ose le dire »…
Ces réflexions touchent les sujets les plus divers :
Le Prochain
,
l’amour et l’amitié, la femme et l’amour, la politiques, etc.
Plusieurs sont précédées de titres :
Pensées morales
,
Art
,
Famille
,
Politiques
,
La cruauté
,
Paysan
,
Religion
,
Beaux-
arts
,
Mariage
,
Visite à M
me
Pierrebourg
,
Visite de Jacqueline
,
Vieillesse de femme
,
Âge
,
Enfant
,
Femmes
,
Capitalisme
,
Révolution
,
Bourgeois
, etc. Plusieurs notes concernent la
Russie et le bolchevisme, la liberté, le machinisme… Certaines
commentent l’accueil fait à son roman
Claire
, paru en 1931…
Etc.
Citons trois entrées au hasard. « Les écrivains qui ont le mieux
parlé de l’amour ne l’ont pas connu. Les amants fameux dont
la mémoire s’est conservée, étaient séparés, et ont laissé
comme témoignage de leurs sentiments des lettres brûlantes
et une fable tragique. Il n’est pas surprenant que l’amour soit
finalement regardé comme une illusion, ou plutôt une aspiration
qu’il est imprudent de contenter. Mais si une seule fois, dans le
mariage, […] si la présence, l’intimité, les années ne l’ont pas
éteint mais accru, c’est qu’il existe vraiment sur terre, et n’est
pas un mirage des sens exaspérés »… « Dans mon prochain
livre j’étudierai le problème sans remords, de celui qui a sacrifié
un être à son propre bonheur. Il faut être sûr qu’on ne perd
rien. Dans tant de cas, c’est inutile. On n’aura jamais assez de
bonheur, pour payer la peine fait »… «
Convertis
. Vu
M
auriac
.
Sa haine contre mon succès – cette médisance voluptueuse
qui lui échappe. Cette haine du prochain, qui est sur sa route
du succès. Converti dans l’intervalle, il n’a rien changé dans sa
chaire. Ce n’était pas tant la concupiscence que l’amour de soi
qui le travaille, le désintéressement de ce qui est “autre”. C’est
pourquoi il vomit la terre, la calomnie, car il se sent mauvais. Et
la “conversion” n’a rien changé »…
4 000 / 5 000
€




