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99

Jacques CHARDONNE

.

M

anuscrit

autographe,

Propos comme ça

, 1965-1967 ; cahier

d’écolier

La Pérouse

petit in-4 de 276 pages, couv. cartonnée.

I

mportant

cahier

de

premier

jet

,

en

grande

partie

inédit

,

de

notes

,

anecdotes

,

maximes

et

réflexions

sur

la

littérature

,

ses confrères

écrivains

,

lui

-

même

,

l

amour

,

dont

il

n

utilisa

qu

une

partie

dans

P

ropos

comme

ça

(Grasset, 1966).

Beau témoignage du travail de l’auteur, avec de nombreuses

ratures, corrections et additions, ce cahier comporte un grand

nombre de passages inédits ; Chardonne continua à s’en

servir même après la publication des

Propos comme ça

. Le

cahier porte la date de « 1965 » à la première page, et, vers la

fin celle de « 16.VI.67 », résumant une lettre adressée à Paul

Morand.

L’ordre n’est pas celui des

Propos comme ça ;

des entrées

voisines dans le manuscrit peuvent être séparées par plusieurs

dizaines de pages dans le livre. Leur formulation est parfois

identique, mais plus souvent, cette écriture de premier jet

est retravaillée pour la publication. Chardonne a notamment

élagué beaucoup de digressions et de redites ; il a aussi ajouté

à son livre quelques beaux passages, tels un hommage ému

à Roger Nimier. Chardonne n’a pas non plus retenu quelques

rubriques, titres, ou divisions qu’on lit ici : « S

te

Beuve et

Balzac », « Politique, unification », « Pages sur l’édition », « La

fin du livre »… Et il prévoit un « Deuxième volume de

Comme

ça

 », ou « Propos comme ça. Tome II ».

Citons quelques passages inédits :

Au milieu d’un hommage à François

M

auriac

(

Propos

, p. 50-

51), le cahier porte : « J’ai eu tout de suite de la considération

pour “Vichy”. Il fallait d’abord protéger les Français ; nos

alliés prenaient leur temps pour se décider et s’équiper,

ingrate mission toute en sacrifices d’un grand Maréchal. La

“Révolution Nationale” ce fut une plaisanterie fort consciente

pour détourner les esprits, d’un grand malheur et qui serait

long. Mauriac a vu les choses autrement, cela est bien permis.

Une impasse, l’Histoire c’est toujours des impasses »… On en

retrouve un écho dans le livre (p. 30).

« 15 avril 65 –

P

aulhan

. Cet homme singulier et admirable. Il me

semble que je l’ai connu toute ma vie, et je le vois mal. C’était

un pensant ; pas exactement un penseur. Une phrase de lui,

qui n’avait l’air ambigu, donnait à rêver longtemps, même dans

la suprême sagesse. Cette sagesse lui a manqué à la fin de sa

vie ; il avait oublié son âge, qui est celui des renoncements »…

Des fragments de sa correspondance quotidienne avec Paul

M

orand

, dont un long extrait d’une lettre de Morand des 6-7

mai 1965 : Paris, « charmant enfer », souvenirs de l’époque de

la première Guerre, etc.

«

B

arrès

a rendu quelques petits services (en bonnes paroles)

à de jeunes écrivains. Ces bienfaits pas perdus ; il en eut

beaucoup de récompenses, et assez longtemps. Aujourd’hui,

je serai moins indulgent pour lui ; sa prétention, m’agaçait.

J’ai sur le cœur, ses articles pendant 4 ans de guerre, et des

livres médiocres. […] Tout m’a semblé assez fabriqué chez lui,

surtout sa noblesse. Il s’estimait ; en ces temps il était seul,

une chance. Je préfère le talent étouffé de Jules Renard. Il eut

de bons livres, les plus simples »…

« Le général de

G

aulle

n’a pas été inique envers

P

étain

 ; il désirait

que le maréchal reste en Suisse. C’est Pétain, lui-même, qui

s’est livré à de sombres fripouilles. Ces hommes politiques

qui attendent la succession du monarque, disent qu’il parle

mal. Vraiment ? Jadis, Waldeck Rousseau parlait bien. Jaurès

était merveilleux ; il semblait inspiré par son propre discours.

Poincaré apprenait ses discours par cœur, sans faute. Aristide

Briand avait l’éloquence un peu vulgaire : “Arrière les canons !”

J’ai reçu une lettre du Général qui commence par ces mots

“Vos

Propos comme ça

m’enchantent.” Je l’avoue : j’ai été

ébloui ! Deux pages écrites de sa main en des jours où il n’était

pas sans travail ; écriture ferme, un jugement littéraire de grand

style. Son œuvre, et qui sera durable, est un bonne voie : ce

sera un nouveau Paris. Les beaux-arts, cela seul demeure ;

c’est tout ce qui reste du “Siècle de Périclès” »…

On relève de nombreux intéressants passages sur les écrivains

et critiques (Bataille, Bernstein, Brenner, Delamain, Gide, Loti,

Rostand, etc.), le modèle d’un personnage de

Femmes

, son

père, le mariage, la vieillesse, la mort…

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