Previous Page  148-149 / 164 Next Page
Information
Show Menu
Previous Page 148-149 / 164 Next Page
Page Background

146

Livres & Manuscrits

RTCURIAL

22 septembre 2020 18h. Paris

147

Livres & Manuscrits

RTCURIAL

22 septembre 2020 18h. Paris

Manuscrits de Georges Brassens — Lot 219 à 240

235

BRASSENS (Georges)

Manuscrits autographes

pour la chanson

La Religieuse.

10 ff. in-4, papier quadrillé perforé.

Important ensemble de manuscrits de travail

pour la chanson

la Religieuse

, figurant sur

l’album éponyme gravé en 1969.

Les rapports de Brassens à la religion

et à la foi sont très clairs et

nombre de ses chansons lui attirent

les foudres des croyants. Mais en

définitive, son répertoire est à

l’image de son éducation : « Sa maman

catholique pratiquante lui inculque

les éléments fondamentaux et lui offre

le spectacle d’une femme cherchant à

gagner le ciel. Son papa sème le doute.

Ses propos sont anticléricaux mais ses

actes sont humains. S’il y a un ciel,

il ne voit aucune raison pour ne pas y

aller. Brassens grandit entre ces deux

forces : la croyance en l’au-delà et la

croyance en ici-bas. » (Poulanges, p.

152) On trouve dans son répertoire, aux

côtés des chansons impies et accusées

de vulgarité, des chansons comme

l’Auvergnat

, tout empreinte de charité

chrétienne, ou

la Prière

de Francis

236

BRASSENS (Georges)

Manuscrits autographes

pour la chanson

Le Blason.

74 p. sur 45 ff. in-4 (divers formats :

32 ff. papier quadrillé perforé et

13 ff. papier quadrillé tirés

d’un cahier à spirale).

La chanson

Le Blason

figure sur

l’album

Fernande,

gravé en 1972, et

probablement un des plus grivois de

Brassens.

Brassens avait d’abord présenté une

chanson intitulée « Révérence parler »

dans son récital à Bobino de 1969.

Mais insatisfait de ce texte, il la

retire du tour de chant après quelques

représentations. Cette chanson, sous

ce titre, ne sera jamais enregistrée.

Elle réapparaîtra finalement, en

1972, sous une forme plus courte et

avec le titre du

Blason.

Ce titre est

une référence explicite à l’univers

de la poésie de la Renaissance, plus

particulièrement la forme du genre

poétique du « blason », dont il reprend

à Clément Marot la verdeur anatomique.

Mais c’est aussi une critique envers la

pauvreté et la grossièreté des images

pour décrire le sexe féminin.

« Avec Brassens, le sexe fait son

entrée dans l’arène populaire de la

chanson. Il s’en amuse pour dénoncer

les rapports difficiles entre hommes

et femmes et laisse largement entrevoir

Jammes. « S’il lui arrive de peindre

une religieuse fantasmagorique, son

attention s’arrête sur le trouble des

enfants de chœur » (Poulanges, p. 152).

L’ensemble montre les recherches et

tâtonnements de Brassens, avec beaucoup

de vers et strophes différents de la

version définitive. Ainsi,

« On dit

que chaque soir après ses patenôtres :

À l’heure où ses consœurs sont

sagement couchées / Se mettant toute

nue en voici bien d’une autre / Elle

se mire dans sa psyché longuement »

(ailleurs, sous cette forme :

« On dit

que chaque soir après ses patenôtre /

Tandis que ses consœurs sont sagement

couchées / Se mettant toute nue en

voici bien d’une autre / Elle se mire

longuement »

) devient : « Il paraît que

le soir, en voici bien d’une autre ! /

À l’heure où ses consœurs sont sagement

couchées / Ou débitent pieusement des

patenôtres / Elle se déshabille devant

sa psyché ».

que bien des mâles sont dépassés par

l’ampleur de la tâche : satisfaire

physiquement sa moitié. Lorsqu’il

écrit “Le Blason”, tout en s’inscrivant

dans une longue tradition poétique, il

révèle une fascination pour ce “morceau

de roi” de l’anatomie féminine, pour

son “plus bel apanage”. » (Poulanges,

Passion Brassens,

p. 142.)

Parmi la masse de documents, un

feuillet (vraisemblablement incomplet)

intitulé

« Révérence parler »

, présente

la première version (inédite, donc)

de la chanson. Pour le reste, les

feuillets offrent toutes les recherches

et élaborations du poète pour arriver

à une version qui le satisfasse. Des

vers trop crus ou triviaux (

« Que

l’objet de nos amours s’appelle un con

peuchère »

, le mot

« cul »

) finissent

par être éliminés. En écoutant la

version finale, on comprend comment

cet élagage a permis à Brassens de

proposer une chanson bien plus subtile,

reposant bien plus sur l’évocation que

l’énonciation.

Ces documents offrent à voir

l’abondant travail de recherche

lexicale de Brassens, listant des noms

de fleurs, d’oiseaux, de pierres semi-

précieuses… L’élaboration du texte,

Il n’y a, dans cet ensemble de

manuscrits, qu’une liste de termes,

recensant les péchés capitaux, et

quelques mises en parallèle de rimes à

utiliser. On voit cependant le travail

fin, cher à Brassens, qui consiste à

réécrire inlassablement les vers et les

strophes. Des mots restent quand tout

le vers (et même son sens) disparaît.

Des choses qu’il avait prévu d’utiliser

pour cette chanson disparaissent, mais

seront réutilisées dans une autre

chanson. Une phrase,

« À Saint-Sulpice

que ces ragots turlupinent »

ne sera

pas retenue, mais on retrouve Saint-

Sulpice dans la chanson

Mélanie

(1976).

Certains passages sont écrits dans

la précipitation, comme sous l’effet

d’une inspiration soudaine. Quelques

ratures, rares chez Brassens, sont à

noter.

10 000 - 15 000 €

longue, minutieuse, se fait aussi

bien par cette recherche de termes,

que par la recherche de rimes, pour

finir par un polissage des strophes

déjà écrites afin que la chanson

trouve son, équilibre. Et en chemin,

il y a un travail d’ordonnancement

des vers et des strophes. De loin en

loin Brassens se note des consignes :

« ÉVITER Pâquerette et nénuphar qui se

disent en argot »

, «

commencer par la

malepeste ».

L’ensemble est d’une richesse, quasi-

labyrinthique, inouïe et permet sans

doute le mieux de voir et comprendre

la méthode de travail de Brassens ;

l’ampleur que ses recherches et

retouches peuvent prendre se perçoit

ici nettement.

Ce que résume d’ailleurs Alain

Poulanges : « […] Il retrouve son

établi pour écrire dès cinq heures

du matin. Des mots et des mots pour

trouver le mot, la phrase, le bon

assemblage, l’inversion idéale, afin

d’être compris tout de suite sans avoir

recours à la facilité. » (Poulanges,

p. 168).

10 000 - 15 000 €