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Livres & Manuscrits
RTCURIAL
22 septembre 2020 18h. Paris
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Livres & Manuscrits
RTCURIAL
22 septembre 2020 18h. Paris
Manuscrits de Georges Brassens — Lot 219 à 240
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BRASSENS (Georges)
Manuscrits autographes
pour la chanson
La Religieuse.
10 ff. in-4, papier quadrillé perforé.
Important ensemble de manuscrits de travail
pour la chanson
la Religieuse
, figurant sur
l’album éponyme gravé en 1969.
Les rapports de Brassens à la religion
et à la foi sont très clairs et
nombre de ses chansons lui attirent
les foudres des croyants. Mais en
définitive, son répertoire est à
l’image de son éducation : « Sa maman
catholique pratiquante lui inculque
les éléments fondamentaux et lui offre
le spectacle d’une femme cherchant à
gagner le ciel. Son papa sème le doute.
Ses propos sont anticléricaux mais ses
actes sont humains. S’il y a un ciel,
il ne voit aucune raison pour ne pas y
aller. Brassens grandit entre ces deux
forces : la croyance en l’au-delà et la
croyance en ici-bas. » (Poulanges, p.
152) On trouve dans son répertoire, aux
côtés des chansons impies et accusées
de vulgarité, des chansons comme
l’Auvergnat
, tout empreinte de charité
chrétienne, ou
la Prière
de Francis
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BRASSENS (Georges)
Manuscrits autographes
pour la chanson
Le Blason.
74 p. sur 45 ff. in-4 (divers formats :
32 ff. papier quadrillé perforé et
13 ff. papier quadrillé tirés
d’un cahier à spirale).
La chanson
Le Blason
figure sur
l’album
Fernande,
gravé en 1972, et
probablement un des plus grivois de
Brassens.
Brassens avait d’abord présenté une
chanson intitulée « Révérence parler »
dans son récital à Bobino de 1969.
Mais insatisfait de ce texte, il la
retire du tour de chant après quelques
représentations. Cette chanson, sous
ce titre, ne sera jamais enregistrée.
Elle réapparaîtra finalement, en
1972, sous une forme plus courte et
avec le titre du
Blason.
Ce titre est
une référence explicite à l’univers
de la poésie de la Renaissance, plus
particulièrement la forme du genre
poétique du « blason », dont il reprend
à Clément Marot la verdeur anatomique.
Mais c’est aussi une critique envers la
pauvreté et la grossièreté des images
pour décrire le sexe féminin.
« Avec Brassens, le sexe fait son
entrée dans l’arène populaire de la
chanson. Il s’en amuse pour dénoncer
les rapports difficiles entre hommes
et femmes et laisse largement entrevoir
Jammes. « S’il lui arrive de peindre
une religieuse fantasmagorique, son
attention s’arrête sur le trouble des
enfants de chœur » (Poulanges, p. 152).
L’ensemble montre les recherches et
tâtonnements de Brassens, avec beaucoup
de vers et strophes différents de la
version définitive. Ainsi,
« On dit
que chaque soir après ses patenôtres :
À l’heure où ses consœurs sont
sagement couchées / Se mettant toute
nue en voici bien d’une autre / Elle
se mire dans sa psyché longuement »
(ailleurs, sous cette forme :
« On dit
que chaque soir après ses patenôtre /
Tandis que ses consœurs sont sagement
couchées / Se mettant toute nue en
voici bien d’une autre / Elle se mire
longuement »
) devient : « Il paraît que
le soir, en voici bien d’une autre ! /
À l’heure où ses consœurs sont sagement
couchées / Ou débitent pieusement des
patenôtres / Elle se déshabille devant
sa psyché ».
que bien des mâles sont dépassés par
l’ampleur de la tâche : satisfaire
physiquement sa moitié. Lorsqu’il
écrit “Le Blason”, tout en s’inscrivant
dans une longue tradition poétique, il
révèle une fascination pour ce “morceau
de roi” de l’anatomie féminine, pour
son “plus bel apanage”. » (Poulanges,
Passion Brassens,
p. 142.)
Parmi la masse de documents, un
feuillet (vraisemblablement incomplet)
intitulé
« Révérence parler »
, présente
la première version (inédite, donc)
de la chanson. Pour le reste, les
feuillets offrent toutes les recherches
et élaborations du poète pour arriver
à une version qui le satisfasse. Des
vers trop crus ou triviaux (
« Que
l’objet de nos amours s’appelle un con
peuchère »
, le mot
« cul »
) finissent
par être éliminés. En écoutant la
version finale, on comprend comment
cet élagage a permis à Brassens de
proposer une chanson bien plus subtile,
reposant bien plus sur l’évocation que
l’énonciation.
Ces documents offrent à voir
l’abondant travail de recherche
lexicale de Brassens, listant des noms
de fleurs, d’oiseaux, de pierres semi-
précieuses… L’élaboration du texte,
Il n’y a, dans cet ensemble de
manuscrits, qu’une liste de termes,
recensant les péchés capitaux, et
quelques mises en parallèle de rimes à
utiliser. On voit cependant le travail
fin, cher à Brassens, qui consiste à
réécrire inlassablement les vers et les
strophes. Des mots restent quand tout
le vers (et même son sens) disparaît.
Des choses qu’il avait prévu d’utiliser
pour cette chanson disparaissent, mais
seront réutilisées dans une autre
chanson. Une phrase,
« À Saint-Sulpice
que ces ragots turlupinent »
ne sera
pas retenue, mais on retrouve Saint-
Sulpice dans la chanson
Mélanie
(1976).
Certains passages sont écrits dans
la précipitation, comme sous l’effet
d’une inspiration soudaine. Quelques
ratures, rares chez Brassens, sont à
noter.
10 000 - 15 000 €
longue, minutieuse, se fait aussi
bien par cette recherche de termes,
que par la recherche de rimes, pour
finir par un polissage des strophes
déjà écrites afin que la chanson
trouve son, équilibre. Et en chemin,
il y a un travail d’ordonnancement
des vers et des strophes. De loin en
loin Brassens se note des consignes :
« ÉVITER Pâquerette et nénuphar qui se
disent en argot »
, «
commencer par la
malepeste ».
L’ensemble est d’une richesse, quasi-
labyrinthique, inouïe et permet sans
doute le mieux de voir et comprendre
la méthode de travail de Brassens ;
l’ampleur que ses recherches et
retouches peuvent prendre se perçoit
ici nettement.
Ce que résume d’ailleurs Alain
Poulanges : « […] Il retrouve son
établi pour écrire dès cinq heures
du matin. Des mots et des mots pour
trouver le mot, la phrase, le bon
assemblage, l’inversion idéale, afin
d’être compris tout de suite sans avoir
recours à la facilité. » (Poulanges,
p. 168).
10 000 - 15 000 €




