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Livres & Manuscrits

RTCURIAL

22 septembre 2020 18h. Paris

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Livres & Manuscrits

RTCURIAL

22 septembre 2020 18h. Paris

Manuscrits de Georges Brassens — Lot 219 à 240

224

BRASSENS (Georges)

Manuscrit autographe

pour la chanson

Les Deux oncles.

7 p. sur 4 ff. in-4.

Manuscrits pour la chanson

les Deux

oncles, figurant sur l’album

les

Copains d’abord

, gravé en 1964.

On voit ici les recherches,

l’élaboration des vers, le travail

autour de la version définitive, mais

présentant des variantes. L’état qui

nous est proposé se situe probablement

à peu près à la moitié du travail de

composition.

Des vers comme

« Avec la poudre qu’ils

n’avaient pas inventée »

,

« Dans vos

petits jardins l’herbe de l’oubli

croît »

,

« le roi est mort vive le

roi »

,

« Le temps passe 100 fois plus

vite qu’on ne croit »

ne se retrouvent

sous aucune forme dans la version

définitive. Comme toujours, des vers

sont là, qui vont encore être remaniés

pour aboutir à ceux que finalement nous

connaissons. Ainsi,

« Moi qui n’ai

225

BRASSENS (Georges)

Manuscrits autographes pour la chanson

Le Grand chêne.

14 p. et une ligne sur 10 ff.

Ensemble de manuscrits pour la chanson

Le Grand chêne,

figurant sur l’album

Supplique pour être enterré à la plage

de Sète,

gravé en 1966. Les documents

présentent plusieurs versions, dont

une définitive avec tonalité (2 p.

sur 2 ff., 2 petites corrections),

beaucoup de recherches, des ratures,

ainsi que des strophes entourées pour

être retenues.

S’inspirant de La Fontaine et

de la fable du Chêne et du roseau,

Brassens, cherche à créer une chanson

très imagée. Mais il ne perd pas de vue

l’enseignement moral qu’on peut tirer

des histoires bien racontées. « Il faut

tenir compte que l’un des poètes que

j’estime le plus se nomme La Fontaine

et que, de ce fait, j’entends tout de

même tirer de chacun de mes mots le

maximum de signification, ou, si tu

aimes mieux : d’ironie, d’humour, de

saveur, et même de morale » (lettre

de Brassens à Toussenot, 8 juin 1950).

« Vivre en ayant constamment à l’esprit

l’idée de sa propre fin provoque

l’apathie ou l’énergie créatrice. Dans

ce cas, l’homme lucide refuse de partir

sans avoir laissé une trace ; comme ces

amoureux qui gravent leurs noms sur la

peau du grand chêne avant de l’inviter

à se planter chez eux et qui, au fil

des jours et des années, l’élémentaire

générosité s’étant émoussée, le brûlent

dans leur cheminée. La morale du «

Grand chêne » est limpide : “Le curé

de chez nous, petit saint besogneux,

/ Doute que sa fumée’ s’élève jusqu’à

Dieu. / Qu’est-c’qu’il en sait,

le bougre, et qui donc lui a dit /

Qu’y a pas de chêne en paradis ?”

La postérité s’acquiert en cherchant

à gagner sa place en paradis. »

(Poulanges, p. 150.)

On voit dans ces brouillons, comment

Brassens s’est éloigné de références

trop explicites, pour aller, comme

toujours vers la subtilité.

« Des

roseaux bien pensant qu’avaient lu La

Fontaine »

devient « Du matin jusqu’au

soir ces petits rejetons / Tout juste

canne à pêche à peine mirlitons / Lui

tournant tout autour chantaient, in

extenso / L’histoire du chêne et du

roseau. » On le voit également noter

et tester des rimes :

« au cœur au

mitan âgé de 107 ans »

ou explorer

diverses formes de narration :

« Grand

père m’a conté qu’il était une fois,

une belle forêt si vaste que ma foi »

.

jamais dit de quelqu’un qu’on le tue /

Qui pends pas mon bonheur aux cordes

des pendus »

donnera : « Maintenant

que vos controverses se sont tues, /

Qu’on s’est bien partagé les cordes

des pendus ».

Le passage « Un p’tit forget me not pour

mon oncle Martin, / Un p’tit vergiss

mein nicht pour mon oncle Gaston »

retenu dans la chanson est tout ce qu’il

reste d’une ébauche plus détaillée :

« En pensée je fleuris la tombe à mes

tontons /

Plein de

vergist mein nicht

sur celle de Gaston / Qui est mort pour

la patrie et pour le roi de Prusse /

Plein de vorget me not sur la tombe à

Arthur / Qui est mort pour la patrie

à genoux contre un mur / En habit de

cow-boy et en chaussettes [ ?]usses. »

On apprend ainsi que l’oncle Martin

s’appelait d’abord Arthur.

Cette chanson, sortie sous le « règne »

du général de Gaulle, fit polémique

et nombre d’admirateurs de Brassens

la récusèrent. Elle sera d’ailleurs

interdite de diffusion à la radio par

la censure. Et la presse titre : « La

chanson d’un gars qui serait en train

de mal tourner » (

Libération

,

19 novembre 1964) ou « Georges Brassens

défend… l’indéfendable » (

L’Humanité

,

24 novembre 1964).

8 000 - 12 000 €

Certains couplets sont entourés pour

être vraisemblablement travaillés, car

ils n’ont pas été conservés dans la

version définitive.

On joint

à cet ensemble de manuscrits

une lettre autographe signée

« Georges » à Fred Mella

, Paris,

lundi 15 janvier 1968. Cette lettre,

instructive à bien des égards,

accompagnait le

« brouillon d’une

chanson avec quelques variantes »

et

en précise la genèse :

« J’avais une

histoire assez vague de deux amoureux

qui se rencontraient dans une forêt

(une histoire qui n’a pas eu de suite).

À un moment ils gravaient leurs prénoms

enlacés sur l’écorce d’un arbre. Tout

est parti de là. Pour étoffer mon idée

qui n’allait pas bien loin je fis

parler l’arbre je lui fis raconter

son histoire aux amoureux et surtout

je le fis marcher.

[…]

Une image que

j’entrevis à ce moment là et qui fit

beaucoup pour m’inciter à suivre cette

nouvelle direction ce fut celle de

l’arbre tenu par les deux amoureux. »

12 000 - 18 000 €