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la fin d’août
. « Ton serviteur soussigné potasse à perte de vue […] Quand il a du temps à lui, il fait le plus et le mieux de philo qu’il
peut »… Son recalage lui vaut une nouvelle année d’internat, mais « cela ne sera peut-être pas un obstacle absolument invincible à nous
voir »... –
De l’École Normale un mardi matin.
Il n’a décidément pas le temps de lui écrire cette année. « J’ai passé le restreint en avril
pour pouvoir faire en juillet 97 l’agrégation de philo. Tu ne saurais parler de l’armée tout à fait juste, puisque tu y es encore. Quand
tu en seras parti, nous en parlerons ensemble et tu me trouveras peut-être alors plus avancé, je veux dire plus révolutionnaire, au sens
exact du mot, que toi. Pour le moment, je me suis contenté de me ranger officiellement parmi les socialistes. Ils sont en effet, de tous les
partis constitués, ceux qui sont le moins en arrière de moi »... –
Lakanal
. Il ne peut malheureusement lui accorder une journée : « Il est
convenu qu’il faut pour entrer à Normale une certaine dose d’abrutissement : plus j’irai vite à l’acquérir, plus vite je serai reçu et plus
vite je pourrai redevenir intelligent. Je potasse donc tous les dimanches ». Tous les jeudis il va aux matinées classiques de l’Odéon, et
aux conférences de Brunetière sur l’histoire du théâtre français…
[27 décembre 1893]
, regrettant de ne pas avoir vu Meunier au Français :
« Nous nous serions rasés à deux, ce qui n’eût pas manqué d’intérêt »…
264.
Charles PÉGUY
.
p
oème
autographe signé,
Paris double théâtre
, 1912 ; 4 feuillets in-8 (encadré).
2 000/2 500
s
onnet
contemporAin
du
projet
de
l
a
t
aPisserie
de
n
otre
d
aMe
et non retenu pour le recueil (1913).
Marcel Péguy, fils du poète, découvrit ce sonnet inédit chez un libraire ; le poème fut publié pour la première fois en 1957 dans les
Œuvres poétiques complètes
de Péguy, de la « Bibliothèque de la Pléiade ». Notre manuscrit est daté en tête « mercredi 28 août 1912 »,
avec l’indication « deuxième état du même » ; chaque strophe est écrite séparément sur un feuillet. Outre de menues différences de
ponctuation et d’orthographe, ce manuscrit comporte deux variantes par rapport au manuscrit conservé au Centre Charles Péguy
d’Orléans, et donné dans l’édition des
Œuvres poétiques et dramatiques
de la « Pléiade » (2014) : « inscrit » à la place d’« assis » (vers 1) et
« tout le temps » au lieu de « tout le long » (vers 12).
« Double théâtre inscrit aux deux coteaux de Seine
Où l’honneur et l’amour également tragique
Nourrissaient pour la guerre un peuple stratégique
Par-dessus le fatras d’une glose malsaine.
Nos pères t’ont sacrée ô la plus haute scène
D’où le vers et la prose également stoïque
Se soient jamais versés sur un peuple héroïque
Par-dessus le plâtras du scholiaste obscène »...
265.
Roger PEYREFITTE
(1907-2000). L.A.S. (paraphe), Vendredi « ides de mars » [15 mars 1940 ?, à Henry de
m
ontherlAnt
]
;
2 pages in-8.
500/600
c
urieuse
lettre
Aux
mystérieux
sous
-
entendus
. « Pendant que vous
composez des hymnes à la violette, notre ami le Major fait de l’épopée. Il
est venu me voir
hier
pour m’inviter à modérer votre intérêt, je ne dis pas
sur “Les badinages” du Chevalier, qui sont déjà en bonne main, mais sur
cette “Robe de tulle” (presque
La robe de laine
de M. Henry Bordeaux) à
laquelle essaie de vous intéresser un amateur qui, de votre propre aveu,
vous ne connaissiez pas il y a un mois. Conservons nos luminaires pour
les œuvres de la maison ; elle en est, certes, assez riche. Oui, depuis hier,
le major est en pleine épopée. Vous connaissez déjà, à ce qu’il m’a dit,
les chants antérieurs de son Iliade, consacrés jusqu’ici aux gloires de la
religion (S
t
Lazare), de l’histoire de France (le maréchal de Luxembourg) et
du Massif Central. Hier, jour qui jusqu’à présent n’avait pas figuré parmi
ses jours inspirateurs, il s’est trouvé tout à coup inspiré. Naturellement, il
n’était pas chez lui, où toute Muse est introuvable, mais dans le voisinage,
dont le nom rappelle ces “Soirées” dont vous fîtes le charme, en pays du
“compliment d’usage”. Il régnait en maître et seigneur, vous le savez, sur
ce pays-là ; les Muses lui souriaient. […] Le chant n
ème
de l’Iliade de l’O.
commence. […] Il va savoir, dès ce soir, si la journée d’hier marque, pour
la gloire littéraire de l’O., une date faste ou néfaste ! Car, d’après les rimes
déjà alignées (il compose de chic, comme Victor Hugo), ce sera une chose
prodigieuse
. Que les plus grandes œuvres paraissent de pauvres choses,
au prix de celle-là ! Songez-y : toutes les Muses sont avec lui, contre la
fâcheuse inspiratrice du dehors. Bref, le plus invraisemblable amphigouri
poétique que l’on ait jamais vu. Oui, ce soir, l’O. aura gagné sa plus
formidable bataille (
L’Iliade
,
L’Énéide
,
La Légende des Siècles
, Corneille ne
sont que des enfantillages auprès), ou
il l’aura perdue
»...




