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que votre Satan s’habille vraiment pour vous chez Drecoll ou chez Beer, pleurniche à la neuvième symphonie, recèle des trucs

chez la vieille Noailles ? Votre Satan a-t-il vraiment le don des larmes ? Ni l’effusion de votre charité, ni l’inspiration de votre

cœur fraternel ne sauraient vous découvrir cette part secrète et réservée de moi-même, où le mal pousse et nourrit sa racine.

Mon ignorance sur vous est peut-être aussi profonde. On pèche seul, mon ami, comme on meurt »... Néanmoins, son illusion

des

enchantements du péché

met Bernanos hors de lui : « Quel fils de la femme, ayant l’expérience du plaisir, n’en connaît

l’amère duperie ? – Que s’il y est chaque fois

trompé

, je dis que c’est un étourdi sympathique, une âme de néant, où le diable

n’a que faire, car il ne daigne pas écrire sur le sable. Mais le drame commence au-delà : lorsque la désobéissance est aimée pour

elle-même – quand le remords devient l’aliment indispensable de l’âme, ou cette âme même – le Remords, ce fils maudit de la

divine charité qui comme elle, n’a rien, s’il n’a tout... “

J’ai regoûté à la matière dont je suis fait

, dit quelque part Claudel,

j’ai

péché fortement

.” Le reste est littérature. […] Je suis entre l’Ange lumineux et l’Ange obscur, et je les regarde tour-à-tour, avec

la même famine enragée d’absolu »...

21.

Georges BERNANOS

. L.A.S., Palma [27 août 1936], à son Robert Vallery-Radot ; 3 pages petit in-4 arrachées

d’un cahier.

500/700

Intéressante lettre sur la guerre d’Espagne, alors que son fils aîné Yves s’est engagé dans la Phalange.

Que Robert se rassure : « Si les Catalans n’étaient pas des espèces de Marseillais, c’est-à-dire des soldats de carton, ils seraient

ici [...]. Je remercie le bon Dieu qui m’a permis d’assister à une espèce de répétition générale de la Révolution universelle. Ce

qui me frappe le plus c’est l’énorme malentendu qui commence à crever sur le monde, et auprès duquel celui de la Tour de

Babel n’aura été que bagatelle »... Quant à Yves, il « s’est conduit admirablement. Il a été nommé lieutenant – à la lettre – sur

le champ de bataille, avec des citations très épatantes. À la tête de sa section, il a pris une mitrailleuse, et il a sauté le premier

sur la pièce, tuant le tireur. Par exemple le même garçon que tout le monde s’accorde à me peindre, sur le terrain, réfléchi, brave

sans forfanterie, ménager de ses bonshommes, etc. etc. redevient chez nous le gosse impossible. [...] Si le mot de neutralité vous

fait sourire, moi il me fait rigoler. Toutes ces nations mentent comme des chiennes. Il faut véritablement le voir pour le croire.

Ce qu’on voit rappelle beaucoup

Salambô

et la description de la guerre inexpiable. Une vie humaine ne pèse plus rien. Les rares

exemplaires de la presse française que je reçois me dégoûtent. Tous ces guignols nationalistes militaires ou civils, qui n’ont

jamais osé risquer la guerre civile, et qui l’admirent bassement et servilement chez autrui me semblent plus répugnants que

jamais. Leur rôle consiste à envoyer place de la Concorde des braves types désarmés. Ah ! les pitres ! »... Il espère qu’on a publié

à Paris son hommage à Ramiro Maetztu : « Sa

Défense de la Hispanidad

est un livre qui m’a comblé »...

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