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Citons le premier poème du manuscrit (II), avec les premières rédactions biffées entre crochets droits :
« [Lorsque] Quand tu m’ordonnes de chanter, il semble que mon cœur [eut du] doive crever d’orgueil ; et je regarde vers ta
face, et des pleurs me viennent aux yeux.
Tout le rauque et le dissonant de ma vie fond en une seule suave harmonie – et mon adoration éploie les ailes comme un
joyeux oiseau [qui prend] dans sa fuite à travers la mer.
Je sais que tu prends plaisir à mon chant. Je sais que, comme un chanteur seulement, je [parais] suis admis en ta présence.
Mon chant largement éployé [frôle] touche de [la pointe] l’extrémité de son aile tes pieds que je désespérais d’atteindre.
Ivre de cette joie du chanter, je m’oublie moi-même et je t’appelle ami, toi qui es mon Seigneur. »
On joint 7 feuillets de brouillons autographes (« chapeau » de présentation, pièces 98, 101, 102 et 103...), et la dactylographie
des pièces 76 et 77 avec corrections autographes.
63.
Armand GUILLAUMIN
(1841-1927) peintre. 41 L.A.S. et 51 cartes postales, 1909-1921, à Georges Dorival (une
à sa fille, Madeleine Guillaumin, filleule et élève de Dorival, et 2 à Paule dite « Tite » Dorival) ; 100 pages in-8, qqs
adresses et enveloppes et 51 cartes postales illustrées avec texte au dos, la plupart avec adresse.
4 000/5 000
Belle correspondance amicale et artistique à son ami Édouard Lemarchand, dit Georges Dorival (1871-1939), comédien,
peintre et collectionneur. Il est souvent question de leurs proches et des tournées de l’acteur, mais Guillaumin parle surtout de
ses propres travaux artistiques, travaillant sur le motif, notamment à Crozant sur les bords de la Creuse, et sur la Côte d’Azur
à Agay et Roquebrune-Cap-Martin, etc.
25 octobre 1909
, envoi d’un souvenir de Saint-Palais : « je dis mon cher Dorival tout court ; ne vous fâchez pas surtout »...
Poitiers 30 mai
1910
:
« Tous les jours je lis l’affiche cela me fait plaisir d’y voir vos noms c’est un acompte sur le plaisir de vous
voir »...
1
er
septembre
, sur la prochaine interprétation par Dorival du rôle-titre de
Chantecler
: « vous allez pouvoir enfin
montrer aux Parisiens ce que c’est qu’un vrai coq »...
Crozant 17 novembre
. Depuis un mois il a plu presque tous les jours, et il
n’a fait qu’une petite nature morte, « avec des oignons pour me faire pleurer. Cette année s’annonce bien mauvaise. Pas de
travail ! Grève complète des amateurs [...] et le noir ennui m’envahit. J’étais pourtant venu avec un grand désir de travailler, de
faire de beaux effets de givre. J’avais une grande provision de couleurs, de toiles, il m’a fallu remiser tout cela. Je suis dans un
état cérébral à faire pitié [...]. Je suis dégouté de la vie, des marchands de tableaux qui font de l’art une valeur de bourse. Le
peintre A monte B dégringole »...
Paris
13 janvier
1912
. Il broie « un noir intense. Rien ne me plaît et je m’ennuie à crier. Je
vais voir des expositions de peintres jeunes ou vieux : tout me semble fait pour les marchands. Articles d’exportation allemande
ou russe, il n’y a pas à dire la mode est au bizarre, ou plus tôt au baroque. C’est l’anarchie ! »...
31 janvier
. Il a parlé à son ami
Blot du tableau de Manet, qu’a trouvé Dorival [
La Partie de croquet
] : « Comme vous paraissiez vouloir vous défaire de ce
tableau, j’ai pensé à vous fournir un intermédiaire sûr honnête, que je savais en mesure de vous vendre un bon prix votre
Manet »...
9 février
. « Votre Manet est un très bon morceau, un peu esquisse surtout pour certains, qui ne manqueront pas de
se prévaloir de cet état pour le déprécier mais il est très beau très artistique et vous avez eu une bonne chance. Je crois que vous
avez bien fait de ne plus le montrer jusqu’au moment où vous serez décidé à vous en défaire. Le ferez-vous nettoyer ? Il en a
besoin. Il y a sur le personnage assis à gauche une traînée de vernis jaune, et un ton poussiéreux sur tout le tableau qui le terni
un peu »...
Crozant Vendredi [3 mai]
. « Comme nous sommes heureux du succès de
La Flambée
, qui est celui du brave colonel !
Comme nous voudrions jouir avec vous de ce succès ! »...
5 mai
. « Allez donc voir l’exposition de Renoir chez D. Ruel. Je
voudrais bien la voir. Dites-moi ce que vous en penserez, il y a aussi celle de Besnard chez Georges Petit. Quant aux 2 salons,
c’est comme l’année dernière, je pense »...
1
er
septembre
. Prière d’aider sa fille Madeleine et son mari à « mettre le pied à
l’étrier »...
12 septembre 1912
. Il s’inquiète de la mauvaise santé de sa femme. « J’ai travaillé un jour et demie et voilà les orages
journaliers, hebdomadaires qui recommencent »...
22 octobre
. « Oui j’aime Monticelli ! Non je n’aime pas Carrière malgré
tout le talent qu’on lui reconnaît [...]. Quant au Brueghel je le verrai avec plaisir malgré la méfiance que j’ai pour les anciennes
œuvres »... Il déplore que la pluie l’empêche de travailler : « Quel bête de profession que celle de paysagiste sur nature »... Il
évoque la vente Henri Rouart en décembre...
27 août
1914
. Il demande instamment des nouvelles : « Nous sommes dans une
anxiété dont vous n’avez pas idée »...
Paris 29 novembre
. « J’ai fait ces jours-ci deux natures mortes. Je ne sais ce qu’elles valent.
Vous me direz ça à votre retour »...
3 avril 1915
. « Je m’efforce de suivre vos encouragements, et je travaille pas beaucoup, mais
je fais quelque chose, et peut-être qu’à la fin de cette affreuse tourmente, je pourrai vous montrer que je suis encore digne de
votre amitié. Mais c’est dur »...
3 mai 1915
. Ils reçoivent des lettres courageuses de Chabrol qui leur font du bien. « Pour suivre
vos conseils et continuer à mériter votre estime je travaille le plus que je peux, mais [...] c’est grâce à la pluie que je vous écrit.
Tous ces coups de canon, si chers ! troublent tout jusqu’à l’atmosphère. Cochon de Guillaume. Sales boches ! »...
28 juin 1916
,
aveu de découragement : « pas de peinture rien que des chagrins »...
Crozant 23 mai 1917
. Il se force à travailler, mais le temps
ne le favorise guère. Il évoque la vente Bernheim jeune : « ses enfants encore plus jeunes ont vendu leur père. En voilà des
monstres ! »...
15 octobre
1918
. La folie sentimentale les gagne, alors que les événements tournent pour eux : « enfin on
commence le dernier tableau de cet affreux drame, on devrait prendre le Kaiser, son fils et tous d’ailleurs, les mettre dans des
cages de fer et les montrer comme curiosités. Un sou par visiteur ça ferait une belle somme pour les blessés et augmenterait
leurs pensions »...
5 novembre
. « Vous me dites travaillez, je le fais le plus que je peux, mais j’ai une fatigue cérébrale qui me
gêne un peu, puis il ne fait pas deux jours de suite le même temps »...
Agay 26 mars
1919
. Il ne travaille pas beaucoup, et il s’en
désole : « je ne suis qu’un vieux paresseux [...], je suis toujours fatigué, et je pense que c’est le poids des années qui se fait
sentir »...
Crozant
25 juillet 1919
. « Je ne suis pas jusqu’à présent partisan de la présence des artistes à la C.G.T. tout en
reconnaissant la rosserie des directeurs ; mais je crois qu’il serait possible de défendre les artistes dans un autre compartiment.
[...] Je ne fais pas beaucoup de tableaux petits ou grands. J’en suis toujours aux quatre que j’ai commencées en juin, mais tout
est à refaire maintenant, et en ce moment la nature est bien laide »... Il raconte la fête du 14 juillet à Crozant…
27 août
. « Je
suis fatigué, je travaille très peu. Les couleurs sont mauvaises et rares. Je vais être obligé de ne peindre que le matin le soir je




