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Rodin, Rilke
et
Le Penseur
166. RODIN
(Auguste). Lettre signée, écrite de la main du poète
Rainer-Maria Rilke
, adressée à Gustave Geffroy.
Paris, 11 janvier 1906. 1 p. 1/4 in-12, enveloppe.
4 000 / 5 000
«
Il faut que nous arrivions à bout avec le “
Penseur
”
pendant que monsieur Dujardin-Beaumetz est ministre. S’il
peut-être sera remplacé
[sic]
un jour par un autre, nous aurons de nouvelles difficultés.
Puisque l’architecte, M. Binet, à qui j’ai écrit plusieurs fois, ne vient pas me voir, je crois que nous ferons bien de nous
mettre en relation directe avec le marchand de pierre pour faire marcher l’affaire du piédestal...
»
Le Penseur
, statue mythique.
Achevée en
1882
, cette puissante figure était destinée au vaste projet de
Porte de
l’Enfer.
Un bronze de grand format en fut exposé au Salon de
1904
et fit forte impression : à l’instigation du critique
d’art Gabriel Mourey, la revue
Les Arts de la vie
lança une souscription pour en permettre l’acquisition par l’État. Un
comité de patronage fut mis sur pied sous la présidence des peintres Albert Besnard et Eugène Carrière, avec Gabriel
Mourey comme secrétaire et Gustave Geffroy comme trésorier.
Perçue comme un hommage au peuple et un symbole de la démocratie,
l’œuvre attira des dons suffisants.
Il fut décidé de l’exposer devant le Panthéon, mais la ville de Paris ayant refusé de s’associer à cette entreprise, il fallut
le déposer à l’intérieur des grilles du monument, à un emplacement dépendant uniquement de l’État. L’œuvre excitait
les passions, et une réplique en plâtre, placée temporairement pour juger de l’effet, y fut détruite par un forcené.
Enfin, un modèle de socle fut commandé à l’architecte René Binet, et la statue fut inaugurée le
21
avril
1906
par le
sous-secrétaire d’État aux Beaux-Arts Henri Dujardin-Beaumetz.
Lyrique, inspiré, Rainer Maria Rilke (1875-1926) est considéré comme le plus grand poète allemand de son
époque.
Il mena une vie errante d’esthète cosmopolite, ponctuée de rencontres avec des personnalités d’exception : fixé
à Paris une grande partie des années
1902
à
1913
, il se lia avec Auguste Rodin qu’il fréquenta intimenent en
1902
-
1903
,
1905
-
1906
(comme secrétaire particulier) et
1908
-
1909
.
Rilke écrivit une monographie du sculpteur, travail de
commande qu’il transforma en un magnifique hommage
(paru à Berlin en
1903
chez Bard) : il considérait Rodin
comme le successeur des sculpteurs du Moyen Âge en ce qu’il réintégrait l’angoisse au cœur même de l’être pour en faire
un élément constitutif de la beauté. Selon Rilke, « la sculpture de Rodin fait redescendre le sacré dans les œuvres qu’elle
crée et qui n’expriment rien d’autre que cette tentation de donner un sens infini à l’existence ; l’œuvre d’art [...] ne signifie
rien d’autre que sa présence, cet élan vers un sens immense et inaccesible » (Jean-Louis Bandet).
Sur Rodin et son ami Gustave Geffroy,
cf. supra
n°
165
.




