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décrit également les lieux où il séjourne (Trouville, Sartrouville, etc.), en particulier son long voyage à Alger avec Lucien
Daudet (12 mars au 8 avril), dont il retranscrit les impressions sur 16 pages, comme Gide, dont il lit assidûment l’œuvre,
l’avait fait avant lui.
L
ES ARTS ET LES LETTRES
sont évidemment au centre de ses intérêts. à propos du triomphe des Ballets russes à Londres, il
écrit, le 28 juin 1911:
J’en étais sûr. Quelle troupe ! Leur secret consiste en ce que chacun reste dans son rôle. Il y a le
cerveau, le cœur, les yeux, les bras, etc. Cet ensemble constitue un corps au parfait équilibre
; le 16 juillet, il apprend de
Reynaldo Hahn que les ballets vont montrer leur ballet
Dieu bleu
en octobre à Londres, avec Nijinski, dont il dresse un
beau portrait :
À notre époque, il n’y a qu’un seul jeune homme glorieux, c’est Waslaw Nijinski (20 ans).
[…]
lorsque ce
danseur ajoutant à l’indiscutable et stupéfiante supériorité de ses voltiges, la pathétique lumière de l’adolescence et le
multiple génie du mime, achève une musique indécise et soulève d’enthousiasme une salle hostile, je suis fier d’être son
ami
(16 mars 1911). Il est question de
David
, un ballet qu’il envisage pour Nijinski (5 janvier 1912, en particulier), dont le
projet sera repris avec Stravinsky en 1913, mais qui ne sera jamais achevé.
Son journal permet aussi de suivre
SES LECTuRES
: après celle enthousiaste de l’
Iliade
(14 juillet 1911), il cite des passages
de Racine qui lui
tirent les larmes
(16 juillet 1911) tout comme les lettres de Laforgue à sa sœur (20 août 1911). Il est plus
réservé à la lecture de
Dorian Gray
(
Toute la partie jeune, fraîche, au soleil ; amoureuse de Dorian Gray
[…]
est adorable.
Le reste est un fatras illisible
(15 juillet 1911), dit-il sans que cela ne lui inspire une adaptation théâtrale du roman. Ces
notes de lectures sont la réponse à une question que se posent les spécialistes de Cocteau, qui ignorent quand il travailla à
cette adaptation théâtrale : “Le journal inédit que Cocteau écrit du 28 juin 1911 au mois d’avril 1912 apporte-t-il des précisons
qui font défaut”, se demandent les éditeurs qui précisent que “ce journal a disparu” (
Théâtre complet
, Pléiade,
p. 1830). Cocteau retranscrit également de nombreuses anecdotes ou citations à propos de gloires littéraires passées, comme
Corneille, Lamartine, Vigny, Villiers, Mallarmé, Byron, Titon du Tillet (dont il a acheté une édition de 1760 chez une
antiquaire de Versailles), Ronsard (dont il recopie un sonnet
qu’on devrait inscrire en tête du livre qu’on publie
). En écrivain
bibliophile, il s’émerveille de la beauté des manuscrits,
plastiquement aussi merveilleux à voir que n’importe quel chef
d’œuvre de dessin
(21 août 1921).
Il évoque ses propres travaux d’écriture (comme, le 15 janvier 1912, l’idée un poème sur
Midas et ses amis
), et le problème
de l’inspiration (qui lui vient le 14 août 1921,
après un mois sans pouvoir écrire
:
le lendemain matin on sent qu’il y a
quelque chose. Les yeux rencontrent le poème
). Plus tard, il écrit :
Hier soir après un stérile effort de travail les mots me
jaillissent tout à coup et comme des étincelles noires au bout d’un porte-plume électrique
. Il évoque souvent les poèmes
qui composeront
La Danse de Sophocle
qui paraîtront en 1912 ; il est contraint de changer le titre du recueil, car un ami
vient d’utiliser un titre proche de celui qu’il envisageait,
La danse de l’Arche
. Après son retour d’Alger en avril 1912, des
notes se suivent sans date sur quelques pages.
Ce précieux journal renferme
CINq POèMES AuTOGRAPHES
de facture encore classique, dont
Noël
composé pour le magazine
Fémina
, ou
Anténor à Hélène
que lui inspire la lecture de l’
Iliade.
D
ES NOTES POuR SES
P
ORTRAITS
-S
OUVENIR
s. quand, en 1935, le directeur du
Figaro
commandera à Cocteau une série d’articles
évoquant la “Belle Epoque”, la période d’avant 1914, Cocteau se replonge dans son journal de 1911-1912 pour écrire ses
Portraits-Souvenir
s : glissées entre les pages de son journal, de fines bandelettes intercalaires, papiers déchirés portant
l’écriture de Cocteau, ainsi que quelques traits de crayon rouge, témoignent de ce travail de souvenir. Du reste, le style de
ces chroniques, nerveux, virevoltant et parfois à l’emporte-pièce, est déjà celui de ce
JOuRNAL INéDIT
.
17. COCTEAu (Jean). C
ORRESPONDANCE AuTOGRAPHE SIGNéE à
V
ALENTINE
G
ROSS
,
FuTuRE
V
ALENTINE
H
uGO
(
13 mars 1915-11 décembre 1922
), certaines également adressées à Jean Hugo. Ensemble de 131 documents
(dont environ 98 lettres en 195 pages, nombreuses enveloppes conservées, 25 cartes postales, 7 télégrammes,
1 dessin isolé) montés sur onglets et reliés en un volume fort in-folio (447 x 340 mm), maroquin violet, premier
plat orné de la signature de Jean Cocteau en creux à la gouache bleu ciel, titre doré sur le dos, doublure et
gardes de daim bleu, chemise et étui (
Mercher et Georges Hugnet
).
25 000 / 35 000 €
I
MPORTANTE CORRESPONDANCE INéDITE
,
DANS LAquELLE SONT éVOquéS NOTAMMENT
S
ATIE
, P
ICASSO ET
R
ADIGuET
. C
ERTAINES
LETTRES SONT ILLuSTRéES
.
C’est en mai 1914 que Cocteau rencontre Valentine Gross (qui deviendra Madame Hugo en 1919) ; le poète est alors à la
rédaction du
Cap de Bonne-Espérance
et à la création de
Parade
avec Satie et Picasso. Leur amitié sera particulièrement
féconde entre 1917 et 1924 : en 1917, Valentine servira d’intermédiaire privilégiée pour les collaborateurs de
Parade
, puis,
avec Jean Hugo, elle confectionnera les costumes des
Mariés de la Tour Eiffel
(1921). Personnage central dans la vie de
Cocteau de ces années, c’est grâce à elle qu’il rencontre l’avant-garde, Varèse d’abord, grâce auquel il rencontre Picasso.
Cocteau présenta Radiguet à Valentine Hugo en mai 1920. Ce dernier eut avec elle une relation plus ou moins platonique
et s’en inspira pour son
Bal du comte d’Orgel
.




