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taper une attestation à la machine sur papier timbré... En ce moment tout me dépasse [...]. En tous cas : j’irais aux assises le dire, si tu
t’y fourvoyais et je le défendrais les armes à la main si... (Je mets un si pour l’académicien car j’avais mis des S aux verbes) »...
[Paris 28
octobre 1967]
. « Entendu, mon petit Marcel académicien adoré, mais je ne peux pas aller trouver une poste aux mille diables et je ne mets
qu’une lettre...
Mardi
serait le mieux pour moi, si ce n’est pas trop court... Si non mercredi mais je dois
aussi
me coucher tard jeudi et je
suis un homme crevé »...
[3 novembre 1967]
. « Tu m’as rendu un grand service en m’écoutant avec un bon visage – qui ne trompait pas,
puis en m’écoutant moins bien inconsciemment pendant vingt minutes. Le lendemain matin j’ai suivi ton conseil, laissé Charlemagne
aux ennuis européens, et en une heure j’ai coupé dix-huit pages ! Les comédiens ne pouvaient pas nous intéresser dans leurs caractères
personnels ! Ils arrivent, Antoine les reçoit, il reste avec la jeune fille et là, par une astuce j’incorpore la petite scène tendre reconstituée
qu’ils avaient plus tard. Ils reviennent ils commencent à répéter la pièce dont je voulais qu’on rédige le texte, mais deux répliques
seulement et la lumière baisse sur lui de dos sur une chaise qui les écoute raconter son histoire sur la petite scène... Quand la lumière
revient tout le monde est dans le salon le soir et le notaire commence à parler de lui. C’est tout simplement génial [...] grâce à toi »...
o
n
joint
un tapuscrit sur « le phénomène théâtre », où les répétitions générales sont comparées aux courses de taureau (1 p. in-4, avec
quelques corrections et une note autographe).
Reproduction page 38
144.
Jean ANOUILH
. L.A.S., Belmont-sur-Lausanne (Suisse) [6 juin 1974], à Alberto
p
elleGrino
, à Milan ; 2 pages in-fol.
200/250
« Vous ne pouvez pas savoir comme votre lettre m’a fait plaisir. […] ce sont des témoignages spontanés comme le vôtre qui rassurent.
Et puis la rencontre de l’intelligence est toujours une heureuse surprise, trop rare. Je ne connais pas beaucoup d’Italiens : un mois de
cinéma il y a vingt ans dans un grand hôtel à Rome, un producteur architecte curieux qui avait ses bureaux au château S
t
Angelo et qui
s’appellait Angelo ou Angeli ! Une incursion à Cittevechia avec le surprenant Dino de Laurentis, pour le
Waterloo
que je n’ai pas voulu
signer car il ne restait rien de mon dialogue – deux fois des vacances à Ischia et récemment avec un contact plus secret – là j’ai senti
l’Italie, mais sans parler ou presque à personne sauf à un vieil artisan merveilleux – un mois où j’ai dû soigner ma fille qui était tombée
malade à Florence »...
o
n
joint
la copie carbone de la lettre de Pellegrino, Milan 11 mai 1974.
145.
Louis ARAGON
(1897-1982). L.A.S. en forme de
poème
,
Trente-et-un
, [31 décembre 1918, à Jean
c
octeAu
] ; 1 page
grand in-4 à l’encre brune (marques de plis).
1 500/2 000
l
ettre
-
poème
À
j
eAn
c
octeAu
.
« Bonne année. Le Rhin déborde.
Je me promène parmi les inondations, l’univers à mon
image.
Parfois l’eau est trop verte ou trop violette, et le pont de
bateaux de Drusenheim emporté par le fleuve jaune a passé
devant le poste de grand’garde. Mon ami le lieutenant
qui connaît toutes les colonies et qui a fait couper la
tête d’un chef de village quand il était commissaire de
police à Lang-son, a ordonné qu’on présente les armes aux
pontons emportés à la dérive en souvenir de Rimbaud.
Têtes des osiers sortant seules des forêts inondées : vieilles
fantasmagories, gnomes vous ne me faîtes pas peur, je ne
redoute plus que les machines-à-écrire-mystères.
Les yeux bleus de l’Allemand qui m’a joué la mort
de Boris Godounov [...]. À Strasbourg chez un petit
papetier qui vend les journaux, je trouve tout Gobineau.
Cherchons, si nous y trouvions Lautréamont ou Jarry.
Pour que j’y puisse aller à la messe de minuit, Vauban a
construit à Fort-Louis une église à ma taille. Dire tout
haut dans la nef :
lA mAjesté
de
ces
lieux
.
Vous voyez bien qu’on se fait à toutes les vies. Mais je
m’attends aux pires catastrophes. Les lettres de Paris
m’apportent l’écho affaibli des chants magiques. Je ne
suis guère ce tourbillon. Qu’écrivent donc les gens je ne
sais plus rien. André B. [
B
reton
] vous a-t-il montré son
Monsieur V.
[poème de
Mont de piété
]. Le plus émouvant
poème. Mais aussitôt qu’il l’eut écrit, incompréhensible
galvanisation. C’est depuis ce billet qu’il m’a écrit que je
suis en grand deuil de mon ami André. Désormais je reste
seul sur la terre. Si par hasard André n’était que disparu.
Comme j’ignore la vie et la ville, quand paraîtra le
Cap
[
de Bonne-Espérance
] tant espéré ? Je ne vous parle pas de
vous, ceci est une lettre de Bonne Année »...
Littérature




