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BRETON (André). 1896-1966.
Ecrivain surréaliste.
2 Manuscrits aut. signés :
« Le Romancier
maudit Georges Darien » & « Printemps
secret ». 1951 & 1955.
2 pp. in-4 chacun
sur papier vert, annotations à l’encre
rouge d’une autre main ; plis marqués,
légères traces brunies sur 2 feuilles.
Le Romancier Maudit Georges Darien
est un
hommage de Breton à l’écrivain anarchiste ;
cet article fut publié en 1951 dans la revue
Art
et servi plus tard de préface à la réédition du
Voleur
de Darien par J.J. Pauvert en 1964.
Il est
inexcusable et surprenant que la caution de
Jarry, auprès de ceux qui savent quel infaillible
détecteur il fut des valeurs «modernes», n’ait
pas depuis longtemps fait sortir de l’ombre Le
Voleur de Darien et imposé sa réédition. (…)
Darien homme révolté s’il en fut – qu’Albert Ca-
mus s’évertuerait bien vainement à faire passer
sous sa toise – reste à ce jour la plus haute in-
carnation de l’Unique qu’a voulu Stirner : celui
qui du premier au dernier jour a aspiré à être
«l’Homme libre sur la terre libre»
(…).
Printemps secret
fut quant à lui publié dans
la revue
Art
en 1955 ; il évoque la vente aux
enchères d’une copie ancienne du
Jardin des
Délices
du peintre Jérôme Bosch, la parution
du recueil
Féminaire
du poète Roger Droguet,
ainsi que l’exposition du peintre Max Walter
Svanberg ;
(…) En dépit de la météorologie,
toujours un peu à la traine, le printemps de
1955 s’annonce magnifique à Paris (…).
Suit
la présentation de l’exposition des œuvres de
Svanberg, consacrée à la vision de la femme ;
c’est André Breton qui présida cette exposi-
tion à la galerie «
L’Etoile scellée
», en mars
et avril 1955.
2 000 / 3 000 €
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BRETON (André). 1896-1966.
Ecrivain surréaliste.
L.A.S. à Bernard Delvaille.
Paris, 16 mai
1956.
1 p. in-4 ; joint son enveloppe.
Proposition de rendez-vous au critique
littéraire Bernard Delvaille qui travaille alors
sur l’écrivain surréaliste Arthur Cravan.
Breton
lui propose de se rencontrer
dimanche vers 4
heures
dans le cas où Delvaille n’a pas déjà pris
ses dispositions ces jours de fêtes
. Je ne choisis
ce jour que parce que je vous suppose occupé
d’ici là, sauf sans doute le soir où je suis en ce
moment fatigué. Ne modifiez surtout rien de vos
projets antérieurs (…).
300 / 400 €
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CAMPAN (Jeanne-Louise Genet).
1752-1822. Ancienne lectrice des
Mesdames filles de Louis XV,
confidente de Marie-Antoinette,
dirigea la Maison d’éducation
de la Légion d’Honneur d’Ecouen.
L.A.S. à sa « chère et bonne élève ».
Mantes sur Seine, 19 juillet 1816.
8 pp. bi-feuillet in-8, légèrement brunies.
Magnifique lettre autobiographique, évo-
quant ses souvenirs, notamment sur Marie-
Antoinette et la période révolutionnaire.
Après une vie fort laborieuse et que j’ai cherché
à rendre utile, tourmentée par les événemens,
fatiguée comme on ne peut manquer de l’être,
d’avoir à rencontrer ici bas tant d’injustes pro-
cédés, je vis tranquile dans une jolie petite ville
à 15 lieues de Paris, là les affections de l’âme
viennent se représenter plus doucement et tout
aussi profondément à la mémoire;
(…) Je jette
mes regards sur mes deux carrières termi-
nées, sur ces premiers vingt ans de Lec-
trice et de première femme auprès des ver-
tueuses Princesse filles de Louis XV, et de
la belle, et de la bonne, et de la touchante et
infortunée Reine Marie-Antoinette, comblée
par ces augustes Princesses, leurs bienfaits
qui s’étendirent sur les miens (…).
Mais la
faveur dont Mme Campan jouissait à la Cour lui
valut une foule d’ennemis et de calomniateurs;
cela ne l’a pas empêchée de rester fidèle à la
famille royale:
Jusqu’aux derniers instans où
j’ai pu le faire, prête à périr à la funeste et
exécrable journée du 10 août où je ne quittai
point mon auguste maîtresse. J’eus ma mai-
son incendiée et pillée et la totalité de mes
revenus annulés. Cachée deux ans après, je
me vis heureusement dégagée des quatre
gendarmes qui me gardoient à la campagne
et devoient me conduire à la Conciergerie le
jour même de la chutte du Tiran Robespierre.
Malheureusement il ne tomba pas assés tôt
pour que son odieuse puissance ne m’ait coûté
la vie d’une sœur chérie
[Madame Auguié, qui,
devenue folle, se suicida]
et celle d’un beau-
frère qui laissa une autre de mes sœurs et cinq
enfans sans pain
(…).
Elle se décida alors à
former un grand Etablissement d’Education qui
put pour le moins supléer à la destruction des
monastères. Je choisis la ville de St Germain,
pour me tenir éloigné du centre des intrigues,
des plaisirs licencieux de ce temps, et du
siege d’un gouvernement qui ne pouvoit être
ni estimé ni aimé. Mes succès passèrent mes
espérances. Au bout de 6 mois 60 élèves, au
bout d’une année 80 et enfin 125, ma fortune
indépendante ! due à mon seul travail étoit faite
sans la rupture du traité d’Amiens
, provoquant
le départ des Anglaises et d’autres élèves;
mais d’autres étaient annoncées d’Amérique,
de Berlin, de Calcutta. Alors des êtres jaloux,
notamment « les anciens partisans des cloîtres
», se répandirent en calomnies…
Enfin la
renommée de mon établissement m’attira
la fille et la nièce de Me de Beauharnais qui
alors ne connaissoit pas le général Bona-
parte. Un an après elle le connut et l’épousa,
il fit venir sa dernière sœur Caroline […] et
me la confia, ainsi que la nièce de sa nou-
velle épouse, Mlle Stéphanie de Beauhar-
nois, toutes ces élèves entrées chez moi
du plein gré de leurs parens, sans intrigue,
sans sollicitation de ma part
(…).
Plusieurs
sont montées sur des trônes :
Je pouvois les
suivre dans leurs palais, je le refusai, je restai
dévouée pour le reste de mes jours à l’ins-
truction publique
. La poursuite de la guerre
menaçant sa maison de faillite, elle se décida
à la quitter pour prendre la direction d’Écouen:
(…) J’éprouvai mille peines pour le choix des
Dames, et la sévère conscience m’ordonnant
impérieusement d’en faire remercier plusieurs,
je me brouillai avec mon grand chancelier qui
seul avoit eu le droit de nomination accordé par
l’Empereur. – Je fis de mon mieux à Écouen,
on craignit que mon nom d’Institutrice estimée
en Europe n’attirât trop la confiance particulière
sur la seule maison d’Écouen, et le Ministre
et les membres des Bureaux de la Légion la
sacrifièrent à la nouvelle maison de St Denis.
Voilà ma triste histoire (…).
Le Roi lui a conser-
vé sa pension, et elle vit « paisible et solitaire
à Mantes ». Sa chère élève devra elle aussi
«suporter des peines et des injustices »; elle-
même a été calomniée dans « un infâme libelle
» par un misérable, mais a été défendue au tri-
bunal par le comte de Lally et l’avocat du Roi…
Provenance :
Ancienne collection Patrice
Henessy (6-7 mai 1958, n°105) & Collection
De Flers (novembre 2014, n°428).
1 200 / 1 500 €
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