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pas et après, malgré que nous sommes dans un des melleurs climats, il pleu aussi comme partout et je passe des jours
à ne rien fair. Par contre je suis bien de santée, et grossi et je peus fumer tranquillement. Ami Faure, tu n’auras pas
vue
Vollard le polisson,
il ne m’a pas envoyée les photographies, et après je voudrais que tu le verrais pour s’il te dit
quelque chosse qu’i puise me faire plaisir. Je ne l’é pas écris depuis que je suis sorti de Paris... Je ne suis pas le memme.
Je crois qu’il me faudra passer une bon saison de nouveau à Paris pour me remetre,
ça ne marche pas à Bilbao, c’est
très mauvès pour vivre la vie intelectuel.
Ton ami qui t’aime...
» — Bilbao,
25
juin
1922
: «
... Les journaux de Bilbao,
ils comencent à fair des articles de moi et considère avoir vu la salle de zexposicion comme
un grand trionfe
et je reçois
beaucoup de félicitations. Maintenant je commence à me préocuper pour que ça veu si bien, mais, comme vous, fait
grand confiance au succès, sourtout si on choisis un certain nombre des toilles, juste les melleurs... Vous dites que nous
pouvons nous voir deux ou trois fois si vous venez à Bilbao... De ça il ne faut parler que pour penser à
nottre course
de
toros
[un de ses sujets de prédilection]
et après on regard bien pour que vous voyez ce que j’aurai fait d’ici là...
»
—Madrid,
12
novembre
1922
: «
... Figure-toi... que
je n’é pas encore, pas mêmme montrée ici les eau-fortes ;
à Bilbao
j’é vendue une pour 200 pesetas...
»
62. JAMMES
(Francis). 6 pièces (4 autographes signées et 2 autographes), soit : 3 lettres et 3 poèmes.
600 / 800
Le premier poème, autographe, intitulé
«
Vers à madame Bonneville
»
, a été écrit en
1897
à l’occasion des noces de
cette dame, et ici adressé au peintre Ernest Bordes, cousin par alliance d’Élie Faure (
3
quatrains sur une p. in-
4
). Les
deux autres poèmes, autographes signés, ont également été écrits en
1897
et adressés à Marie Reclus.
Francis Jammes, Élie Faure et Ernest Bordes étaient liés avec la célèbre famille Reclus. Francis Jammes habita longtemps,
à Orthez, l’ancienne maison du pasteur Jacques Reclus dont Élie Faure était le petit-fils par sa mère Zéline Reclus.
Ernest Bordes avait épousé la sœur de l’épouse de Paul Reclus, lequel avait une fille Marie Reclus.
–
«
C’était affreux...
» :
«
C’était affreux, ce petit veau qu’on traînait / tout à l’heure à l’abattoir et qui résistait // et
qui essayait de lécher la pluie / sur les murs gris de la petite ville triste. // Ô mon Dieu ! Il avait l’air si doux / et si
bon lui qui était l’ami des chemins en houx. // Ô mon Dieu ! Vous qui êtes si bon, / dites qu’il y aura pour nous tous
un pardon // – et qu’un jour, dans le Ciel en or, il n’y aura / plus de jolis petits veaux qu’on tuera, // et, qu’au contraire,
devenus meilleurs, / sur leurs petites cornes nous mettrons des fleurs. // Ô mon Dieu ! faites que le petit veau / ne
souffre pas trop en sentant entrer le couteau...
» (
7
distiques sur une p. in-
4
). Poème intégré en
1898
dans son recueil
De l’angélus de l’aube à l’angélus du soir,
avec dédicace « À Mademoiselle M. R. »
.
–
«
À Mademoiselle M
[arie]
R
[eclus] »
: «
On dit qu’à Noël, dans les étables, à minuit, / l’âne et le bœuf, dans l’ombre
pieuse, causent. / Je le crois. Pourquoi pas ? Alors, la nuit grésille ; / les étoiles font un reposoir et sont des roses ! //
L’âne et le bœuf font ce secret pendant l’année. / On ne s’en douterait pas. Mais, moi je sais qu’ils ont / un grand
mystère sous leurs pauvres fronts. / Leurs yeux et les miens savent très bien se parler. // Ils sont les amis des grandes
prairies luisantes / où des lins minces aux fleurs en ciel bleu, tremblent / auprès des marguerites pour qui c’est
dimanche, / tous les jours, puisqu’elles ont des robes blanches. // Ils sont les amis des grillons aux grosses têtes, qui
chantent une sorte de petite messe / délicieuse dont les boutons d’or sont les clochettes / et les fleurs des trèfles les
admirables cierges. // L’âne et le bœuf ne disent rien de tout cela, / parce qu’ils ont une grande simplicité / et qu’ils
savent bien que toutes les vérités / ne sont pas bonnes à dire. Bien loin de là. // Mais moi, lorsque l’été les piquantes
abeilles / volent comme de petits morceaux de soleil, / je plains le petit âne et je veux qu’on lui mette / de petits
pantalons en étoffe grossière. // Et je veux que le bœuf qui, aussi, parle au Bon Dieu, / ait, entre ses cornes, un bouquet
frais de fougères / qui préserve sa pauvre tête douloureuse / de l’horrible chaleur qui lui donne la fièvre.
» (
7
quatrains
sur
1
p.
1
/
2
in-
4
).
« La compréhension intelligente de la vraie
tradition
ne peut être que révolutionnaire... »
63. JOURDAIN
(Francis). Correspondance de 17 missives autographes signées, soit 15 lettres et 2 cartes, adressées à
Élie Faure (sauf une à un fils de celui-ci, Jean-Pierre), dont
3 illustrées au total de 5 croquis originaux
(encre
et plume).
800 / 1 000
Peintre, décorateur et créateur de meubles, Francis Jourdain
est le fils de l’architecte, écrivain et amateur d’art
Frantz Jourdain. Un des membres fondateurs avec Robert Mallet-Stevens de l’Union des artistes modernes, il est le
créateur du concept de « meubles interchangeables » désormais largement adopté. Anarchiste puis proche du parti
communiste auquel il adhéra en
1944
, il travailla pour des personnalités en vue mais s’attacha également à rendre ses
meubles accessibles à la classe ouvrière.
– Paris, [
1902
, d’après une note postérieure d’une autre main]. «
... L’intérêt que vous portez à mes essais me cause, je
ne le cache pas, une joie toute spéciale qui trouve son explication dans l’estime que j’ai pour vous. Je suis le plus
fidèlement possible vos belles études.
Vous avez apporté dans la critique d’art, souvent si fastidieuse, des éléments
de vie, d’humanité qui en font une philosophie très large, sortant même d’une étroite esthétique pour donner un
ensemble d’idées générales sur le monde.
Je vous aime parce que j’ai trouvé dans vos écrits, lumineusement exprimée,
une morale (ou peut-être une amorale) qui est bien l’écho de ce que je ressens. Je vous aime parce que je sens chez
vous non plus un critique, mais mieux qu’un critique, mieux qu’un artiste, un
homme
...
»




