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soi-même contre le mal. Cela se dessine dès l’enfance et se
soutient jusqu’à la mort », p. 63-64), et du rire (« le propre de
l’Homme », p. 66)… Et puisqu’on « ne se fait pas tout seul »,
il rend hommage à son père, à sa mère (avec des extraits de
ses lettres, la plupart biffés), à l’archiprêtre de Cessac, qui
avait « l’envergure d’un Cardinal, le sourire de Voltaire et le
cœur du Curé d’Ars » (p. 78) et au lycée, avant de conclure
nettement que s’il avait vingt ans aujourd’hui, il refuserait
d’écrire : « Quand je suis né à la littérature en 1920, le monde
des lettres ressemblait à une presqu’île réservée, distinguée,
dont l’accès était difficile. […] Aujourd’hui qui n’écrit pas ?
Cette manie est tombée à mon avis au dernier degré de la
vulgarité et du discrédit […] comme si, pour écrire utilement,
il ne fallait pas disposer d’une expérience complète de la vie,
au moins de celle d’un métier. Faute de quoi on est réduit à
une vacuité qui se traduit par la plus honteuse logomachie. Si
j’avais vingt ans aujourd’hui, je ne serais pas non plus physicien
ni cosmonaute. Les uns et les autres mettent leur science et
leur courage au service du fanatisme et du chauvinisme […]. Il
s’agit bien de la lune pour les Russes et pour les Américains. Il
s’agit de se braver les uns les autres, de satisfaire leur orgueil
jusqu’à ce que les Chinois les départagent, comme ils se sont
partagé l’Europe. Une seule chose devrait préoccuper les
hommes : la souffrance. Aussi longtemps que sévit le cancer,
que la famine atteint un quart de la Terre, la lune est un objet
de dérision. Si j’avais vingt ans aujourd’hui, je serais médecin
ou chirurgien. Je me mettrais au service de la douleur, en
veillant à garder mon sourire imprescriptible » (p. 82-85)…
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