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Marcel JOUHANDEAU
.
M
anuscrit
autographe,
XXII
e
Journaliers. Parousie. Marcopédie
,
février 1967-juillet 1968 ; 1146 pages in-8 sur papier quadrillé
de classeur perforé, en 6 liasses (laine bleue ou ficelle), sous
6 chemises titrées et numérotées avec 4 signets cartonnés
étiquetés.
M
anuscrit
complet
de
P
arousie
,
tome
XXII
des
J
ournaliers
(Gallimard, 1975)
consacré
au
petit
M
arc
.
Ce tome des
Journaliers
va du 20 février 1967 au 6 juillet 1968
(ou peu après), et commence au moment où le bien-aimé
« petit-fils », Marc (fils de Céline Ronseaux, qui avait été élevée
par les Jouhandeau comme leur fille), entre dans le foyer des
Jouhandeau [l’adoption de l’enfant, né le 13 décembre 1962,
sera confirmée par les tribunaux en octobre 1970]. Y sont
recueillis les mots de l’enfant, les joies, tristesses, craintes
et puérilités du grand-père (Pépé), ses relations toujours
tumultueuses avec la terrible Élise, ses ennuis avec Céline,
mais aussi des réflexions sur la sexualité, la vieillesse, la
mort, des souvenirs de Guéret, des bribes de dialogues, les
événements de Mai 68, et des reflets et échos de ses activités
littéraires : le contrat d’édition qui le « ruine », ses rapports
avec la maison Gallimard, une tournée de conférences en
Allemagne, des relations avec Louise de Vilmorin, Roger
Peyrefitte, Ernst Jünger, André Gide, Jean Cocteau, Roland
Dorgelès, Marcel Pagnol, Louis Aragon, Michel Leiris, Valery
Larbaud…
Parfaitement lisible, rédigé d’après les carnets « 123 » à « 138 »
dont Jouhandeau note les numéros, ce
manuscrit
de
travail
présente de
nombreuses
correction
et
additions
, avec aussi
des passages supprimés cancellés ou biffés, et des variantes
avec le texte définitif. Jouhandeau l’a classé en six parties,
liassées, chaque liasse paginée séparément au crayon rouge,
correspondant à la division du livre : 1 Février-avril 1967 (174
pages), 2 Avril-mai 1967 (197 p.), 3 Mai-juillet 1967 (159 p.), 4
Juillet-novembre 1967 (181 p.), 5 Novembre 1967-avril 1968
(269 p.), et 6 Mai-juillet 1968 (169 p.). Certaines pages sont
des mises au net insérées tardivement, que l’auteur n’a même
pas chiffrées. Chaque liasse est rangée dans une chemise
cartonnée rouge (la 6
e
jaune), portant le titre :
XXII
e
Journaliers.
Parousie. Marcopédie
; le livre sera publié sous le seul titre de
Parousie
, mettant bien en évidence cette seconde naissance
que fut pour Jouhandeau l’entrée du petit Marc dans son
existence.
« 20 Févr. 67. Dernier matin où nous nous réveillons sans
enfant, sans l’enfant dont la présence va tout changer dans
cette maison. […] En l’honneur de cet avènement, j’ai chanté
ce matin à l’harmonium un Magnificat de ma façon »…
« 22 Fév. 67. […] Cette journée d’hier a été idyllique. Était-ce
à mes yeux seulement ? Cet enfin a un charme divin. Je n’ai
pas assisté à ses premières réactions, quand on lui a annoncé
qu’il allait quitter sur-le-champ l’Hôpital pour toujours. Chargé
de multiples démarches auprès de l’administration, je courais
d’un bureau à l’autre, pour obtenir, comme on dit à propos
des prisonniers, la levée d’écrou. Il paraît qu’à la vue d’Élise,
quand on lui a dit qu’il allait partir, abandonner ses camarades,
il a éclaté en sanglots. Simple formalité du cœur peut-être, qui
a sa politesse, son savoir-vivre. Bien vite, quand je suis entré
avec sa tante Monique dans le dortoir, il a souri à l’idée de me
suivre, que j’étais là et à l’aventure qui l’attendait »…
Le livre s’achève sur une évocation de Limoges (le manuscrit
diffère du texte publié) : « Limoges est pour moi une ville
sainte, la plus sainte après Chaminadour. Dans mon enfance
quel prestige exerçait l’évêque ! et c’est là qu’il résidait. La
branche de ma famille maternelle qui habitait cette ville était
d’un pittoresque achevé. […] Le carmel de cette ville où les
deux meilleures amies de ma jeunesse avaient pris le voile,
avant de renoncer au cloître, m’inspirait un respect qui ne se
dément pas. La grande S
te
Thérèse et S
t
Jean de la Croix ont
passé par là pour me trouver. Sans eux je ne serais pas qui je
suis. Reste que j’ai brûlé pour ma cousine Amélie, aussi belle
que Gabrielle d’Estrées qu’elle croyait son aïeule. Et toujours je
me vois, je me verrai jusqu’à neuf ans accompagnant dans son
voyage annuel Tante Alexandre qui au temps de Pâques allait
se pourvoir de fleurs Place des Bancs. Dans cette capitale du
diocèse et de mon cœur ».
2 000 / 3 000
€
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Marcel JOUHANDEAU
.
L.A.S. « Marcel », 7 juillet 1951, [à Robert
C
oquet
] ; 2 pages
in-8.
B
elle
lettre
d
’
amour
à
son
amant
,
héros de
Du Pur Amour
et de
L’École des garçons
. [Né en 1928, Robert Coquet, pianiste et
clarinettiste, entretint une liaison avec Jouhandeau dès 1948,
et pour environ dix ans ; Coquet se maria en août 1951.]
Jamais il ne fut plus heureux qu’hier soir, à l’Opéra, en le
contemplant, en regardant son visage : « Mon amour. […]
Jamais tu n’avais été, jamais tu ne seras plus beau qu’hier soir
pour moi seul. Et tu auras beau faire, tu auras beau te marier,
tu auras beau connaître d’autres êtres, d’autres amours,
personne jamais ne t’aura possédé comme moi, hier soir,
sans seulement te toucher. Posséder, c’est aimer à la vie à la
mort, sans réserve ni retour, c’est se sentir déjà mort sous les
pieds de celui qu’on aime. C’est avoir tout reçu de lui, tant reçu
qu’on ne lui demande plus rien, qu’on n’exige même plus de
lui sa présence. Je t’aimais tellement que j’avais besoin d’être
seul. Que tu t’éloignes ou que tu restes, désormais ton Visage,
comme je l’ai vu hier soir deux ou trois fois, brille au-dessus de
moi. Éternellement il éclairera ma Nuit. Et tu auras beau faire et
j’aurai beau faire, je te suis plus nécessaire que toi-même et tu
m’es plus essentiel que moi. Voilà notre Amour »…
500 / 700
€




