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«
Instructions générales données au Citoyen Fouché de Nantes allant à Milan en qualité d’ambassadeur de la
République
» (16 pages). Ces instruction, données à tous les « agens politiques en pays étranger », comprennent
22 articles : « maintenir dans toutes les occasions la dignité de la République » ; donner « l’exemple des vertus qui
appartiennent au vrai Républicain » ; avoir une conduite sévère à l’égard des émigrés, et un « maintien circonspect,
mesuré, mais fier » à l’égard des ministres des Puissances ennemies de la République ; éclairer les nations sur l’état
véritable de la République ; lutter contre le faux-monnayage ; observer un ordre méthodique dans les dépêches ; « se
procurer toutes les lois nouvelles qui peuvent intéresser notre marine, notre commerce, nos immunités ou privilèges
et l’Etat des citoyens français chez l’étranger »…
94.
Eustache BRUIX
(1759-1805) amiral, ministre de la Marine. 7 L.A.S., Brest, La Haye et Boulogne 1799-
1804, à Charles-Maurice de
Talleyrand
; 14 pages in-4, 3 adresses (une avec contreseing autogr.).
1 200/1 500
Belle correspondance personnelle et amicale de l’amiral, commandant les forces navales àBrest, puis
chargé d’organiser au camp de Boulogne la flotte de descente enAngleterre
. [Il sera le témoin de mariage de
Talleyrand.]
Brest 11 germinal VII (31 mars 1799)
. « Quelle belle armée, mon ami ! – 24 vaisseaux superbes, munis de tout. –
les hommes payés, vêtus, contents & électrisés. – Les magasins pourvus pour l’avenement de cinq autres & dix frégates
qui pouront suivre sous peu de tems. – D’où sommes-nous partis il y a trois moi ? De rien : 400 transports, huit cents
voiliers partis simultanément de tous les ports & de divers points de la republique ont aporté ici 40 à 50 milloins
pesant de differentes matières. Douze à quinze mille ouvriers ont
instrumenté
tout cela & il en a résulté l’armée qui se
dispose à venger la marine française.
& vogue la galere
. Si les cinq vaisseaux espagnols vouloient nous venir, quel beau
tems pour eux ! »… Il l’assure de sa « tendre amitié,
per terra & mare
», avec ses tendres hommages à Mme
Grant
…
La Haye 14 pluviose IX (3 février 1801)
. Il a vécu des mois avec « le diable dans ma poitrine », mais rien de ce
qui est relatif à sa mission n’a été retardé. Malgré le rhume et une forte fièvre, il prépara avec le ministre
Semonville
,
sa présentation, et l’on arrêta que l’on nommerait « une commission pour écouter mes propositions & conclure avec
moi »… Il fait part de son entretien avec l’amiral
Dewinter
; il attend une réponse à sa note à la commission, et assure
le ministre de son zèle : « C’est ainsi que j’agirai jusqu’à ma mort qui comme vous savez, n’arrivera que dans 99 ans »…
Boulogne 15 frimaire [XII] 2 h du matin (7 décembre 1803)
. « La neige & le brouillard ne nous ont encore laissé
voir, depuis le retour des vents de
N.E.
qu’une fregate anglaise qui a jetté l’ancre à une lieue & demie de la côte. Je
m’attends qu’elle est suivie par une division forte, surtout en bombardes, & que demain ou après, nous aurons un
engagement plus sérieux que les précédens. Je ne sais quels seront […] les moyens de l’ennemi, mais je me doute
qu’il a la fantaisie de nous griller »… Il vient d’écrire au Premier Consul : « ce ne sont pas tout-à-fait des babiolles
que je lui dis. Je voudrois bien qu’il ne se prêssat pas trop de venir, car j’ai bien de l’ouvrage & j’ai besoin de tout
mon temps, employé comme je l’entends »…
6 prairial (26 mai 1804)
. Il apprend avec chagrin par Joseph Bonaparte
que Talleyrand est « assez sérieusement malade »…
22 messidor (11 juillet)
. Il veut lui dire qu’il est content de son
lot, « qu’il convient également à mes gouts, à mes idées & à mon ambition, & qu’en un mot, si l’Empereur m’eut
donné le choix, sans en exepter les premieres dignités, j’aurois choisi la place qu’il m’a donnée »... Le prince Joseph,
qui est « parfait pour moi, autant qu’il vous aime », lui avait presque fait espérer que Talleyrand serait du voyage
de Boulogne, mais il souhaite que sa santé profite de la cure de Bourbon... Il a « lieu d’espérer que l’Empereur sera
content de la flotille & de tout ce qui en depend. Il faut avoir vu tout cela, l’année derniere, pour se faire une idée
juste & de nos travaux & de leur immense resultat. Ce n’etoit qu’un mot vîde de sens, jusqu’à ce jour, que celui de
flotille
: personne ne savoit ce que ce pouvoit être ; tout le monde est frappé d’admiration en voyant, aujourd’hui, ce
que c’est »…
23 vendémiaire XIII (15 octobre)
. Il a en effet des titres pour paraître au couronnement de Napoléon,
mais il a grand-peur que l’Empereur le trouve trop bien à Boulogne pour l’appeler. Cependant sa santé est affaiblie,
et ce n’est qu’à force de soins, « d’opium & de toutes sortes de privations que j’ai pû rester ici à la tête du service de
Sa Majesté »… Il parle ensuite du commandant du camp de Saint-Omer, le maréchal
Soult
, qui a écrit à l’empereur
« que les mouvements de l’ennemi étoient si apparents qu’on ne pouvoit se meprendre sur ce qu’ils annonçoient. Eh
bien, moi je vous jure que le m
al
Soult ne se doutoit de rien à quatre heures après-midi, lorsque je lui fis part de mes
conjectures sur les evenemens présumés pour la nuit. Je vous dis de plus que le m
al
Soult, une heure après que je l’eus
averti, se désopila la ratte par quelques lazis, & en présence de ses officiers généraux, sur ma prédiction. Je vous jure
encore qu’à l’explosion du premier brulot personne en ville, n’imaginoit ce que ce pouvoit être ; que le général en chef
de l’artillerie crut que c’etoit un de ses magasins à poudre & qu’enfin le lendemain […] les uns disoient, parbleu il faut
que ses espions l’aient bien servi & les autres que très certainement je n’aurois pû
deviner
cela, si des déserteurs de la
flotte ennemie n’étoient venus m’avertir »… Il s’inquiète de la manière dont l’événement sera présenté à l’Empereur,
non pour lui-même, mais pour le service…
25 vendémiaire (17 octobre)
. Prière de délivrer un passeport à Mme de
Boigne
, sa cousine germaine, qui vient d’arriver d’Angleterre à La Haye, où Semonville l’a accueillie poliment, mais
lui a refusé un passeport pour se rendre à Paris auprès de sa famille. « Je vous observe que M
elle
d’Osmond, aujourd’hui
M
de
de Boignes, est sortie de Paris à l’age de sept ans & qu’elle n’est, ni ne peut etre considérée comme émigrée. À la
vérité, elle est femme d’un sujet d’Angleterre ; mais le général de Boignes, son mari, vit en France ; il y est propriétaire
de la terre de Beauregard, près Versailles, & je ne sache pas que depuis la guerre il ait jamais été assujeti aux mesures
exercées envers les Anglais »…




