51
ne soit
voté
sur le projet de loi relatif à la liberté individuelle qu’après avoir discuté le projet de loi relatif à la liberté de
la presse. […] Si la liberté de la presse existe, on ne pourra pas autant abuser de la non liberté individuelle puisqu’alors
les détenus, ou leurs parents, ou leurs amis auront les moyens d’informer l’opinion publique de ce qui leur arrive, et
que quand l’opinion se marque en faveur d’un détenu, la détention ne peut longtems durer. Si la garantie de la liberté
individuelle étant otée, la liberté de la presse reste, celle-ci sera plus apparente que réelle, et elle sera même dangereuse
pour ceux qui en voudront user puisqu’en vertu de la loi qui aura suspendu
l’habeas corpus
ceux qui auront écrit des
choses désagréables au pouvoir de tel moment seront à sa merci et pourront le payer de leur liberté. La liberté de la
presse n’est utile que pour conserver les autres libertés ; elle l’est d’autant plus que les autres sont plus menacées, elle
l’est moins si celles-ci sont assurées »…
138.
Dominique-Joseph GARAT
(1749-1833) avocat, député et ministre. 2 L.A.S. et 1 L.S. « Garat », 1818-
1824, au Prince de
Talleyrand
; 7 pages in-4 (sous chemise autographe d’Adolphe de Bacourt). 400/500
Correspondance à son ancien collègue de l’Institut et de la Chambre
, à propos de la suppression de sa
pension, du projet de loi sur la presse, et l’agression dont lui-même fut victime, avenue de l’Observatoire.
Urdains près Bayonne 12 février 1818
. Il pense que le Prince aura dit son nom au duc de
Wellington
qui,
« informé par
pièces trop probantes
a trouvé mes réclamations très fondées et très modérées » ; mais un commissaire
de S.M. britannique, Kennedy, chargé de son affaire, est embarrassé par des promesses personnelles. « C’est l’unique
cause, je le pense, d’un retard qui rendra, si elle se prolonge, la justice trop tardive pour réparer le moindre de mes
désastres »… Il a lu le plaidoyer du comte
Lanjuinais
en faveur de trois anciens collègues dépouillés de leurs pensions,
« mais peut-être falloit-il la trompette du jugement dernier pour ressusciter des morts ; et les trois proscrits pour
lesquels il parle sont pis que des morts ; nous sommes enterrés tout vivans, et ceux qui s’en sont mêlés ont encore la
pèle et la terre à la main »… Cependant
Grégoire
,
Monge
et Garat ne doutent pas d’être jugés par la Chambre des
Pairs…
8 mars 1822
. « La Chambre des Pairs, mon Prince, s’est beaucoup honorée ; et dans cette moisson de gloire,
dont la part est tres grande pour tous ceux qui ont voté comme vous, vous avez eu le talent et le bonheur de vous
en faire une à part par votre opinion. C’est un mélange exquis de faits qui vous sont personnels et qui ont une haute
importance politique et historique ; de citations de paroles roiales que nul ne pouvoit connoître comme vous et qui
respirent le génie d’une Constitution libérale. Le
je vote avec M
r
de Malesherbes
, est un mot charmant […]. Comme
ces héros d’Homere, vous avez porté la parole l’olivier de la paix à la main »…
18 octobre 1824
. « Il a tenu à bien peu
de chose que cette aventure n’ait été pour moi l’aventure la plus commune à tous les hommes, la mort. Et en dictant ces
mots j’ai presque envie de me dire à moi-même ce que dit un jour César à un de ses vétérans :
Comment ! tu ne peux
plus te battre et tu te crois encore en vie
»… Il raconte son agression par quatre hommes, et confie ce que le prince doit
déjà savoir, ou deviner : « quel est mon assassin ;
c’est Gémond
»…
139.
Charles-Maurice de TALLEYRAND
. L.A.S. « Talleyrand », 22 j[anvi]er [1820, à Népomucène
Lemercier
] ; ¾ page petit in-4.
500/700
Lemercier allait publier sa tragédie
Clovis
. « Vous faites des ennemis à Clovis avant qu’il paroisse puisqu’il prive
de vous les personnes qui ont grand plaisir à vous voir : ainsi je le lirai avec prévention : probablement il me ramènera ;
mais ce sera bien malgré moi ». Puis il évoque la disparition, le 17 janvier, d’Aimée de
Coigny
(la « Jeune Captive »
d’André Chénier, amie intime – et probablement aussi un temps maîtresse – de Talleyrand) : « Votre cœur et votre bon
goût ont consacré aujourdhuy la mémoire de M
de
de Coigny – je vous en remercie ».
140.
Charles-Maurice de TALLEYRAND
.
Manuscrit
autographe d’un discours, [décembre 1820] ; 7 pages
in-fol. et 1 page in-4 avec ratures et corrections (un feuillet coupé pour impression et réparé). 3 000/4 000
Discours à laChambre des Pairs pour définir les crimes de haute trahison et d’attentats à la sûreté de
l’État relevant de sa juridiction
. Ce discours, prononcé le 26 décembre 1820, a été imprimé, avec des variantes,
sous le titre
Opinion de M. le prince duc de Talleyrand sur une proposition de M. le comte Lanjuinais relative à la
compétence de la Chambre des pairs
(Paris, Didot l’aîné, 1820).
« La Charte donnée à la France en 1814 » porte, dans son article 33, que la Chambre des Pairs « connoit des
crimes de haute trahison et des attentats à la sûreté de l’état, qui seront définis par la loi » ; fin 1820, aucune loi n’a
défini ces crimes. Talleyrand rappelle les crimes récents commis par
Louvel
, Bouton et Gravier, la conspiration contre
un prince de la famille royale pour laquelle la cour royale de Besançon se déclara incompétente, etc. Il ne s’agit pas
d’imposer tous ces crimes aux pairs de France : « Il y a des complots si bas, et des criminels si obscurs que les détails
de ces complots souilleroient vos déliberations. Êtes vous disposés à passer sur vos sièges et vos jours et vos nuits pour
juger cette foule de misérables qui rêvent des crimes heureusement presque toujours chimériques ? »… Il ne le croit
pas ; d’« illustres coupables », comme Fouquet, Henri de Montmorency ou Biron, relèveraient plutôt de leur devoir,
et il ne faudrait pas dégrader la dignité de la pairie « en la condamnant à n’être qu’un tribunal de circonstances, et
quoiqu’en matière de dignité personnelle chacun soit ici pour son compte, je crois ne pas m’abuser en pensant que la
chambre croit dorénavant n’avoir à juger que des délits politiques qui pourroient être commis par des membres de la
…/…




