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« Dès qu’on lui parle d’une chose essentielle,

[l’homme]

prend peur et s’effarouche... »

19. CARRIÈRE

(Eugène). Lettre autographe signée à Élie Faure. S.l., «

26 juillet 

» [probablement 1902]. 2 pp. 3/4

in-12.

200 / 300

«

... Ce que vous me dites de vos correspondances ne m’étonne pas. Si vous ne mettiez aucun sens dans vos écrits, vous

n’

[exciteriez]

aucune contradiction.

L’homme aime par habitude à vivre dans la confusion et passe sa vie à ruser

avec la réalité. Dès qu’on lui parle d’une chose essentielle, il prend peur et s’effarouche,

il se sent menacé dans son

erreur qui est devenu sa seconde vie. Il lui faudrait tout recommencer, la force lui fait défaut, il ne peut secouer sa

torpeur.

Il me paraît indispensable que vous gardiez votre tribune à

L’Aurore

[Élie Faure y avait cessé récemment sa

collaboration]

, que librement vous affirmiez votre forme de pensée. Vous parlez à un milieu composé, des gens simples

s’y trouvent que vous ne retrouveriez pas ailleurs...

Les revues sont des chapelles, on y moisit. La foule est le

véritable élément où les différences s’affirment. C’est là qu’il faut vivre et agir.

Il me semble qu’il faut s’attendre à

la contradiction, elle est naturelle dès que l’affirmation apparaît – ne vous y montrez sensible que dans la mesure

d’une indication d’action. Ceux qui ne disent rien, on les laisse tranquilles. Félicitez-vous d’agiter les esprits et

continuez en face de vous-même comme si vous étiez votre seul lecteur...

»

« Les forces vitales... le véritable héritage et l’accumulation des énergies

vers l’harmonie des êtres enfin retrouvés dans la conscience humaine... »

20. CARRIÈRE

(Eugène). Lettre autographe signée à Élie Faure. Mons, 30 novembre 1904. 4 pp. in-8.

200 / 300

Sur la préparation du banquet organisé en son honneur par Élie Faure,

qui se déroulerait le

20

décembre

1904

sous la présidence de Rodin.

«

... Je pense... que

[c’est]

Roger Marx, qui est mon plus ancien ami et le premier qui ait parlé de moi dans la presse,

qui doit prendre la parole

[critique d’art qui défendit les impressionnistes et l’art moderne de son temps]

... C’est une

réparation aussi pour lui, pour beaucoup d’injustices qu’il a dû subir et auxquelles je n’ai pas pu faire l’obstacle voulu.

Je pense aussi, pour le comité, au peintre Agache et à... Pontremoli, Gallimard, et je pense que Bernheim vous donnera

la liste des souscripteurs au

Christ

qui vous rappellerait très vite les oubliés

[allusion à la souscription lancée en

1903

pour l’achat et le don au musée du Luxembourg du

Christ mort

d’Eugène Carrière]

. Roger Marx, Hamel et Dolent qui

a un sens si juste des choses. Bonheur me dit son désir d’avoir des jeunes artistes dans le comité. Cela me paraît aussi

heureux.

Je vous donne un mal que je crois devoir augmenter... et je compatis pour tous les ennuis éprouvés et prévus qui vous

attendent.

Peu de gens aiment les mains qui préparent des lauriers. Celles qui manient la charpie sont plus

recherchées, et les ambulances regorgent de volontaires, mais le chemin de la gloire est solitaire et les vœux qui

accompagnent celui qui s’y aventure sont souvent des adieux déguisés.

Il faut que ceux qui forment les mêmes

projets dans l’ardeur de la jeune espérance tendent les mains à celui qui revient des Enfers.

Nous partons avec des

illusions

qui sont des vérités non expérimentées, notre première expérience nous les contredisent. Mais notre seconde

ignorance nous les fait découvrir comme des vérités définitives.

Ce sont les forces vitales, celles qui forment le

véritable héritage et l’accumulation des énergies vers l’harmonie des êtres enfin retrouvés dans la conscience

humaine. Vous êtes comme ceux que j’aime dans cet espoir.

J’espère ne jamais le perdre, et c’est par ce sentiment que

je vous embrasse bien tendrement...

»

« Cette clarté intérieure qui se réunit à toute l’essence de l’univers

et que nous portons momentanément en nous... »

21. CARRIÈRE

(Eugène). Lettre autographe signée à Élie Faure. [Mons, vers 1905]. 3 pp. in-8.

300 / 400

«

... Je travaille beaucoup à finir un grand portrait de Devillez et de sa mère

[son ami le sculpteur Louis-Henri

Devillez]

. Je n’ai rien de prêt pour la vente russe

[la tombola organisée par Élie Faure pour venir en aide aux familles

de révolutionnaires russes tués lors du «

dimanche rouge 

» le

22

janvier

1905

]

. Je pense qu’il nous reste encore un peu

de temps. Je vous le donnerai donc pour la date que vous me direz...

J’ai pris les rayons à de longs intervalles. Il n’y a rien de changé dans l’état général

[il souffrait d’une rechute de son

cancer, qui l’emporterait en

1906

]

. Je donne à cette partie de mon individu l’attention qu’elle comporte sans exagération

d’aucune sorte. J’aimerai sentir plus de bonheur chez ceux que j’aime mais je garde grand espoir pour tous.

La

première sensation de l’être est le mensonge de l’irréparable. C’est aussi la certitude de l’intelligence, malgré les

désastres que nous apporte l’ignorance.

Ce n’est pas la loi méconnue qui abolit la loi. C’est pour cette haute raison

qui m’est toujours plus sensible, que je pense au devoir de soutenir ceux qui doivent continuer le chemin et grandir

par ce que la vie leur a confié de puissance d’activité héroïque.

Je vous donnerai... le souvenir d’un jour où la raison

d’espérer nous fait prouver à tous aussi que penser avec foi à ses semblables était notre sauvegarde et notre propre