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d’émotions. Mais tant pis.
Je ne suis qu’un courageux infirme émotif.
Il y a bien des années que je n’ai pas dormi, ce qu’il peut s’appeler dormir.
Et puis nous avons en commun cette conscience de la brièveté de notre miracle personnel, de notre incroyable
fragilité.
Les autres parlent comme des bûches. Ils ne “savent” pas. Nous, Élie, nous “savons” que ce qu’ils racontent n’a pas
de sens – aucun sens. Ils meurent sans le savoir.
Bien affectueusement... Je téléphone lundi.
»
Louis-Ferdinand Céline,
Lettres
,
op. cit.
, n°
33
-
77
.
32. CÉLINE
(Louis-Ferdinand Destouches, dit). Correspondance de 3 lettres autographes signées à Élie Faure. 1933-
1934.
1 000 / 1 200
– Paris,
19
décembre
1933
. «
Cher ami, je me suis engagé très sottement pour vendredi !
Dabit vient ce jour-là chez moi.
Ceci est convenu depuis 8 jours ! Je suis à vos ordres pour le soir qui vous plaira et
où il vous plaira après vendredi, ici ou là-bas. Bien affectueusement. L. Destouches
» (
1
p. in-
12
, en-tête imprimé à son
adresse du
98
rue Lepic, adresse au dos). Céline et Eugène Dabit se vouaient une admiration littéraire réciproque :
Céline lui dédicaça un exemplaire du
Voyage
, et Dabit en publia une critique élogieuse. Céline lui dédia ses
Bagatelles
pour un massacre
en
1937
, un an après sa mort, et présenterait plus tard le succès d’
Hôtel du Nord
d’Eugène Dabit
comme à l’origine de sa propre vocation de romancier.
– Paris,
29
décembre
1933
. «
Cher et bienveillant ami, me voici tout honteux et tout confus !
Je n’ai pas pu quitter mon quartier l’autre jour à temps. J’étais pris par 2 typhoïdes qui m’éreintèrent et m’abrutirent
encore après le Dispensaire !
Vous m’avez pardonné ! Faites-moi pardonner par votre fille ! Je me couvre de cendres !
Quand je n’aurai plus peur de vous téléphoner, je vous demanderai rendez-vous. Mille pardons encore et très
sincèrement à vous. Destouches
» (
1
p. in-
12
, en-tête imprimé à son adresse du
98
rue Lepic, adresse au dos).
–
25
mai
1934
. «
Cher ami, voulez-vous me pardonner encore pour ce soir. Je ne me sens pas bien et dois encore voir
20 malades ! Bien affectueusement, Destouches.
» (
1
p. in-
16
, adresse au dos).
« Nous avons fini notre vie, ami,
qui bien heureusement ne fut surtout pas littéraire... »
30. CÉLINE
(Louis-Ferdinand Destouches, dit). Lettre autographe signée «
Louis D.
» à Élie Faure. Paris, «
le 13
»
[«
12
» corrigé en «
13
», probablement juillet 1933]. 2 pp. in-8, en-tête imprimé du « Pigall’s tabac » ; enveloppe
jointe, datée du 12 juillet, à en-tête du même bar-tabac.
1 000 / 1 500
Lettre écrite au retour de deux voyages : en Angleterre et en Belgique (mai
1933
), puis en Suisse, en Autriche et en
Tchécoslovaquie (juin
1933
).
«
Cher ami, c’est entendu, je vous téléphonerai lundi pour prendre rendez-vous.
Je vais me précipiter sur
Germinal
que je n’ai pas lu, étant absent comme vous le savez depuis 2 mois !
[Élie Faure
venait de publier son éloge du
Voyage
dans ce périodique
anarchiste.
]
Nous n’avons ni l’un ni l’autre les orgues de la littérature à notre service.
Elles sont réservées et ne tournent guère
que pour les velléités laborieuses de quelques groupes.
Mais nous avons fini notre vie, ami, qui bien heureusement ne fut surtout pas littéraire.
Alors au fond c’est justice.
Bien affectueusement... et à bientôt.
»
« Je ne suis qu’un courageux infirme émotif... »
31. CÉLINE
(Louis-Ferdinand Destouches, dit). Lettre autographe signée «
L. Destouches
» à Élie Faure. Paris,
[24 juillet 1933]. 2 pp. in-folio, en-tête imprimé à son adresse du 98 rue Lepic ; enveloppe.
1 500 / 2 000
Superbe lettre sur sa psychologie profonde et sa conscience de la fragilité de son succès.
«
Cher ami, j’ai lu
Germinal
! Quel article
[Élie Faure venait de publier son éloge du
Voyage
dans ce périodique
anarchiste]
. Quelle leçon aussi ! Vous allez bien plus loin que moi dans la vérité. Je traîne empêtré dans toutes espèces




