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1891
.
Hanoi 7 février
.Il a envoyé sa proposition pour le grade de vice-résident de 2
e
classe,avec une élogieuse recommandation
du gouverneur général. Il a collé une coupure de presse mentionnant ses succès aux examens : « Dans ces conditions, il suffirait
d’un coup de piston énergique pour me faire réussir. Une simple parole de mon grand patron M. Constans [...] je serais désolé
de me retrouver chancelier ; j’ai servi en sous-ordre dans les résidences, j’ai été deux fois chef de postes difficiles et m’en
suis tiré avec des éloges, grâce à ma connaissance de l’annamite [...] enfin j’ai rempli des fonctions importantes au Cabinet ;
ce serait malheureux de retomber dans le troupeau ». Il envoie sa mère faire des démarches administratives, et obtenir des
recommandations pour appuyer sa candidature à un poste de vice-résident...
6 mars
. « C’est le moment où jamais de pousser
vos démarches » : il parle de Haussmann, Mouttet, Étienne, et Constans, espérant de ce dernier « un mot de lui et je serais vice-
résident, et je ne tomberais pas brutalement, en congé, d’une solde de 10.000 francs à une misérable solde de 3500 ! »...
11 juin
.
Il part pour la France par le prochain courrier, et prie d’en avertir Louis Mistral...
1892
.
Bac Nimh 21 juillet
. Il a enfin reçu son
Dans la forêt
au complet, et il gronde sa mère de ne pas lui envoyer plus
vite ses publications : « ainsi j’attends encore le début du
Carnet d’un soldat
(ou
Souvenirs d’un troupier
) et la note élogieuse
qui le précédait ». De même pour la
Revue félibréenne
: il est impatient de lire ce que Mariéton a publié de lui : «
L’Aïoli
en
parle de très flatteuse façon, [...] de plus, c’est la première fois que l’on publie de moi, en provençal, une œuvre d’assez longue
haleine, et je compte fort sur cela pour assurer ma réputation parmi les jeunes du félibrige »… Il envoie « une série de croquis et
tableautins indochinois », à essayer de placer au
Soleil
. Il a envoyé à Daudet une nouvelle,
Le Blockhaus incendié
, et en prépare
une autre. Il envoie aussi une série de textes à faire publier, probablement à
L’Événement
, « sans oublier de mettre chaque fois
la mention
à suivre
et de conserver les sous-titres :
Le Cimetière de Quang-Yen, Vieilles histoires
, etc. [...] Pour la nouvelle que
je prépare, elle fera partie de mon recueil de nouvelles sur l’Opium, pour lequel j’ai déjà
La Prise de Lang Xi, Dans la Forêt, Le
Blockhaus incendié, Les Propos d’un intoxiqué
, et peut-être le
Carnet d’un soldat
, modifié de manière à trouver naturellement
sa place dans ce volume. Elle repose sur l’histoire réelle d’un jeune soldat, de Clausade, qui déserta, fut incorporé dans une
bande de pirates, se battit contre nous, et finalement fut condamné à mort par un conseil de guerre et fusillé à Hanoi en 1889.
C’était un fumeur d’opium [...] Je vais faire son journal, très-condensé, depuis sa désertion jusqu’à sa mort. Ce sera un essai de
psychologie de fumeur, garçon instruit et distingué, entraîné par son vice et placé dans d’exceptionnelles circonstances »... Il a
dû se séparer de son boy Nam, que Thérèse n’appréciait pas, et qui était sans cesse sous l’emprise de l’opium, toujours endormi :
« Je suis triste seulement en pensant qu’il ne sera jamais plus en état de travailler et de gagner sa vie »... Thérèse et lui sont
« archi-heureux », et il loue les qualités de sa jeune épouse : « critique aussi bonne que vous, plus même, car ayant l’habitude
du public et des écrivains [...] Elle est parfaite, comme intelligence, bonté, douceur, gaîté naturelle »... Ils sont cependant bien
à court pécuniairement, « malgré l’économie et la sagesse de ma petite femme »...
Bac ninh 18 août
. Il a écrit tout le brouillon
d’une longue nouvelle, presque un roman, qui aura plus de 3000 lignes et fera bien 125 pages, et demande à Mariéton s’il serait
possible de le faire passer au
Temps
ou « autre journal sérieux ». Leur pauvre mansarde a été bien secouée par le typhon… Il
raconte l’organisation de ses journées, entre la maison où il travaille à ses œuvres, et le bureau, où Thérèse vient le chercher




