sculpteur, ils formèrent une commission chargée de relever dans la Haute Égypte tous les
renseignements sur le commerce, l’agriculture, les arts et antiquités, et surtout d’examiner le régime du
Nil depuis la première cataracte et d’étudier le système d’irrigation.
La découverte de ce carnet, miraculeusement sauvé par hasard de la destruction, est un témoignage rare
et unique de cette expédition. C’est un document émouvant, car au-delà des vicissitudes de l'histoire,
c’est le regard qu'un tout jeune « savant » de 23 ans porte sur un pays qui s'ouvre à sa curiosité.
A ce jour, peu de documents de ce genre sont conservés dans les collections publiques. Et pour cause.
Les sources manuscrites concernant l’activité de savants pendant l’expédition d’Égypte devraient se
trouver aux Archives nationales, dans les papiers provenant de l’administration du ministère de
l’Intérieur dont ils dépendaient. Or la plus grande partie a disparu sous l’Empire. Par ordre de Napoléon
Bonaparte, la plupart des documents furent remis au Premier Consul en juin et septembre 1802 pour
être détruits. Une note de septembre 1807 confirme que tous ces papiers ont bien été brûlés.
Par ailleurs, que ce soit les archives historiques de la Guerre, de la Marine, des Affaires étrangères, de
l’Académie des Sciences ou de la BNF, les quelques documents conservés concernent peu les aspects
scientifiques de l’expédition, en dehors du carnet de notes de Cordier conservé à l’Académie des
Sciences.
Les destructions massives opérées sous le Premier Empire dans les collections publiques rendent ainsi
d’autant plus précieux les fonds privés, conservés par les descendants des savants de l’expédition
d’Égypte, ou rassemblés par les collectionneurs. Les journaux, correspondances et documents les plus
connus ont déjà été publiés, essentiellement au XIXe siècle, mais de nombreuses pièces restent encore à
retrouver ou à découvrir.
A ce jour, les seuls documents connus et conservés dans le domaine public, écrits de la main de
François-Michel de Rozière lors de cette expédition, sont deux lettres signées, l’une écrite aux membres
du conseil des Mines, adressée du port d'Alexandrie le 11 floréal an 8, et la seconde à son arrivée à
Marseille sur le bateau qui le ramenait d'Égypte. Cette correspondance est conservée aux Archives
nationales sous la cote F/14/2737/1, dans son dossier de carrière comme ingénieur des mines. En
comparant l’écriture de ces deux lettres avec celle du carnet manuscrit, il est indubitable qu’il s’agit bien
du carnet de route écrit par François-Michel de Rozière.
Extraits :
« (…)
Le 30 en montant sur la rive gauche assez élevée nous vimes les pyramides de saccara à 10h. On en voyait plusieurs, et on en
distinguait surtout 2 bien conservées. Sur le même bord il y a des petites couches de sable dans lesquelles sont des trous où j’ai vu entrer
un grand nombre de petits oiseaux que je crois être des hirondelles. Au coucher du soleil nous nous trouvions sur la rive droite dans un
endroit sabloneux où on apperçoit du fer comme celui que je trouve sur le bord de la mer à Alexandrie et dans le désert. Nous avions
vu dans la journée de l’indigo, du lupin, une espèce de bled court cané et barbu. Nous étions au coucher du soleil près d’un champ de
fèves et tout auprès se trouvait un petit champ de tabac. De droite et de gauche on n’apperçoit les montagnes que dans l’éloignement. Le
1
er
germinal vent de sud le thermomètre à 22 ½ dans la barque 25 dehors 16 dans le Nil. Le Nil dans l’endroit où nous nous
sommes arrêtés a 678 mètres de largeur et il dépense 900 mètres cube par seconde sa vitesse est de 42 mètres par minutes...
» ; « (…)
Les catacombes de Sioute qu’on appelle dans les voyageurs les grottes de Hal ne sont pas toutes de la même grandeur. Il y a de grands
appartements quarrés ou paralléllagrammiques dont les portes et les parois intérieures sont couvertes d’hiérogliphes et de figures
égyptiennes. Il y en a surtout une extrêmement intéressante par les bas reliefs que l’on trouve dans le sanctuaire et qui représentent un
sacrifice. Les cavernes où il y a des hiérogliphes sont peu nombreuses. On en compte 5 ou 6. Plusieurs autres paraissent n’avoir point
été terminées. Les catacombes sont en très grand nombre. Plusieurs paraissent avancer profondément dans la montagne mais on ne peut
y pénétrer à cause de la quantité de poussière et de décombres qui les remplissent. On trouve beaucoup de reste de momies dans ces
catacombes. Des têtes de chien ou de loup sont très communes dans les trous qui avoisinent le temple principal. Il est probable que les
caveaux des édifices religieux étaient destinées à conserver les dépouilles mortelles des prêtres et des grands de ce temple. On y a trouvé
des momies dont les linges paraissent d’une grande finesse. Un morceau que j’ai vu était rayé de grandes rayes bleues et ressemblait
beaucoup par sa finesse et son tissu aux étoffes soye et coton qu’on trouve en Égypte en grande quantité et qui viennent de l’Inde.
Par les morceaux de momie que j’ai vu ici, il paraît qu’on n’avait point […..] porté l’art des embaumements aussi loin qu’il l’a été
depuis. Les chairs sont desséchées et ne conservent aucune forme. Les linges ne sont point disposés avec autant d’art que dans les
momies qu’on trouve à Saccara. Il paraît qu’on remplissait l’intérieur du corps avec du coton, car j’en ai vu dans deux ou trois trous de
momies
. » ; «
(…) Le 23 nous avons une momie presque entière. Elle a été trouvée dans les décombres. Une toise couverte d’un enduit
blanc sur lequel se trouvaient des dessins irréguliers en bleu, rouge, jaune et noir ; les chairs étaient minces et les linges avaient plusieurs
centimètres d’épaisseur. Les mains étaient croisées sur la poitrine. La tête avait des cheveux et de la barbe. L’un et l’autre assez courts.
Les cheveux avaient un pouce de long et étaient dorés comme ceux de quelques têtes européennes. Ils n’étaient point crépus mais droits
comme le notre. La barbe était courte et forte. Les bandelettes n’étaient point arrangées avec soin comme aux momies de Saccara. Le 4
floréal le thermomètre à 30° à l’ombre beaucoup de mirage. Les chevaux à l’ombre faisaient sortir des étincelles de leurs corps en les
frottant avec leurs queues. On entendait très bien le bruit et les poils de la queue s’attachaient à la main de quelque côté qu’on la




