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Mardi 6 octobre 2020

206.

André BRETON

.

L.A.S., Antibes 13 mars 1948, à Francis

D

umont

; 1 page et demie in-4.

500 / 600€

Breton se montre réticent à un projet de témoignages sur le Surréalisme… « En ce qui concerne le projet de

La Gazette des Lettres

, je m’y vois très mal tenir le rôle que vous m’assignez. “Un quart de siècle...”, sans doute

mais c’est bien là la dernière commémoration à laquelle je puisse prendre part. Je n’éprouve aucun désir de me

mesurer à cette occasion avec les “ex-surréalistes du C.N.E.” que vous croyez devoir consulter et dont je récuse

par avance le témoignage. Ces messieurs m’offrent-ils jamais la discussion ? »… Il conseille plutôt d’interroger les

jeunes surréaliste tels Sarane Alexandrian, Claude Tarnaud, Alain Jouffroy, Jean-Louis Bédouin, Gaston Puel. « Voilà

qui pourrait apporter du nouveau [...] Je vous assure que cela serait beaucoup moins vain que d’espérer obtenir une

déclaration de

P

icasso

, par exemple, qui s’est refusé toute sa vie à des déclarations de ce genre et de qui je n’aurais

certes pas envie de solliciter »...

207.

André BRETON

.

M

anuscrit

autographe,

Interview d’

Opéra

(André Parinaud

)

, [24] octobre 1951 ;

2 pages in4, avec de nombreuses ratures et corrections.

2 000 / 2 500€

I

ntéressant

entretien

sur

l

état du mouvement

surréaliste

, en réponse à huit questions d’André

P

arinaud

.

I. Au sujet de l’éventuelle création d’une revue, Breton regrette « le temps où les frais occasionnés par le lancement

d’une revue pouvaient être assumés par l’ensemble de ses collaborateurs, chacun d’entre eux y contribuant dans

la mesure de ses moyens. Ce fut le cas pour

La Révolution Surréaliste

et pour

Le Surréalisme A.S.D.L.R.

Du moins

l’indépendance totale était garantie ». Des éditeurs leur ont fait des propositions, mais les surréalistes restent

hésitants, « parce qu’elles tendraient à la réalisation d’une revue “d’art” alors que le surréalisme, aujourd’hui

comme hier, ne saurait pleinement s’accommoder que d’une revue de combat. L’affirmation du surréalisme comme

mouvement toujours vivant a contre elle une conjuration de forces puissantes et organisées », qui veulent le limiter

aux deux dernières guerres et le définissent aujourd’hui par « ce qu’il a été »...

II. Breton déplore la perte de liberté dans l’art, la disparition de nombreuses jeunes revues et d’éditeurs

indépendants d’avant-garde : « Là comme ailleurs c’est la victoire assurée des trusts. […]. Dans ces conditions il

est douteux que des œuvres correspondant à ce qu’ont été dans leur temps les premiers

B

orel

ou les premiers

J

arry

pourraient voir le jour. Il n’est pas plus évident, en raison des conditions faites aujourd’hui à l’art, qu’un égal

de

G

auguin

ou de

D

aumier

pourrait percer ». Il dénonce la spéculation des galeries d’art, qui faussent « le rapport

entre l’artiste et l’amateur » : les œuvres de

M

atisse

, R

ouault

, U

trillo

, P

icasso

« bénéficient – et pâtissent – d’une

outrageante enflure publicitaire à laquelle ils sont inexcusables de se prêter » ; quant aux novateurs, on leur impose

la seule voie du « non-figuratif »…

III. Breton se réjouit cependant de

l’abolition de nombreux tabous, mais

observe que « la liberté d’expression est

limitée plus qu’autrefois et par des moyens

beaucoup plus savants, qui ne dépendent

pas des pouvoirs officiels »…

IV. Puis il fustige le Parti Communiste et son

influence dans les milieux artistiques : « Les

staliniens ont beaucoup d’organes. […] La

liberté d’expression ne peut être reconquise

tant que se maintient le contact avec ceux

qui l’ont aliénée »…

V. Les staliniens n’opèrent pas tant la

censure en empêchant l’artiste de publier ou

d’exposer, mais « en organisant autour de

lui le silence ou en l’ensevelissant sous des

commentaires à côté »...

VI. Breton se félicite cependant d’une

évolution du goût du grand public :

auparavant, « le goût des œuvres de qualité

n’excédait pas les limites d’un petit nombre

de “chapelles”.

R

imbaud

et

M

allarmé

, voire

B

audelaire

et

N

erval

, étaient tenus par le

public à grande distance ; lazzi sur

S

eurat

,

gorges chaudes sur le douanier

R

ousseau

.

On n’en est heureusement plus là ». Il

regrette toutefois, en partie à la suite de

la « résistance », une « véritable inflation

poétique » et « une réhabilitation de la pire

“poésie de circonstance” »…

.../...