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VII. Sur l’avenir du mouvement, les perspectives ne changent pas. « Une plus grande émancipation de l’esprit
et non une plus grande perfection formelle doit demeurer l’objectif principal », grâce à des œuvres au « pouvoir
alertant
», comme celles d’
A
bellio
et Malcolm de
C
hazal
,
Le Visage de feu
de J.-L.
B
ouquet
pour le fantastique, les
romans de Maurice
R
aphaël
, au théâtre
Le Roi Pêcheur
de Julien
G
racq
et
Monsieur Bob’le
de Georges
S
chéhadé
,
et l’étonnante poésie à dire de Jean
T
ardieu
, etc.
VIII. « L’essentiel, pour le surréalisme, serait de pouvoir s’exprimer régulièrement, d’une manière globale. Ses
incursions dans les différents domaines seraient ainsi rendues beaucoup plus sensibles ». Un numéro spécial de
L’
Âge du cinéma donnera bientôt « le pouls actuel du surréalisme » dans ce domaine, en attendant une publication
surréaliste sur l’architecture...
208.
André BRETON
.
M
anuscrit
autographe signé,
Interview – Pierre de Boisdeffre
,
Paris 15 mai 1957 ;
2 pages in4.
1 500 / 2 000€
E
ntretien
sur
la
poésie
surréaliste
pour le magazine
Nouvelles littéraires
, avec de nombreuses ratures et
corrections.
« “Changer la vie”, oui, qui dit mieux ? je ne vois pas que plus haut objectif se soit offert à la poésie depuis
R
imbaud
», même si on peut juger cette prétention excessive… Quels sont les poètes qui comptent pour lui ?
« En ce qui concerne les poètes d’hier […] dans le désir d’en finir sur ce plan de l’absurde et caduque distinction
de l’œuvre poétique en prose et en vers, je citerai Jean-Jacques
R
ousseau
,
C
hateaubriand
,
N
ovalis
,
H
ölderlin
,
H
ugo
, N
erval
, F
ourier
, B
audelaire
, L
autréamont
, R
imbaud
, N
ietzsche
, M
allarmé
,
Charles
C
ros
, H
uysmans
, J
arry
,
R
oussel
, A
pollinaire
. J’ajouterais
A
rtaud
, s’il n’était encore, pour moi, d’aujourd’hui ». Dans ses contemporains :
S
aint
-J
ohn
P
erse
, R
everdy
, J
ouve
, P
éret
, M
ichaux
, C
har
,
Georges
B
ataille
, P
onge
, G
racq
, C
ésaire
, S
chehadé
,
Pieyre de
M
andiargues
, Malcolm de
C
hazal
…
.../...
Breton revient sur les objectifs
premiers du Surréalisme : « mettre en
vacances le langage en l’affranchissant
des contraintes exercées sur lui
par le rationalisme », ce qui eut
l’effet de « lui découvrir des zones
affectives-émotionnelles laissées en
friches », qui amenaient la conviction
que l’esprit avait perdu de ses
pouvoirs. Le mouvement n’aspirait
pas particulièrement au « patrimoine
poétique » qui est devenu le sien,
d’autant que Breton refuse de tenir
le mouvement pour mort : « Il me
paraît donc prématuré de lui chercher
des héritiers », alors que va paraître
le second numéro de la revue qu’il
dirige,
le Surréalisme, même
, et dont
les collaborateurs sont nombreux et
vivants… Enfin, sur la poésie engagée :
« On pouvait espérer que
B
audelaire
s’en « était assez pris aux “métaphores
militaires” : ce mot d’engagement
me répugne, non moins qu’il lui eût
répugné ». Sauf rares exceptions, il
s’en tient à l’opinion de Rimbaud :
« “La poésie ne rythmera plus l’action ;
elle sera en avant”. […] Les déceptions
bien réelles de ces trentes dernières
années n’ont pas eu raison de mon
espérance révolutionnaire »…




