Lot n° 132

LAFAYETTE, Gilbert du Motier, marquis de Lettre autographe à Louis Marie, vicomte de Noailles Elk, 8 avril 1781 3 pp. in-4 [en français]

Estimation : 20000 / 30000
Adjudication : Invendu
Description
“IL EST FÂCHEUX QUE CETTE EXPÉDITION-CI AIT SI MAL TOURNÉ, ET LES ÉTATS DU SUD S’EN SENTIRONT FORTEMENT" : ÉCHEC D’UNE OPÉRATION COMBINÉE DE LA MARINE ET DE L’ARMÉE DE TERRE. LAFAYETTE IGNORE QUE NOAILLES EST EN FRANCE. “IT IS UNFORTUNATE, MY FRIEND, THAT THIS EXPEDITION TURNED OUT SO BADLY, AND THE SOUTHERN STATES WILL STRONGLY FEEL THE EFFECTS" Après toute l’inquiétude que tu m’as donnée, mon cher frère, j’auraismérité d’en être il est cruel d’ ; dédommagé par le plaisir de t’embrasseravoir son ami sur une escadre, d’entendre dire qu’elle s’est vivement battue, de croire une autre fois distinguer des coups de canon, et de finir par n’apprendre qu’au bout d’un temps mille fois trop long quel a été le succès et quels sont les détails du combat. Charlus te fera ceux de nos préparatifs ; j’espère qu’on en aurait été contents. Il est fâcheux, mon ami, que cette expédition-ci ait si mal tourné, et les États du Sud s’en sentiront fortement ; mais vous avez fait tout ce que vous avez pu et nous aussi, vous avez battu une escadre supérieure et nous nous sommes rassemblés de tous les coins pour coopérer. Après cela, mon cher Vicomte, il faut se soumettre aux caprices de la fortune, et espérer dans une autre occasion. Quand Charlus m’a laissé, mon ami, nous étions bloqués dans le port d’Annapolis ; je ne savais comment m’en tirer, et tentai l’expédient de mettre deux pièces de dix-huit sur un bateau. La crainte de ce calibre nous a ouvert pour quelque temps un passage, et nous sommes arrivés ici dans le projet de rejoindre tout de suite l’armée. Je crains cependant que nous ne soyons obligés de nous rendre au Sud, et dans le manque absolu de tout où se trouve un détachement qui croyait être trois jours dehors, nous aurons bien des difficultés à éprouver dans le voyage. Je te pardonne de tout mon cœur l’ouverture de la lettre du Prince, il sera bien en colère quand il apprendra ce que nous avons manqué. Dans tous mes paquets il n’y a de bien intéressant pour toi qu’une lettre de M. de Boufflers ; je te l’envoie, et te prie de me la rendre après l’avoir lue. La faveur est toujours dans les mêmes mains et la seule différence est qu’elle a augmenté au plus haut point possible. Je crois que tu troqueras de bon cœur notre ami Montbarreyl pour M. de Ségur2 ; son fils profitera sûrement de l’occasion pour venir ici ; je donnerais tout au monde pour voir le Vicomte faire les honneurs de la maison du Ministre. On me parle d’une méchanceté que la société a la bonté de faire à une personne que j’aime ; j’en causerai avec toi, mais il est difficile d’en écrire. Comment trouves-tu M. le colonel Armand3 qui reste onze jours à se rendre de la Rivière du Nord à Boston et par conséquent mes lettres ne partent pas par l’alliance. À propos de M. Laurens4 je sais fort bon gré à Mme de Lafayette d’avoir écrit au Père Laurens au moment qu’elle l’a su enfermé à la Tour de Londres. On lui a renvoyé la lettre ainsi que la lettre de crédit qui y était jointe, mais quoique la malhonnêteté anglaise n’ait pas permis que les offres de service soient parvenues, je lui suis infiniment obligé de cette attention qui est fort aimable. Voilà donc Vauban de ce côté-ci de l’eau ; je souhaite que notre ami profite de l’occasion. On me mande que M. de Castries a une maison très agréable. Fais moi part, mon ami, de toutes les nouvelles que tu pourras accrocher et je t’en promets tout autant. Adieu, mon cher Vicomte, fais mes compliments à Charlus et à nos autres amis, ainsi qu’à Laval et St.-Même. Je t’embrasse d’aussi bon cœur que je t’aime. 1. Alexandre-Marie-Léonor de Saint-Maurice, Prince de Montbarrey, Secrétaire d’État à la Guerre de 1777 à 1780. 2. Philippe Henri, marquis de Ségur, Secrétaire d’État à la Guerre de 1780 à 1787. Son fils Louis Philippe, comte de Ségur, suivit Rochambeau en Amérique en 1783. 3. Armand-Charles Tuffin, marquis de La Rouërie, dit « Colonel Armand » (1751-1793) participa activement à la bataille de Yorktown (28 septembre-19 octobre 1781). 4. Henry Laurens (1724-1792), négociant en riz, fut président du Congrès de 1777 à 1778, avant d’être fait prisonnier par les Anglais. Son fils, le colonel John Laurens, participa au siège de Yorktown. Il fut tué en Caroline du Sud, en 1782. RÉFÉRENCES : Lettres inédites du général de Lafayette au vicomte de Noailles, Paris, 1924, pp. 37-39
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