Lot n° 175

Claire de Kersaint, duchesse de DURAS. Manuscrit autographe, Mémoires de Sophie, [1823-1824] ; 250 pages in-8, la plupart sur feuillets doubles chiffrés. Manuscrit de premier jet de ce roman de l’Émigration, resté inachevé, publié en 2011,...

Estimation : 1000 / 1500
Adjudication : 4 122 €
Description
par Mme Marie-Bénédicte Diethelm, aux Éditions Manucius.
Le récit est divisé en deux parties, plus le début d’une troisième partie restée à l’état de fragments. Il s’agit d’un premier jet très corrigé par l’auteur, écrit sur des feuillets doubles numérotés de 1 à 54 : l’écriture remplit les pages d’un bord à l’autre ; les additions, corrections et suppressions sont nombreuses, et une dizaine de béquets portent des mises au net de passages retravaillés. La première partie occupe les feuillets 1-30/1, et la seconde les feuillets 30/2 à 54 (manque le dernier feuillet 55, qui ne contenait que deux courts paragraphes de conclusion, selon la copie).
Prenant appui sur les événements de la Révolution – la fuite à Varennes, l’abolition des privilèges, l’invasion des Tuileries, les massacres de Septembre, la mort du Roi, etc. –, inspirés de souvenirs personnels de Mme de Duras, ancienne émigrée elle-même, les Mémoires de Sophie suivent le destin d’une orpheline de la plus haute noblesse française, destinée à être abbesse de Remiremont, qui a la faiblesse de s’attacher à un ami de son frère, M. de Grancey, dont le mariage, déjà arrangé, se conclut rapidement. Réfugiée avec sa grand-mère à Lausanne, puis à Londres, Sophie fréquente le beau monde de l’émigration et quelques aristocrates anglais, et continue de se laisser courtiser par M. de Grancey, qui parle de faire casser son mariage…
La troisième partie évoque l’héroïne, sa grand-mère, son frère et M. de Grancey, ces derniers rescapés du débarquement de Quiberon, menant une vie solitaire sur la côte anglaise ; Sophie rentre à Paris, déterminée à obtenir « une surveillance » pour M. de Grancey, qui permît le retour de l’émigré. Par hasard, à la veille de se présenter au ministère de la Police générale pour demander cette grâce, elle va au spectacle et échange quelques mots avec une jeune femme attendrie par la tragédie, et dont les réflexions l’émeuvent. Elle la retrouvera le lendemain, au ministère ; l’audience de Sophie suivra celle de l’inconnue. « Il falloit vivre à une époque caractérisée par l’oubli de toutes les convenances, pour qu’il fût possible qu’une personne non mariée, allât seule chez un ministre solliciter le rappel d’un homme qui n’étoit ni son père ni son frère, ni même son parent, mais alors on n’y regardoit pas de si près, réussir étoit tout, la necessité faisoit la loi, et des personnes qui avoient conservé les manières de l’ancien régime en émigration les perdoient à Paris, l’isolement, l’exil étoient moins contraires à ces souvenirs que ces nouvelles mœurs qui à Paris vous entouroient et vous pressoient de toute part. La revolution n’étoit complette pour un émigré qu’à son retour »… Introduite auprès de Fouché, « dont la phisionomie portoit l’empreinte de tous les crimes », elle apprend que le ministre vient de refuser la supplique de Mme de Grancey ; « goguenard », Fouché l’accorde à l’amie du « heureux coquin », et c’est pour elle une illumination : « je n’eus plus un moment de bonheur. J’entrevis mon devoir »…
On joint 10 pages de brouillons autographes, dont un au dos d’un faire-part (juin 1822), un autre au dos d’une lettre signée du banquier Jacques Laffitte (22 juillet 1823), un troisième au dos d’une l.a.s. de son amie Mary Berry (23 juillet [1823]) ; et la copie d’époque des deux premières parties des mémoires de Sophie (liasse de 5 cahiers cousus in-fol. de 118 pages), mise au net très lisible, portant à la dernière page le mot « Fin ».
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