Lot n° 255

Marcel JOUHANDEAU. Manuscrit autographe d’une conférence, [avril 1966] ; 85 pages in-8 sur papier quadrillé perforé dans un classeur à anneaux bordeaux, pagination et qqs modifications au crayon rouge, Conférence en Italie, véritable...

Estimation : 800 / 1000
Adjudication : 1 159 €
Description
« examen de conscience » de l’écrivain à la fin de sa vie.
« C’est une sorte d’examen de conscience que je voudrais faire qui perd tout son sens justement, parce que je touche à la fin de ma vie. Il n’est certes pas de sujet qui me soit plus familier que moi-même. J’en ai commencé l’étude, en ouvrant les yeux. Puis-je prétendre me connaître ? Toucherai-je aujourd’hui à l’essentiel ? »… Il évoque quelques influences de ses débuts d’écrivain (Apollinaire, Barrès, Jules Renard, Charles-Louis Philippe), souligne son indépendance puisqu’il ne vit pas de sa plume, cite un fragment de l’Essai sur moi-même et parle de Guéret et Chaminadour (anecdote amusante sur une offre de conciliation de Gide, p. 50). Il évoque un projet de publier son œuvre dans la « Bibliothèque de la Pléiade », le classement du « butin matériellement assez considérable » (p. 53-56). Puis il parle de la foi (« inimaginable […] que les hommes puissent se passer de Dieu, la plus belle relation à laquelle nous puissions prétendre et que nous puissions entretenir », p. 58), du bonheur (« faire un pacte avec soi-même contre le mal. Cela se dessine dès l’enfance et se soutient jusqu’à la mort », p. 63-64), et du rire (« le propre de l’Homme », p. 66)… Et puisqu’on « ne se fait pas tout seul », il rend hommage à son père, à sa mère (avec des extraits de ses lettres, la plupart biffés), à l’archiprêtre de Cessac, qui avait « l’envergure d’un Cardinal, le sourire de Voltaire et le cœur du Curé d’Ars » (p. 78) et au lycée, avant de conclure nettement que s’il avait vingt ans aujourd’hui, il refuserait d’écrire : « Quand je suis né à la littérature en 1920, le monde des lettres ressemblait à une presqu’île réservée, distinguée, dont l’accès était difficile. […] Aujourd’hui qui n’écrit pas ? Cette manie est tombée à mon avis au dernier degré de la vulgarité et du discrédit […] comme si, pour écrire utilement, il ne fallait pas disposer d’une expérience complète de la vie, au moins de celle d’un métier. Faute de quoi on est réduit à une vacuité qui se traduit par la plus honteuse logomachie. Si j’avais vingt ans aujourd’hui, je ne serais pas non plus physicien ni cosmonaute. Les uns et les autres mettent leur science et leur courage au service du fanatisme et du chauvinisme […]. Il s’agit bien de la lune pour les Russes et pour les Américains. Il s’agit de se braver les uns les autres, de satisfaire leur orgueil jusqu’à ce que les Chinois les départagent, comme ils se sont partagé l’Europe. Une seule chose devrait préoccuper les hommes : la souffrance. Aussi longtemps que sévit le cancer, que la famine atteint un quart de la Terre, la lune est un objet de dérision. Si j’avais vingt ans aujourd’hui, je serais médecin ou chirurgien. Je me mettrais au service de la douleur, en veillant à garder mon sourire imprescriptible » (p. 82-85)…
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