Description
Recueil de 16 plans (34 x 25,5 cm) aquarellés, concernant les jardins et avenues septentrionales de Marly (8), la Machine (2), les plans, élévations et profils du château et des pavillons de Marly (4). Les deux dernières aquarelles représentent le château neuf de Saint-Germain-en-Laye. L’absence de reliure originale empêche d’identifier son premier destinataire et l’absence de marques d’établir la filiation du recueil. En outre, le nombre actuel de planches ne correspond pas nécessairement à l’état original du recueil. Toutefois, par comparaison avec d’autres recueils et à partir d’une analyse détaillée de la série de planches conservées, il est possible de rétablir certains aspects de la composition d’un album représentant l’ancien domaine royal de Marly, la machine de Marly et le château neuf de Saint-Germain. La présence de planches de la Machine réunies avec celles du château de Marly peut sembler naturelle, même si ces deux domaines étaient organisés séparément. En revanche, les planches de Saint-Germain paraissent d’autant plus inattendues que Louis XIV n’accorda plus guère d’intérêt à cette résidence après le départ de la Cour pour Versailles (1682). Néanmoins, on retrouve la même ordonnance dans un autre recueil assez proche de celui-ci. Il faut aussi se souvenir que les deux châteaux de Marly et de Saint-Germain étaient placés à la fin du XVIIe siècle sous la même autorité du contrôleur des Bâtiments du roi, Louis de Rusé. Ce sont aussi souvent les mêmes dessinateurs et arpenteurs qui furent chargés des deux domaines : Caron, Lescuyer... Enfin, cette association de plusieurs domaines royaux permet d’identifier le destinataire et le commanditaire au plus haut niveau de la cour de France. Seul le ROI, à vrai dire, pouvait être à la source d’un tel recueil et seule l’administration des Bâtiments du roi pouvait initier un projet aussi ambitieux. L’existence de plusieurs autres recueils illustrés des jardins de Marly pourrait laisser croire qu’on en fit une large diffusion. En fait, sous le règne de Louis XIV, les albums parfaitement conservés sont aux armes du roi, ils se trouvaient donc dans sa bibliothèque. Les plus récents furent réalisés à l’extrême fin du règne, les plus anciens vers 1699-1700 : toutefois, malgré de nombreuses similitudes, ils ne sont pas identiques et ils représentent des états successifs de l’aménagement des jardins et des bâtiments. Chaque recueil semble avoir été décidé pour dresser un état du château de Marly dont les incessantes modifications nécessitaient des mises à jour régulières. Ainsi, bien qu’ils soient parfois inachevés (ou incomplets), ces recueils peuvent être considérés comme des COMMANDES ROYALES réalisées par les Bâtiments du roi. L’arrivée de Jules Hardouin-Mansart (1646-1708) à la tête de la Surintendance, en janvier 1699, et la réalisation des premiers recueils sont contemporaines. La réorganisation de l’administration des Bâtiments du roi qu’il entreprit aussitôt lui permit de s’attacher désormais les services d’un bureau de dessinateurs (sous l’autorité de Robert de Cotte) plus important. Il créa alors plusieurs charges de dessinateurs des jardins du roi. Il est donc probable que la réalisation de ces albums fut dirigée, voire initiée, par Mansart. Ses nouvelles fonctions lui permirent d’assurer ainsi la promotion et la conservation par l’image des domaines pour lesquels il avait donné tout son talent. Notre recueil présente des similitudes avec deux autres recueils : le Vms 73 conservé au Musée national du château de Versailles et le Ve 13-rés conservé à la Bibliothèque nationale de France. Le Vms 73 comporte 8 planches presque identiques aux 8 planches représentant les jardins de Marly de notre recueil. Elles représentent les mêmes parties des jardins dans un ordre assez semblable : aux planches numérotées de A à H du nôtre correspondent les planches numérotées 1, 3, 2, 5, 4, 6, 7 et 8 du recueil Vms 73. Mais il ne s’agit pas de copies : des différences peuvent être relevées, d’une part dans le cadrage des planches, d’autre part dans l’état représenté des jardins, enfin dans la finition des dessins. Le cadrage des planches est parfois plus étroit, parfois plus large, parfois identique d’un recueil à l’autre. Cet indice prouve que les dessinateurs ont travaillé à partir de relevés communs mais que l’un n’a pas été reproduit à partir de l’autre. Les différences entre les deux états des jardins représentés dans les deux recueils portent sur des détails (des allées nouvelles, une porte, un boisement...) mais tous ces changements montrent que le Vms 73 est antérieur au nôtre. Le détail le plus important est le tracé des nouvelles allées du jardin haut dans la partie de l’extension alors en cours de réalisation. Quant à la finition des dessins, les parties inachevées sont rares mais plus nombreuses dans le nôtre. Cette caractéristique des deux recueils semble indiquer que les dessinateurs ont dû interrompre l’exécution des planches sans qu’on sache pourquoi : peut-être que les changements décidés par le roi obligeaient à reprendre une série complète avant l’achèvement complet du recueil. Le Vms 73 doit être daté du milieu de l’année 1699. Il est en effet postérieur à la construction du Grand Abreuvoir, de la Patte d’oie et de la Grosse Gerbe qui ont été achevés au printemps 1699. Les planches des jardins de Marly de notre recueil ont été réalisées peu après, probablement au cours de l’année 1699 et achevées au plus tard au début de l’année 1700. En effet, l’extension des jardins hauts, ordonnée par Louis XIV le 11 janvier 1700, apparaît en cours de réalisation sur les plans, tandis que la réduction des jets d’eau du Grand Bassin décidée le 6 avril 1700 n’apparaît pas. L’existence d’un troisième recueil contemporain, le Ve 13-rés, légèrement postérieur aux deux précédents (certaines planches datent de), plus détaillé et plus complet, pourrait appuyer cette hypothèse. On retrouve des planches analogues aux planches A, G et H : il s’agit des secteurs les plus boisés et donc présentant le moins de détails. Les principaux bassins et fontaines de la partie centrale et des bosquets sont dessinés sur huit planches complétées par un plan d’ensemble du Petit Parc et d’un plan général de la forêt. L’analogie entre le recueil Ve 13-rés et notre recueil concerne aussi les vues du château, de la Machine et de Saint-Germain. Malgré les similitudes, il ne s’agit pas non plus de copies mais de deux versions d’un projet d’album représentant les domaines royaux. Les quatre planches représentant le château et les pavillons de Marly correspondent aux planches numérotées 10, 11, 12 et 13 du Ve 13-rés. L’analogie entre les représentations prouve l’origine commune des deux recueils. Les différences portent principalement sur l’élévation du château avec deux états d’un projet décoratif. Les peintures en trompe-l’œil sont esquissées uniquement sur la planche du recueil Ve 13-rés dont l’état, plus proche du décor réalisé, semble postérieur. Le pavillon représenté en plan, en élévation et en profil, est le 5e pavillon du couchant. Ce pavillon a été aménagé pour les bains à partir de 1688. Comme pour la façade du château, le décor peint de la façade du pavillon des bains n’est pas représenté, mais il ne peut pas s’agir d’un projet datant de l’origine de Marly. En outre, le dessin du perron du château représente les passages en pente pour la roulette du roi, aménagement réalisé vers 1690. De même, l’installation de sculptures (vases, torchères, pots à feu) sur la balustrade du château et des pavillons de Marly n’a été décidée que vers 1690. Par contre, la vue du profil du château représente l’aménagement intérieur du salon, avec les cheminées et les miroirs, réalisé en 1699 : il s’agit toutefois d’un état de projet assez proche de l’état réalisé. Les imprécisions et les imperfections des vues architecturales, dans les deux recueils, indiquent que ces planches ont été en partie dessinées à partir de projets non réalisés. Ces dessins d’architecture ont été gravés par Nicolas de Fer, sur trois planches : l’une avec l’élévation et le profil du château, une autre avec le plan du château, enfin une troisième regroupe les vues du pavillon des bains avec en plus l’une des planches de la Machine, celle du dernier puisard. Les dessins gravés par de Fer sont ceux de notre recueil. Ces estampes ont connu diverses éditions au début du XVIIIe siècle. Deux vues de la machine de Marly (le plan général et le profil du dernier puisard) sont dans notre recueil tandis que le Ve 13-rés en contient 4 planches : un plan général, le profil du dernier puisard et deux profils de la machine sur la Seine. Le plan général Ve 13-rés est réduit à la moitié gauche de la planche du nôtre tandis que le profil du puisard est presque identique dans les deux. On peut donc supposer que notre recueil est incomplet ou inachevé. Ces vues de la Machine sont probablement de la fin du XVIIe siècle et assurément parmi les plus anciennes. Enfin, notre recueil contient deux planches représentant le château neuf de Saint-Germain bâti vers 1600, en élévation côté jardin et en plan. Ces vues sont similaires à d’autres planches du Ve 13-rés qui comporte aussi des vues du château vieux et du château du Val. Les 16 planches du recueil sont donc issues de plusieurs séries de plans comparables à ceux des Vms 73 et Ve 13-rés ; ces dessins ont probablement été réalisés par les Bâtiments du roi sous la direction de Jules Hardouin-Mansart. La constitution de ces recueils était probablement destinée à LOUIS XIV sous la forme d’un album relié. Les dessins des jardins de Marly de notre recueil peuvent donc dater du début de l’année 1700, les dessins d’architecture entre 1690 et 1699, les dessins de la Machine et de Saint-Germain de la fin du XVIIe siècle. Ils représentent un état des jardins et de l’architecture de Marly avec quelques projets non réalisés ou en cours d’exécution après vingt ans de travaux. L’ensemble a été placé dans une chemise-étui à dos de maroquin prune. Dimensions : 386 x 250 mm. Provenance : vente anonyme (Cat., Collection d’un grand amateur de dessins d’architecture, 2008, n° 48).