Lot n° 85

Guéroult Du Pas (P.-J.). Cartes, plans et vues des digues que le roi afait construire sur la Loire en Forez. [Circa 1714]. In-folio carré d'un frontispice et de 12 plans montés sur onglets (traces de trous), maroquin rouge, triple roulette

Estimation : 30.000-40.000
Adjudication : 50 000 €
Description
dorée autour des plats, fleur de lys couronnée en angle, armes au centre, titre frappé en lettres dorées, dos à nerfs orné d’une fleur de lys et d’un soleil plusieurs fois répétés, tranches dorées (reliure de l’époque). Intéressant recueil de dessins et de vues aquarellées, commandité au graveur et dessinateur Pierre-Jacob Guéroult du Pas (1654- 1740) par Charles-Henri de Malon (1678-1742), seigneur de Bercy, intendant des finances (1709-1715), grand-maître et directeur général des Ponts et Chaussées à partir de 1712, pour être présenté au roi. Document d’une grande valeur historique, illustrant parfaitement bien la politique instaurée par Colbert et poursuivie par Louvois, qui consista à doter la France d’un réseau de communication par terre ou par eau. Afin d’y parvenir, Colbert créa un vivier de techniciens, qui formèrent une véritable administration des Ponts et Chaussées, chargée en premier de la gestion des cours d’eau et de leur navigabilité, puis des chemins, ponts et chaussées. Depuis 1712, les Ponts et Chaussées avaient été attribués par Louis  XIV à l’intendant des finances, Charles-Henri Malon de Bercy. Ceci explique que Malon de Bercy ait demandé à Pierre-Jacob Guéroult du Pas, graveur et aquafortiste, de lui faire le relevé des travaux entrepris pour les digues du Pinay et de la Roche à partir de 1711. Guéroult avait, par ailleurs, une formation d’ingénieur des Ponts et Chaussées. Historique : Vers 1702, dans le cadre d’un programme de navigabilité entre Saint-Rambert et Roanne, les rochers encombrant le lit de la Loire dans les gorges roannaises furent détruits sur ordre royal par la compagnie Lagardette. Il en résulta un renforcement du courant dont la violence, lors des crues, menaçait directement Roanne dont les bas quartiers furent de nombreuses fois inondés. En 1707, 1709, 1710 et 1711, l’ampleur des catastrophes dues aux crues fut telle, que le Conseil du roi décida, sur les conseils des ingénieurs, l’érection de trois digues : l’une aux piles de Pinay, l’autre au château de la Roche, et la troisième près du village de Saint-Maurice (cette dernière ne sera jamais entreprise), et ce afin de briser la violence des eaux dans les gorges de la Loire en amont de Roanne. L’adjudication de ces ouvrages fut ordonnée par arrêt du Conseil, le 23 juin 1711. Les travaux furent confiés à Mathieu et Poictevin, appelés dans les années 1680 par Colbert en tant qu’ingénieurs et architectes attachés au service des Ponts et Chaussées. Lorsqu’elle fut achevée, on ne manqua pas d’affirmer à Louis XIV « qu’il venait d’ajouter une étoile à sa couronne d’immortalité » (cité dans Touchard-Lafosse, 1840, p. 367). La digue de Pinay, imposante dans sa forme en segment de cercle, fut commencée le 13 juillet 1711 et achevée en 1712, afin de régulariser le débit du fleuve en un passage rocheux particulièrement resserré. Elle se compose d’un môle en maçonnerie sur la droite et d’une culée à gauche, enracinés aux rochers des deux rives et ne laissant au fleuve qu’un passage large de 15 mètres qui, en temps de crue, est insuffisant pour assurer le passage de la masse des eaux, qui alors refluent en amont au-delà de Feurs, formant ainsi une réserve. En 1790, la digue fut endommagée par une crue et aucune campagne de restauration ne fut engagée. Abandonnée, les riverains s’en servirent comme d’une carrière. De ce fait, la crue de 1846 y fit de graves dégâts. Il fallut attendre 1860 pour qu’un programme de réhabilitation soit mis en œuvre. Elle fut alors restaurée et surélevée. En 1895, un pont joignant les deux culées fut construit. Elle est aujourd’hui noyée par le barrage. La digue de la Roche, longue de 44 m, est appareillée en parement de blocs de granit, avec un couronnement en pierres de taille maintenues par des tenons de fers, formant ainsi, en remplacement du pont-levis, un accès au château de la Roche, aujourd’hui propriété de l’EDF. Sur ces sujets, voir Touchard-Lafosse (G.), La Loire historique, pittoresque et biographique..., Nantes, 1840 ; Vignon (E.-M.), Études historiques sur l’administration des voies publiques en France au XVIIIe siècle, Paris, 1862 ; Gras (L.-G.), Le Forez et le Jarez naviguables, Saint-Étienne, 1920. Illustration : 1. Frontispice allégorique sur fond de paysage figurant un passage de la Loire avec une digue, et le dieu Hermès guidant un groupe de femmes et d’enfants. Hermès est le dieu des chemins et des voyageurs. Ce frontispice aquarellé est peint par une main différente (artiste non identifié) du reste des planches aquarellées et date sans doute du moment où l’on a choisi de relier l’ensemble. Le tissu déployé et soutenu par l’ange au clairon aurait sans doute dû accueillir une inscription. 2. Douze vues aquarellées dessinées et peintes par Pierre-Jacob Guéroult du Pas , peintre et aquafortiste né à Toulon en 1654, mort en 1740, qui signa «  Guéroult  » et «  Dupas  » et qui publia, entre autres, un Recueil de Veues de tous les différens bastimens de la Mer Méditerranée et de l’Océan, Paris, 1710. Cet ouvrage nous apprend que Guéroult du Pas fut aussi ingénieur des Ponts et chaussées, ce qui explique son soin et la précision dans la représentation des digues et travaux réalisés à Pinay et au château de la Roche. L’œuvre gravé de Pierre-Jacob Guéroult du Pas est décrit dans Bruand (Y.) et Hébert (M.), Inventaire du fonds français. Graveurs du XVIIIe siècle, Paris, 1970, pp. 83-91. On notera que Guéroult du Pas a gravé et dédié à Charles-Henri de Malon des « Vues des maisons royales et des plus beaux endroits de Paris et de ses environs », dont une « Veüe de Charenton » (datée 1710), et le « Château de Bercy » (daté 1710) : « […] Présenté à Monsieur de Bercy, conseiller d’Estat, Intendant des Finances...  » (voir Inventaire du fonds français (1970), p. 89). Guéroult du Pas était donc connu et employé de M. Malon de Bercy, au moins dès 1710. Les vues comprennent une carte dépliante du cours de la Loire entre Balbigny et Roanne, avec un cartouche aux armes de France et de celles des Malon de Bercy et deux vues, l’une de Perron, et l’autre de Villerest et Vernay, petits villages en bordure du fleuve. Le reste des vues se compose d’une grande vue aquarellée de Roanne du côté du port, et de 9 aquarelles représentant les digues de Pinay et de la Roche ainsi que leurs alentours. Chacune de ces vues est animée de personnages (ingénieurs, terrassiers, maçons, curieux...) occupés à leurs tâches, huit d’entre elles sont signées « Guéroult ». Reliée à la fin, une dernière planche, bien que signée « Guéroult », est à part et présente une « Vue de Chailly », bourgade située entre Paris et Fontainebleau (datée 1714). Sur Guéroult du Pas, voir Bénézit, Dictionnaire critique et documentaire des peintres, sculpteurs..., VI, 1999, p. 540 ; Bruand et Hébert, Inventaire du fonds français. Graveurs du XVIIIe siècle, Paris, 1970, pp. 83-91 ; Basan (F.), Dictionnaire des graveurs, Paris, 1789, p. 256 ; Dally (P.), Catalogue de l’œuvre de Guéroult du Pas, 1913 (qui devait paraître dans le Bulletin de la Société d’iconographie parisienne (1914), mais qui est demeuré à l’état dactylographié, voir Paris, Cabinet des estampes, YB 2151 (4)) ; Svedberg-Aubry (B.), « L’Œuvre de J. Guéroult du Pas », in Société d’iconographie parisienne, nouvelle série, 1930, pp. 40-47 et planches 28-33. On ne connaît pas de catalogue raisonné de l’œuvre dessiné de Guéroult du Pas, mais certains dessins ont été cédé sur le marché de l’art et on trouve au Muséum d’histoire naturelle, à Paris, une «  Liste des plantes dessinées de grandeur naturelle par P.-J. Guéroult du Pas, ancien ingénieur à Alençon. 1740 » (MS 228). Dimensions : 484 x 455 mm. Provenance : L’ouvrage a été commandité par Charles-Henri Malon (1678-1742), seigneur de Bercy, intendant des finances en 1709 à 1715. On trouve ses armoiries (d’azur à trois canettes ou merlettes d’or) associées à celles de France dans le cartouche de la « Carte du cours de la Loire » après le frontispice allégorique. Charles-Henri Maslon, ou Malon, était le fils de Anne-Louis-Jules de Malon (), filleul de Louis XIV, chevalier et seigneur de Bercy, Conflans, Charenton et des Carrières, intendant en Auvergne en 1683, et en Bourbonnais et à Lyon en 1684. Il est à noter que le père du commanditaire des planches était donc attaché à la région du Bourbonnais et du Lyonnais de par sa fonction d’intendant. Relié aux armes de France, l’ensemble semble avoir été destiné à être présenté au roi Louis XIV, qui mourut en 1715. Les plats et le dos sont ornés des armes et des pièces d’armes de Louis XIV. Il est possible que des vues aient pu être anciennement distraites du recueil, certains onglets paraissant libres. Olivier, pl. 2494, fer n° 14 (dans le collier l’un des H est remplacé, à gauche, par un L).
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