Lot n° 86

Vauban (S. Le Prestre, marquis de). Traité de l’attaque et de la défense des places. [Ca 1718], manuscrit in-folio d’un frontispice peint, un f. de dédicace, 414 pages, un f. bl. et 33 planches dépliantes aquarellées, maroquin rouge, double

Estimation : 25.000-35.000
Adjudication : 25 500 €
Description
encadrement doré autour des plats avec écoinçon en angle, armes au centre, dos à nerfs orné, roulette intérieure dorée, tranches dorées sur marbrure (reliure de l’époque). Manuscrit de première importance du Traité de l’attaque et de la défense des places, offert à Claude Le Blanc (1669-1728), secrétaire d’État à la Guerre de Louis XV. Ce célèbre traité de fortification bastionnée a joui d’une fortune considérable jusqu’à aujourd’hui, autant en raison de son apport à l’art de la guerre qu’au patrimoine urbain. Il fut rédigé à la demande de Louis XIV pour l’instruction du duc de Bourgogne, son petit-fils, par Sébastien Le Prestre de Vauban (1633-1707), et présenté au roi en 1704. Il s’agit d’un remaniement complet et d’une prolongation du Mémoire pour servir d’instruction à la conduite des sièges que lui avait commandé Louvois vers 1670. Vauban livre dans son traité toute son expérience acquise lors de sa participation à de très nombreux sièges. Il rend compte de ses innovations scientifiques et techniques en les rationalisant et, par le même coup, fait de son traité une des premières grandes œuvres militaires didactiques, préfigurant ainsi les encyclopédistes. Avec son traité, on peut dire que Vauban s’affirma comme un véritable architecte militaire, doublé d’un homme de guerre qui sut mettre ses choix stratégiques au service du pouvoir politique. Louis XIV, Louvois et Colbert purent compter sur ce stratège de talent qui œuvra sans relâche lors des guerres de sièges pour la conservation de l’État en protégeant les frontières. Sa solide formation s’était faite sur le terrain et, après avoir sillonné la France, il fut promu, à 45 ans, commissaire général des fortifications. Il s’imprégna des travaux de ses prédécesseurs (Errard (v. n° 32), Marollais, Fritasch, Stevin, Dogen, Sardy, Fabre, Du Tertre, le Père Bourdin). En réalité, il fut surtout en contact, tout comme son maître, le chevalier de Clerville, avec les travaux d’Antoine de Ville, du comte Blaise de Pagan et d’Allain Manesson-Mallet, dont les célèbres Travaux de Mars (Paris, L’Auteur, 1671) l’influencèrent beaucoup. Les théories du maréchal de Vauban furent très tôt discutées, notamment par l’abbé Du Fay (v. n° 69), auteur d’une Manière de fortifier selon la méthode de M. de Vauban (Paris, Coignard, 1681) et aussi par Leonhard Christoph Sturm dans Le Véritable Vauban se montrant au lieu du faux Vauban… (La Haye, Wilt, 1708). On trouve également une traduction anglaise précoce de sa Manière de fortifier (The New Method of Fortification, London, printed for Abel Swall, 1691). Mais l’homme qui lui manifesta la plus grande opposition fut son homologue flamand, Menno van Coehoorn (1641-1704), qu’il combattit au siège de Namur, en 1692. Coehoorn, lui aussi, montra son aptitude didactique en publiant, deux ans après le Traité de Vauban, sa Nouvelle Fortification (La Haye, Van Bulderen, 1706). En 1737, Pierre de Hondt reçut enfin L’AUTORISATION DU POUVOIR ROYAL D’IMPRIMER LE FAMEUX MANUSCRIT, jusqu’alors resté en partie confidentiel pour des raisons stratégiques. Il connaîtra des traductions dans pas moins de quinze langues différentes. Le manuscrit s’ouvre sur une préface adressée à Claude Le Blanc signée Mairon Demonfort : «  Voici un Traité… que j’ay recueilly sur celui de Monsieur le maréchal de Vauban ». Il se permet de lui présenter « comme les prémisses de [son] travail dans le genre de la fortiffication… », puis suivent les deux textes distincts : De l’attaque des places (pp. 1 à 363) et De la défense des places (pp. 365 à 414). Le livre de L’Attaque des places compte au total 25 chapitres : I. De la résolution… (p. 1) ; II. De l’investiture… (p. 6) ; III. Des choses… (p. 10) ; IV. Des préparatifs… (p. 17) ; V. Des observations… (p. 38) ; VI. De l’ouverture… (p. 67) ; VII. De la sape… (p. 83) ; VIII. Des lignes (p. 95) ; IX. Moyen de prévenir… (p. 108) ; X. Des batteries… (p. 131) ; XI. Des batteries… (p. 153) ; XII. Continuation… (p. 160) ; XIII. De la prise… (p. 164) ; XIV. De la descente… (p. 182) ; XV. De la prise… (p. 186) ; XVI. Du passage… (p. 196) ; XVII. Des mines… (p. 217) ; XVIII. De la poudre… (p. 218) ; XIX. Manière de… (p. 230) ; XX. De l’attachement… (p. 244) ; XXI. Des différentes… (p. 255) ; XXII. De l’attaque… (p. 271, en 8 exemples) ; XXIII. Des fonctions… (p. 314) ; XXIV. De la manière… (p. 322) ; XXV. Récapitulation… et règles ou maximes (p. 346) ; Table (pp. 360- 363). Le livre de La Défense des places est la seconde partie du Traité des sièges. Il est attribué à Guillaume de Lafon de Boisguérin (1621-1693), alias Deshoulières. Ingénieur ordinaire du roi en 1644, il devint gentilhomme ordinaire du prince de Condé, alors que Vauban était à cette époque cadet dans le régiment de ce même prince. Deshoulières servit à Belle-Île, dans les places des Pyrénées occidentales et de la Méditerranée, à Bayonne, Rochefort et jusqu’à Toulon. Ce discours contient VII chapitres : I. Des précautions… (p. 367) ; II. De la ligne… (p. 376) ; III. Des sorties… (p. 379) ; IV. De la défense… (p. 386) ; V. De la défense… (p. 397) ; VI. De la défense… (pp. 403 à 414). L’iconographie est composée d’un frontispice peint et de 33 planches dépliantes hors-texte finement aquarellées. Au regard des autres exemplaires connus, ces planches ont conservé une fraîcheur peu commune. Le soin apporté à l’illustration, notamment dans les paysages (v. pl. XVIII) et pour les légendes (v. pl. XXII), ne se retrouve dans aucun autre manuscrit consulté. Comparativement à ces derniers, les planches sont plus soignées et les couleurs plus diversifiées. Pratiquement toutes les planches bénéficient de toises et de légendes détaillées. Certaines d’entre elles sont divisées en plusieurs parties représentant les différents aspects d’une même opération (v. pl. XIV, XV, XVIII, XIX). Bien qu’anonymes, on peut supposer qu’elles ont été exécutées par un ingénieur-géographe de renom, comme cela était la coutume. En voici le détail : I. Partie d’un camp retranché ; II. Profils généraux pour toutes les lignes ; III. Portes et barrières des lignes ; IV. Machines et outils qui doivent se trouver dans le parc ; V. Attaques régulières en terrain uni ; VI. Attaques régulières. La tranchée ouverte ; VII. Les sapes ; VIII. Les places d’armes ; IX. Batteries de canon ; X. Batteries de mortiers ; XI. Suite attaques (pl. V et VI) ; XII. Les traverses ; XIII. Cavalier de tranchée ; XIV. Descentes des fossez ; XV. Des effets de la poudre ; Suppl. pl. XV. Vue de front d’une mine. Profil en travers d’une mine ; XVII. Profil pour faire voir l’attachement du mineur ; XVIII. Différentes sortes de mines ; XIX. Différentes sortes de mines ; XX. Attaque d’un ouvrage à corne sur la capitale d’un bastion ; XXI. Suite des attaques d’un ouvrage à corne placé sur un bastion ; XXII. Deux exemples. Attaque d’un ouvrage à corne placé sur une courtine ; XXIII. Suite des attaques d’un ouvrage à corne placé sur une courtine ; XXIV. Attaque d’une place entourée de fausses brayes ; XXV. Trois exemples. Attaque d’une place entourée de fausses brayes ; XXVI. Attaque d’une vieille place ; XXVII. 4e exemple. Attaque d’une place entourée d’une vieille enceinte couverte de dehors à la moderne ; XXVIII. 5e exemple. Attaque d’une place située dans un marais ; XIX. 6e exemple. Attaque d’une place située à une hauteur qui n’est accessible que par une avenue étroite et difficile ; XXX. Attaque de Clermont ; XXXI. 7e exemple. Attaque d’une place fortifiée de tours bastionnées ; XXXII. Suite de l’attaque d’une place fortifiée de tours bastionnées ; XXXIII. Profils pour servir à la construction des lignes contre les secours. Localisations : On recense une quinzaine d’exemplaires du Traité de l’attaque des places dans les collections publiques françaises (SHAT, Vincennes ; ESG, École militaire ; Arsenal, Paris ; Sénat, Paris ; Musée de la Marine, Paris ; BM de Lyon ; BM d’Angers ; BM de Versailles). Parmi ces manuscrits, deux seulement sont datables de la même époque. Le manuscrit officiel, conservé au château de Vincennes, signé de la main de Vauban, aux armes de France, est comparable au nôtre en qualité. En France, une dizaine de manuscrits datant de la même époque que le nôtre sont passés en vente durant les cinquante dernières années. Exemplaire de présent pour Claude Le Blanc, membre du conseil de la guerre en 1716, secrétaire d’État à la Guerre de Louis XV, de 1718 à 1723, puis de 1726 à 1728. Impliqué dans une affaire d’extorsion de fonds à cause de La Jonchère, trésorier de l’extraordinaire des guerres, Le Blanc dut donner sa démission et fut embastillé le 1er juillet 1723. Après la chute du duc de Bourbon, il fut réhabilité et reprit ses fonctions jusqu’à sa mort. Le dos a été refait à la fin du XVIIIe ou au début du XIXe siècle. Dimensions : 383 x 251 mm. Provenances : mentions manuscrites de deux mains différentes, « C 5 » et « CPWB » ; bibliothèque du baron William August Fraser (1826-1898), homme politique britannique (Cat., Londres, 22-30 avril 1901, n° 1743, « Vauban. Traité des sièges. De l’Attaque et Défense des Places par le Maréchal de Vauban ; jusqu’en l’année 1714, recueilli par Mairon de Demonsort et dédié au Monseigneur Le Blanc, secrétaire d’État, Etc. MANUSCRIT (414 pp.) with emblematical title in water-colours, and 33 original drawings of fortifications, plans of sieges et defences, etc., dedication copy to Le Blanc, in old French red morocco, with gilt tooled lines and fleurons, g. e. and arms of Le Blanc on sides, and emblazoned coat on title. Folio []). British Biography Index, München, Saur, 1998, vol. 3 ; Pujo (B.), Vauban, Albin Michel, 1991 ; Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France, Plon, 1894 ; Plans de fortifications et de batailles. Catalogue de la collection Auclair, Bourges, Conseil général du Cher, 2000 ; Portefeuilles de plans : projets et dessins d’ingénieurs militaires en Europe du XVIe au XIXe siècle, Bourges, Conseil général du Cher, 2001 ; Blanchard (A.), Dictionnaire des ingénieurs militaires 1691- 1791, Montpellier, s.n., 1981 ; Rocolle (P.), 2 000 ans de fortification française, Lavauzelle, 1989 ; Vauban, sa famille et ses écrits, Berger-Levrault, 1910 ; Vauban, sa vie, son œuvre, Association des amis de la Maison Vauban, 1984.
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