Lot n° 15

HEYWOOD, John. The Spider and the Flie. A Parable of the Spider and the Flie, made by John Heywood. London, Tho. Powell, 1556. Petit in-4 de (220) ff. : maroquin rouge, dos à nerfs orné, décor doré sur les plats montrant, dans un encadrement...

Estimation : 10000 / 15000
Adjudication : 22 000 €
Description
octogonal, une toile avec au centre une araignée mosaïquée de maroquin
olive et, aux angles, quatre mouches dans des cartouches triangulaires, dentelle intérieure,
coupes filetées or, tranches marbrées (De Samblancx & Weckesser).
Édition originale.
Un des livres illustrés les plus curieux de la Renaissance anglaise.
Remarquable suite de bois gravés comprenant un titre dans un encadrement architectural, un portrait
de l’auteur et 98 figures allégoriques (certaines répétées) évoquant la guerre entre les araignées et les
mouches. La plupart de ces bois occupent les deux tiers de la page, quelques-uns sont tirés à pleine
page. Les bois à pleine page montrant l’armée des mouches, un pullulement d’insectes d’un graphisme
parfois délirant, sont particulièrement impressionnants.
La guerre des mouches et des araignées : une allégorie des troubles religieux
dans l’Angleterre des Tudor, à partir du schisme avec Rome en 1533.
Dramaturge et poète, John Heywood (1497-1580) fut l’un des principaux témoins de la période
de troubles politiques et religieux qui agitèrent l’Angleterre au milieu du XVIe siècle.
En effet, dans l’impossibilité d’obtenir un héritier mâle de Catherine d’Aragon, le roi Henry
VIII épousa en 1533 Anne Boleyn et reconnut la fille qu’ils avaient eue ensemble (la future reine
Elizabeth). En annulant sa première union, il priva du même coup sa fille Mary du titre de princesse
et de son droit au trône. Ce remariage, célébré contre l’avis du pape Clément VII, précipita la rupture
entre la couronne d’Angleterre et l’Église de Rome.
Dès cette époque, John Heywood – rangé aux côtés de Thomas More, dont il avait épousé la nièce –
avait mis sa plume au service des partisans de Rome contre Cromwell et les Réformateurs.
En 1533, il dédia sa ballade “Give place ye ladies” à la princesse Mary. Cette dernière accéda
finalement au trône en 1553, après la mort de son père et de son demi-frère Edward, et rétablit
la religion catholique. Débuta alors une nouvelle période de troubles : les cinq ans de règne de
Bloody Mary (1553-1558) furent marqués par un retour en force du catholicisme célébré par
John Heywood dans son étrange livre.
Sous la forme d’une fable ou d’une “parabole”, comme Heywood la nomme lui-même,
The Spider and the Flie narre la rébellion des mouches (les catholiques en place) contre les araignées
(les protestants prétendant au trône). Si les mouches commencent par perdre, le chef des araignées
est finalement tué, et ses toiles détruites par la reine Mary, “the Merciful Maiden”.
John Heywood commença la rédaction du poème dès 1536, soit vingt ans avant sa publication,
afin de préparer la princesse Mary à l’exercice du pouvoir. Mais l’annulation du mariage de ses
parents, ainsi que les naissances successives de ses demi-frères et soeurs, rendirent aléatoire
l’accession de Mary au trône. Quand son ancienne élève devint reine, deux décennies plus tard,
Heywood réajusta, acheva et adapta son poème au lectorat, bien plus large, d’un pays aux prises
avec de nombreuses révoltes.
The Spider and the Flie rencontra peu de succès lors de sa publication et fut presque oublié durant les
siècles suivants jusqu’à sa réimpression en 1894. Cet oubli est sans doute en grande partie dû au fait
qu’Heywood prit fait et cause pour le camp catholique. Lors du rétablissement de la religion réformée
par Elizabeth, il s’exila en France.
Son poème est désormais réapprécié tant pour son illustration extravagante que pour le témoignage
historique qu’il constitue sur les Tudor. De même, il exerça une grande influence sur l’anglais
littéraire, cinquante ans avant les premières pièces de Shakespeare. La critique moderne considère
l’oeuvre de Heywood comme un lien entre les pièces morales du théâtre médiéval et les drames
séculiers de Marlowe et de Shakespeare, une source du drame élisabéthain.
Rare exemplaire complet, dans une reliure décorée de De Samblancx & Weckesser.
Petite restauration marginale au titre avec reprise d’une partie de la bordure ; second feuillet
réenmargé avec perte de deux mots ; quelques feuillets rognés très court ; les feuillets I2 et I3 sont
légèrement plus courts. Ces défauts sont mineurs : les quelques exemplaires apparus sur le marché
depuis trente ans étaient en piteuse condition, souvent incomplets et très restaurés.
Provenance : Amor L. Hollingsworth, avec ex-libris (Boston, C.F. Libbie, 12 avril 1910, n° 884).-
Librairie Goodspeed, 1973.- Arthur & Charlotte Vershbow (cat. New York, 2013, nº 205).
A Catalogue of the Printed Books collected by Henry Huth, London, 1880, I, pp. 685-686.- Rice Henderson, John Heywood’s
The Spider and the Flie: Educating Queen and Country, University of North Carolina Press, 1999.- Pforzheimer, 469 : “The illustrations
and decorations as well as the general typographical excellence make this book outstanding among English work of the time.”
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