Lot n° 94

Paul GÉRALDY (1885-1983). 192 L.A.S., Paris et Guerrevieille-Beauvallon (Var)s.d., [à Marcel Thiébaut, de la Revue de Paris] ; 375 pages in-4 et in-8.

Estimation : 1 000 / 1 200
Adjudication : 1200 €
Description
Importante et remarquable correspondance amicale et littéraire, pleine d’érudition, commentant avec beaucoup de verve ses lectures et le monde littéraire, son travail d’écriture, ses états d’âme, ses publications et celles de ses amis écrivains, comme Colette qu’il évoque et fréquente régulièrement. Nous ne pouvons en donner que deux exemples. « Le bouddhisme ici pour moi ? Un étrange état en tout cas, quelque chose de ralenti, de quelquefois assez intense, mais à arrière-goût de mort, un état qui me rappelle très précisément mes dix-huit, dix-neuf ans, où seul, avide, ennuyé, tendu vers tout, ne touchant rien, je m’écoeurais de moi-même. Le paradoxe d’être ici, dans ce paysage de vacances, entouré de barbelés, de blockhaus, d’artillerie, de troupes et menacé d’expulsion naturellement, mais très calme, extraordinairement calme, et plantant mes petits pois et mes pommes de terre, et brûlant mes feuilles mortes (mes aiguilles de pins mortes), et courant les campagnes pour un peu de viande, pour un peu de vin, et ruminant le pas et la mort, devenu étrangement présent. Certes ce comique de Claudel est inacceptable. Il est en béton armé. Et nous sommes d’accord sur tout. Dès qu’on nous emmène loin et haut, votre sens critique tombe. Nous sommes indulgents et contents. Intense volupté d’admirer. C’est le contraire de tout ce que j’aime forme et matière – mais ça m’a fait un énorme plaisir, musical. Est-ce qu’il n’y a pas là-dessus une grande influence japonaise ? Est-ce qu’il n’y a pas des images comme ça dans le vieux théâtre japonais ?... Un peu de pluie. Trop peu de talent... Et cette manie de chercher l’esprit en dehors de la chair ! C’est les réconcilier qu’il faut ! Monter très haut mais garder la chair comme moyen d’expression. Ne pas opposer Dieu et la vie. Faire servir la vie à l’expression de Dieu. Toucher Dieu pour la vie »... « Montherlant m’avait écrit qu’il écrivait une pièce à trois personnages. Je m’étais dit : “Je lui souhaite bien du plaisir ! Il verra ça !” Toujours l’antagonisme des écrivains et des auteurs dramatiques. Le théâtre n’est pas (j’exagère à peine et même je ne suis pas sûr d’exagérer du tout), un genre littéraire. Vous me répondrez : Racine. Mais on pourrait dire – et ce serait à peine un paradoxe – que Racine n’est pas littéraire. Il n’est pas plus littéraire que les Évangiles ne sont littéraires. Giraudoux dit que les mots et Racine sont tous comme le mot pain ou le mot eau »...
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