Lot n° 202

Romain ROLLAND. 6 L.A.S., 1910-1921, à Maurice Pottecher ; 11 pages et demie la plupart in-8 (une au dos d’une carte postale illustrée représentant le lac des Quatre Cantons).

Estimation : 800 / 1000
Adjudication : 1800 €
Description
Belles lettres à son ami Maurice Pottecher, auteur dramatique et créateur du Théâtre du Peuple à Bussang (Vosges). [Paris] 11 octobre 1910. Il a seulement parcouru sa dernière pièce, mais cela suffit pour l’en féliciter. Lui-même a peu travaillé, ces vacances : « je subis de temps en temps des assauts de Malinconia. La formidable crise morale du temps présent, tout ce vieux monde qui craque, cette tempête qui nous emporte vers un avenir vertigineux, – il y a de quoi donner la fièvre »... Il compte passer l’année à lire et à se recueillir, il ne sait où : la « Potinière » parisienne, « où les petits amours-propres, les petites rancunes, les petites polémiques personnelles, les réclames éhontées, priment l’art véritable », le répugne. « J’ai eu aussi à subir beaucoup de petites méchancetés de la part des critiques musicaux. Ils ne me pardonnent pas La Foire sur la place »... Il explique pourquoi il a refusé la critique musicale à Excelsior... Par ailleurs, Jean-Christophe aussi « passe par une crise »... 8 novembre [1910]. Toujours alité, il souffre beaucoup : « L’examen radiographique a révélé des dégâts plus importants qu’on n’avait cru d’abord. La partie supérieure de l’humérus gauche est en miettes ; et la jambe gauche est aussi fort abîmée. Je suis condamné à l’immobilité pour assez longtemps encore »... [Genève] 16 février 1916. « Ne croyez pas que je m’affecte des attaques contre moi, (comme ma pauvre maman). D’abord, je reçois tant d’encouragements, et de tous les pays, à commencer par le mien, que je serais véritablement un ingrat de me plaindre. Et de plus je n’ai aucune inquiétude sur l’opinion future. Je voudrais hélas ! n’avoir pas plus d’inquiétudes pour mon pays que pour moi. Ma pensée, bien loin d’être ébranlée, s’est encore raffermie depuis que j’ai écrit : Au-dessus de la mêlée »... Il a assisté la veille au meeting de la mission Ford et causé avec quelques délégués. Tout ce qu’on en dit dans la presse est faux : « aucun obstacle n’est capable d’arrêter ces hommes énergiques, ces idéalistes de bonne trempe, qui ont l’habitude des réalités, et disposent de moyens puissants. [...] Vous ne pouvez savoir le bonheur que j’ai eu à les entendre parler. On ne sait plus en Europe ce que c’est qu’un homme libre, avant d’avoir causé avec un de ces citoyens de la grande République. Je doute que je finisse mes jours, de ce côté des mers »... 18 novembre 1918. « En ces jours de bruyante délivrance, ma pensée va aux deuils et aux peines qui ont payé la joie présente, et qu’elle ne paiera jamais. Avant tous, c’est à vous qu’elle va. Un mot seulement pour vous dire que je vous aime bien, – vous et lui »... 13 juillet 1920. Il aime beaucoup le nouveau livre de son ami. « Oui, nous savons, mieux que personne, que le rire est une forme du courage et de la liberté. La liberté de l’âme, qui domine la cruelle sottise du monde et notre propre douleur »... Schoeneck sur Beckenried 7 août 1921. « En ce jour de réouverture du vieux théâtre, – auquel sont attachés tant de vos souvenirs (et aussi, des miens) ma pensée affectueuse s’en va vers vous. Puisse ce jour d’été splendide marquer la date d’une ère féconde, glorieuse pour le Théâtre du Peuple, – et surtout bienfaisante et sereine pour ceux qui en ont toujours été l’âme [...]. Je n’oublie pas quel courage il leur a fallu pour rebâtir l’œuvre et reprendre l’action »...
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