Lot n° 275

[Guerre 1870/1871 – Commune de Paris] Louise MICHEL (1830-1905), dite la vierge rouge de la Commune, l’une des grandes figures communardes, institutrice et militante anarchiste, 2 pièces.

Estimation : 1000 / 1500
Adjudication : Invendu
Description
L.A.S., 3 pages in-4, [écrite du camp de prisonniers de Satory], adressée à « Monsieur le capitaine chargé des papiers des détenus », écrite au crayon graphite. Belle lettre de militante, de soutien aux « ambulancières » de Montmartre et à son amie Julia Béatrix Euvrie : « Dans le cas où Béatrix Euvrie arrêtée le 26 juin à Montmartre (après avoir été une première fois reconnue innocente et mise en liberté) présentement au dépôt de la préfecture cellule 3 ; mais qu’on va sans doute envoyer ici. Serait accusée de s’être occupée d’ambulances. Je certifie à la justice militaire pour elle et pour d’autres ambulancières du 18e arrondissement que c’est moi qui depuis le 4 septembre jusqu’au jour de l’entrée de l’armée de Versailles les ai engagées à s’occuper d’ambulances, d’asiles de travail, 1/ cherchant à établir des ambulances volantes peu coûteuses mais donnant aux blessés les soins qui les sauvent souvent. Ces dames ne se sont occupées que d’envoyer linge ou médicament. 2/ établissant à peu de frais des asiles où les petits enfants étaient nourris et habillés 3/ établissant entre les travailleurs et ceux qui ont besoin de faire travailler des rapports directs qui suppriment les entrepreneurs. Je certifie de plus que Béatrix Euvrie n’a jamais suivi les bataillons fédérés et ne s’occupait que du linge des ambulances ou autres choses de ce genre, comme une foule d’autres dames. Enfin elle avait été une première fois reconnue innocente et mise en liberté, Mme Jules Simon s’intéresse à elle, c’est en venant de la remercier qu’elle a été arrêtée de nouveau sur une dénonciation. Je déclare donc que les accusations portées contre plusieurs femmes de Montmartre comme ambulancières doivent plutôt être imputées à moi qui ai tout commencé. Il m’en arrivera ce qu’on voudra mais chaque fois que j’ai crié en avant j’ai passé la première et je revendiquerai aussi bien la part d’accusation qui m’appartient, que je prenais la place d’un mort quand je disais certaines positions tenables. Faites de moi tout ce que vous voudrez, mais ne me confondez pas avec ceux qui pérorent et n’agissent pas. Je vous le répète celle qui comme moi ont agi vous le diront… ». – L.A.S., Paris, 55 boulevard Barbès, 8 décembre 1895, adressée à Ernest ROCHE (1850-1917), ouvrier graveur, blanquiste et socialiste, secrétaire de la chambre syndicale des mécaniciens, 1 page in-8 avec enveloppe : « Mon cher Roche, Camelot du syndicat des cochers a écrit au citoyen Jaurès il y a bientôt quinze jours il lui demandait s’il croyait possible aux amis socialistes de se réunir pour lui avancer un cautionnement… » [De retour de son exil de Londres depuis le 13 novembre 1895].

En septembre 1870, après la chute du Second Empire, Louise Michel participe au Comité de vigilance des citoyennes du 18e arrondissement de Paris dont elle est élue présidente ; elle y rencontre Théophile Ferré frère de Marie Ferré, dont elle tombe passionnément amoureuse. Dans Paris affamé, elle crée une cantine pour ses élèves. Elle rencontre Georges Clemenceau, maire de Montmartre. On assiste alors à d’étonnantes manifestations : femmes, enfants, gardes fédérés entourent les soldats qui fraternisent avec cette foule joyeuse et pacifique. Louise Michel fait alors partie de l’aile révolutionnaire la plus radicale aux côtés des anarchistes, et pense qu’il faut poursuivre l’offensive sur Versailles pour dissoudre le gouvernement d’Adolphe Thiers qui n’a alors que peu de troupes. Elle est même volontaire pour se rendre seule à Versailles et tuer Thiers. Elle n’est pas suivie et le projet avorte.
À quarante ans, membre du Comité de vigilance de Montmartre, Louise Michel est très active lors de la Commune de Paris. Propagandiste, garde au 61e bataillon de Montmartre, ambulancière, et combattante, elle anime aussi le Club de la Révolution à l'église Saint-Bernard de la Chapelle. Les 17 et 18 mars, elle participe activement à l'affaire des canons de la garde nationale sur la butte Montmartre. En avril-mai, lors des assauts versaillais contre la Commune, elle participe aux batailles de Clamart, Issy-les-Moulineaux, Neuilly. Sur la barricade de Clignancourt, en mai, elle participe au combat de rue dans lequel elle tire ses derniers coups de feu ; elle se rend pour faire libérer sa mère, arrêtée à sa place. Louise Michel a été détenue au camp de Satory près de Versailles. Elle assiste alors aux exécutions et voit mourir ses amis, parmi lesquels son ami Théophile Ferré (exécuté avec l’ancien ministre de la Guerre de la Commune, Louis Rossel). Entre 1871 et 1873, elle passe vingt mois en détention à l'abbaye d'Auberive (transformée en prison) et se voit condamnée à la déportation. C’est le temps où la presse versaillaise la nomme « la Louve avide de sang » ou « la Bonne Louise ».
Julia Béatrix Euvrie, originaire de la Manche monte à Paris pour y épouser un imprimeur nommé Excoffon. C'est sous ce nom de Béatrix Excoffon que les récits de la Commune nous la font connaître. Elle est l’une des femmes les plus énergiques de cette époque troublée. Responsable d’une ambulance mobile, elle n’hésite pas à traverser les lignes versaillaises pour porter secours aux combattants du fort d’Issy. Lors de la semaine sanglante, elle est sur les barricades pour soigner les blessés. Finalement capturée, elle est incarcérée à Satory avec d’autres femmes, dont Louise Michel, qui va la prendre sous sa protection et restera son amie, malgré des relations orageuses. Condamnée à la déportation, elle voit finalement sa peine commuée à dix ans de détention. Libérée en 1878, elle continue à militer pour ses idées, aux côtés notamment de la Vierge rouge, qu’elle accompagnera à sa dernière demeure en janvier 1905.
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