Lot n° 91

George SAND L.A.S. « George S », Nohant 22 décembre 1848, [à Augustine Brohan] ; 4 pages in-8 à son chiffre.

Estimation : 600 / 800
Adjudication : 880 €
Description
Belle lettre à la comédienne, sur sa pièce François le Champi. [Augustine Brohan (1824-1893), de
la Comédie-Française, était la maîtresse d’Étienne Arago. François le Champi, pièce que George
Sand avait tirée de son roman, sera finalement créé, à la suite de retards et de malentendus,
non à la Comédie-Française, mais à l’Odéon le 23 novembre 1849.]
« Mon bel oiseau rose, j’ai redemandé le Champi à Étienne [Arago] sous prétexte d’y faire des corrections importantes. Il l’a cru, ou ne l’a pas cru, mais il l’a rendu. […] Il n’ira pas vérifier sur la copie du manuscrit que je vais vous faire remettre, si le texte est changé, d’autant plus qu’il n’a peut-être jamais eu le tems de lire l’original. […] Si vous n’eussiez pas été en cause, je n’aurais pas pris de détours avec lui. Je lui aurais dit tout bonnement que je craignais qu’il n’eût pas le tems de penser à une comédie au milieu d’une telle crise politique.
Mais j’ai dû prendre ce biais pour ne pas l’irriter contre vous, dans un moment où vous me disiez qu’il
n’était plus bon père. Il en reviendra, j’en suis sûre, et mieux que personne, vous le ramènerez. Et puis il était nécessaire d’avoir une copie, car ce manuscrit unique, passant de main en main, pouvait s’égarer. C’eût été une petite perte pour l’art, mais peut-être une petite contrariété pour vous. […] Reprenez donc possession de votre comédie et faites-en ce que vous voudrez. Laissez-la dormir si vous avez quelque chose de mieux approprié aux circonstances, exhumez-la si vous pensez qu’elle ne vous amènera pas un fiasco. Faites-y tous les changements que vous et Mr Regnier jugerez nécessaires. Peut-être que si mon nom pouvait n’être pas prononcé, elle rencontrerait moins d’obstacles. Peut-être aussi passera-t-il inaperçu dans ce moment. Agissez selon votre inspiration et votre bon plaisir ».
Elle a lu les grands éloges de la presse sur l’actrice : « S’il vous arrive de tourner la tête au président, rendez-le très républicain, vous aurez bien mérité de la patrie. Je ne sais rien de ce que vous appelez votre pétrin dramatique, r’aurez-vous Rachel ? la redemandez-vous ? […] S’il vous arrivait d’abandonner les Français je vous suivrais avec mon Champi et l’avenir, si le Champi ne tombe pas.
Augustine aimerait être à Nohant : « Le repos après l’orage est le lot des vieux, et vous n’y avez pas encore droit. Je voudrais vous le donner pourtant par-dessus le marché de tout le reste. Mais Dieu a jeté la jeunesse dans les tempêtes et il faut acheter la vieillesse bien cher, comme si la vieillesse était quelque chose de beau !
Je ne me plains pourtant pas de la mienne et si j’ai des soucis, ce n’est point elle qui me les a donnés, au contraire elle m’en a ôté beaucoup, et je ne regrette rien du passé. Si je pouvais guérir le mal des autres je m’estimerais heureuse. Que ne suis-je le bon Dieu pour quelques jours seulement ! Vous pourriez me demander tout ce que vous voudriez et aucun miracle ne me coûterait. Prenez au moins l’intention pour le fait et comptez sur les miracles que le coeur peut faire »...
Correspondance, t. XXV, n° S 473.
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