Lot n° 94

George SAND Manuscrit autographe, Les bords de la Creuse, [1858] ; 10 pages in-8 (la toute fin manque ; les feuillets sont contrecollés sur 3 ff. in-4 de carton fort d’album).

Estimation : 1 500 / 2 000
Adjudication : 1 700 €
Description
Bel article sur les paysages des bords de la Creuse et sur le village de Gargilesse, publié dans le Magasin pittoresque du 28 février 1858 (illustré de deux gravures de Pierre-Eugène Grandsire),
puis recueilli dans Promenades autour d’un village (Michel Lévy, 1866), dont c’est le texte final
(chap. XV). Le manuscrit est à l’encre bleue, et présente de nombreuses ratures et corrections ;
il manque les derniers mots de l’avant-dernière phrase, et la dernière phrase.
« Grâce à une bonne tendance générale, les artistes et les poëtes commencent à savoir et à dire que la
France est un des plus beaux pays du monde, et qu’il n’est pas nécessaire, comme on l’a cru trop longtems et comme la mode le prétend encore, de franchir les Alpes pour trouver la nature belle et le ciel doux ».
La France présente, à côté de ses plaines, « dans les plis de ses montagnes, dans le mouvement de ses
collines, et dans les sinuosités de ses rivières, des grandeurs réelles, des oasis délicieuses et des paysages enchantés ».
Le centre de la France est la région la moins connue ; en évitant les mornes plaines, en prenant le chemin de fer jusqu’à Argenton, et en descendant « le cours de la Creuse pendant deux lieues, on arrivera dans cette partie du bas-Berry où il faut nécessairement aller à pied ou à âne, mais dont le charme vous dédommage amplement des petites fatigues de la promenade. C’est une gentille et mignonne Suisse qui se creuse tout à coup sous vos pieds, quand vous avez descendu deux ou trois amphithéâtres de collines douces et d’un large contour. Vous vous trouvez alors en face d’une déchirure profonde, revêtue de roches micaschisteuses d’une forme et d’une couleur charmantes ; au fond de cette gorge coule un torrent furieux en hiver, un miroir tranquille en été : c’est la Creuse, où se déverse un torrent plus petit, mais pas beaucoup plus sage à la saison des pluies, et non moins délicieux quand viennent les beaux jours. Cet affluent, c’est la Gargilesse, un bijou de torrent jeté dans des roches et dans des ravines où il faut nécessairement aller chercher ses grâces et ses beautés avec un peu de peine. Depuis quelques années, le petit village de Gargilesse, situé près du confluent de ces eaux courantes, est devenu le rendez-vous, le Fontainebleau de quelques artistes bien avisés. […] C’est
un nid sous la verdure, protégé des vents froids par des masses de rochers et des aspérités de terrain fertile et doucement tourmenté. Des ruisseaux d’eau vive, une vingtaine de sources, y baignent le pied des maisons et y entretiennent la verdeur plantureuse des enclos ».
Sand décrit le village rustique, « son vieux château perché sur le ravin et son église romane » ; le voyageur y trouve une nourriture saine. « Les gîtes propres sont encore rares ; mais les habitans, naturellement hospitaliers et obligeans, commencent à s’arranger pour accueillir convenablement leurs hôtes ». De là, on peut faire des « promenades intéressantes et délicieuses. […] Tantôt le rocher du Moine, grand prisme à formes basaltiques, qui se mire dans des eaux paisibles ; tantôt le roc des Cerisiers, découpure grandiose qui surplombe le torrent […] Ces rivages riants ou superbes vous conduisent à la colline escarpée où se dresse l’imposante ruine de Chateaubrun ». Elle vante aussi le climat exceptionnel : « C’est comme une serre chaude au milieu des plateaux élevés et froids qui unissent le bas-Berry à la Marche » ; et qui pourrait être un lieu idéal pour des cures médicales, et moins coûteux que l’Italie : « Ce serait une source de bien-être pour ces petites populations, en même tems qu’une immense économie pour les familles médiocrement aisées qui demandent, pour un de leurs membres languissant et menacé, un refuge contre nos rigoureux hivers »... Elle en résume
pour finir les avantages…
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