Lot n° 146

François TALMA. 5 L.A. ou L.A.S. « T », 1811-1818, à sa femme Caroline Vanhove ; 14 pages in-4, adresses à « Madame Talma ».

Estimation : 1500 / 2000
Description
Très belles et importantes lettres à sa seconde femme, racontant ses représentations devant Napoléon, ses tournées, ses arrangements lors de sa retraite, et leur séparation. Anvers 27 septembre [1811] : « l’Empereur est attendu aujourd’hui dans cette ville et je pars bien vite pour ne pas me trouver dans la bagarre » ; il part pour Amsterdam… Amsterdam dimanche 13 octobre [1811]. Il est fort occupé ; l’Empereur est arrivé et il a joué devant lui trois jours de suite, Rhadamante, Oreste, Achille : « ma voix a été très bonne, même à la représentation d’hier et je suis fort satisfait de mon larynx. [...] Je crois que la bierre qui est ma seule boisson, me fait aussi beaucoup de bien ». Il décrit le cortège d’entrée de Napoléon à Amsterdam : « Cinq à 6 mille hommes de la plus belle cavalerie du monde a défilé et après lui, l’Impératrice étoit en voiture et lui à cheval. Il y a eu un grand empressement de la part des Hollandais »… Il ira ensuite jouer à La Haye et Rotterdam, puis Bruxelles sur la route du retour… Il redit son amour à Caroline : « le voyage sans toi m’a fait bien du mal. Je ne m’accoutume pas du tout à ne te pas retrouver auprès de moi ; et rien plus que cette absence ne m’a fait sentir le besoin que j’ai de toi. Je t’ai aimé et je t’aime encore de toutes les manières possibles. Et j’ai de bien profonds regrets que tu n’ayes pas agi autrement avec moi ; il te falloit me maitriser au lieu de me laisser aller, et je te suis tant attaché que cette espèce de joug que tu m’aurois fait subir, n’auroit en rien diminué mon amour pour toi. Mais ta tête ! ta tête ! et tu parles de la mienne ; chère amie, moi, je ne suis que foible ; je me laisse entrainer, voilà tout »... Amsterdam 1er novembre. Il part pour Bruxelles à la suite de l’Empereur et sera à Paris dans quinze jours ; « j’ai été bien mécontent de Duchénois ici ; un peu aussi de Damas. Je te compterai tout cela à mon retour. […] J’embrasse un petit nez pour qui j’ai toujours une affection qui ne s’éteindra jamais »... Lyon 18-19 juillet [1812]. « Mon répertoire n’étant pas prêt à Lyon, j’ai poussé jusqu’à Chambéry où j’avois la certitude de trouver quelques tragédies prêtes à jouer. On y est venu de tous les côtés de la Savoye et je n’ai qu’à me louer de l’accueil que j’y ai reçu. […] J’ai joué hier Iphigénie en Tauride, et je joue aujourd’hui Hamlet ». Après Lyon, il ira à Grenoble et à Genève. À Aix, il a pris des bains qui lui ont fait beaucoup de mal, et il évoque sans la nommer une « personne » [la Princesse Pauline Borghese] qui « est tombée dangereusement malade à son arrivée » ; elle est condamnée « à une longue convalescence et à des ménagemens de toute la vie » ; il recommande le silence à ce sujet, mais s’inquiète de rumeurs courant sur lui (et sa liaison avec la Princesse) : « tu sais bien que la seule présomption rendue publique pourroit devenir fort désagréable pour moi, pour ne pas dire plus. […] il m’est bien dur que par les miens même j’aye à craindre des désagréments, sans que rien de ce qu’on suppose existe »… Il rapportera de la gaze qu’on fabrique à Chambéry. Après avoir évoqué des questions d’argent, et les dépenses de Brunoy, il termine tendrement : « je t’embrasse de cœur, et t’aime par dessus tout quoique tu en dises »... [Fin décembre 1818]. Longue lettre justificative sur ses dépenses et ses charges. « Je ne m’aveugle nullement sur mes intérês, ma chère amie, je sais très bien ce que je fais. Il est aisé de déclamer ainsi au hazard sur mes prétentions et sur mes dépenses […] je n’ai jamais moins dépensé qu’à présent dans l’intérieur de ma maison et cependant j’ai encore des dettes […] Ce que je gagne à Paris ne suffit pas à mes dépenses »… En 1817, il a payé 14.000 fr. « en pensions, secours à des neveux, tantes, sœur, frère », et au moins 18.000 fr. depuis quelques années pour Caroline seule. Sa fortune ne peut suffire à tant de charges, « quand il faut encore par là-dessus songer aux frais d’existence, aux dépenses de théâtre, au loyer, à l’entretien et aux impositions énormes de Brunoi, à l’extinction des dettes, aux intérêts que je paye »… Il évoque « l’argent que je recevois de l’Empereur » ; mais c’est du passé… Il ne sait comment combler ses dettes et ne peut plus jouer autant qu’auparavant ; et il en vient à ses problèmes avec la Comédie Française au sujet de sa retraite [Talma a signé un engagement du 27 mars 1817 jusqu’au 21 novembre 1822, mais fin novembre 1818, il a demandé sa mise à la retraite pour raison de santé] : « Je n’ai point violé de parole donnée ; un arrangement provisoire a été fait, (et c’est par la seule faute que j’aye faite ou plutôt la seule bêtise) cet arrangement devoit être suivi d’un acte. Après vingt ans on est libre ; on reste au théâtre un, deux, trois ans, plus ou moins [...] Ici il s’agissoit d’un engagement convenu pour un laps de temps considérable et déterminé. L’acte d’association n’existant plus pour moi, il en falloit un autre ; ils ne l’ont pas fait, tant pis pour eux. [...] Rien n’est conclu quand rien n’est signé [...] Tout contrat ne doit-il pas être synallagmatique ? Je ne crois pas porter atteinte à ma réputation en agissant comme je le fais, beaucoup de gens peuvent me blâmer, beaucoup aussi m’approuveront. Que puis-je y faire ? Ainsi va le monde »... Il répond ensuite aux reproches personnels de sa femme : « il est bien peu de maris qui n’en aient fait autant. Mais il est bien plus grand le tort que vous avez eu de quitter votre ménage pour courir après un homme qui certes, j’ai l’orgueil de le croire, ne me valoit pas [...] un homme qui sous le masque de l’amitié, est venu vous séduire sous mes yeux, et vous enlever à moi »... Etc. On joint un billet autographe à Caroline, alors « citoyenne Petit », au début de leur liaison. Plus 2 documents signés par Talma et Caroline Vanhove concernant leur séparation : 18 décembre 1815, convention pour leur séparation (avec un premier projet corrigé) et la séparation de leurs biens ; 17 octobre 1820 : convention par laquelle les époux renoncent à tous les avantages des donations en usufruit et en nue-propriété au survivant prévues par leur contrat de mariage de 1802. Reproduction page 47
Partager