Lot n° 165

François TALMA. L.A.S., Le Havre 30 mars 1826, [à son ami le Dr Fournier-Pescay] ; 3 grandes pages in-4 (lég. fentes réparées). Belle et longue lettre sur Saint-Domingue et la future république noire, le scandale de l’injure faite à ses enfants par les Jésuites, et la Comédie-Française. ....

Estimation : 400 / 500
Description
.. Il confie sa lettre à M. Blaquière qui embarque et la portera à son ami jusqu’à Saint-Domingue, « vers ces heureuses contrées […] qui n’ont d’autre défaut que celui de ne point vouloir de Rois. Chaque pays a sa manie. Nous les aimons ici et pardessus tout les Jésuites qui sont tout puissants et qui nous mènent je ne sais où, pour la plus grande gloire de Dieu. J’ai été obligé dernièrement de retirer mes deux enfans d’une pension où un jésuite n’a pas voulu qu’ils fussent couronnés comme leurs autres camarades par les mains de l’archevêque de Paris, qui présidoit la solemnité classique. Tu t’imagines bien que cela a fait un grand scandale dans tout Paris, et un grand tort à l’institution Morin ». L’Archevêque l’a depuis assuré qu’il n’y était pour rien et qu’il « auroit été enchanté de couronner mes enfans », mais « Morin a eu peur et a fait la sottise. Du reste l’opinion publique m’a bien vengé ». Il évoque alors la fête donnée à Port-au-Prince pour célébrer la reconnaissance de Saint-Domingue, dont il note l’importance pour l’avenir : « On verra dans les âges futurs une république de couleur foncée qui prouvera par les talens et l’industrie qui probablement y écloreront, que l’enveloppe ne fait rien à l’affaire, et qu’il peut y avoir autant de sens, d’esprit et d’énergie sous une peau brune que sous une peau blanche. Nous autres, gens sans préjugés [...] avons été enchantés de l’événement et y avons applaudi de tout cœur »... Il regrette l’éloignement de son ami « Je voudrais bien que tes champs fussent près de ceux de Brunoy ». Il a dû renoncer à un voyage à la Nouvelle-Orléans, où on lui proposait de venir jouer quatre mois. Puis il en vient au Théâtre Français : « Il est toujouors dans un assez triste état. Il n’y a que Melle Mars et moi qui fassions de bonnes recettes. Les petits théâtres tuent les grands. Nous avons cependant à notre tête en ce moment un Monsieur le Baron Taylor, jeune homme plein de zèle et de talent, dessinateur, auteur lui-même du grand Voyage pittoresque de la France qui se publie en ce moment. C’est le seul homme à Paris qui puisse relever notre Théâtre ; s’il n’y parvient pas, il faudra y renoncer ». Talma y a créé plusieurs rôles qui lui ont valu de grands succès : Sylla, « Richard trois dans la tragédie de Jane Shore de Lemercier, l’école des vieillards, l’Oreste de Regulus, la Clytemnestre de Soumet, et en dernier lieu Charles VI ». Depuis le départ de son ami, « ma réputation s’est accrue du double, du moins à ce qu’ils disent, car nous autres Princes, il faut toujours nous méfier des flatteurs »...
Partager