Lot n° 11
Sélection Bibliorare

[COLONNA (Francesco)]. Hypnerotomachia Poliphili, ubi humana omnia non nisi somnium esse docet, atque obiter plurima scitu sane quam digna commemorat. Venise, Alde Manuce, décembre 1499. In-folio (307 x 202 mm), maroquin citron janséniste, double...

Estimation : 150000 / 200000
Adjudication : Invendu
Description
filet sur les coupes, large dentelle intérieure dorée, doublures et gardes de moire blanche cernées d'une fine roulette dorée, tranches dorées sur marbrure, étui de maroquin rouge frappé en queue d'un chiffre doré (Zaehnsdorf).
Édition originale d'« un des plus beaux livres du monde ». # L'Hypnerotomachia Poliphili, connu en français comme le Songe de Poliphile, est un curieux roman allégorique, composé en italien dialectal mêlé de latin, de fragments d'hébreu, d'arabe, de grec et de hiéroglyphes prétendument égyptiens. # Ce « combat d'amour en songe » narre le voyage initiatique entrepris en rêve par Poliphile, l'amant éconduit de Polia, jusqu'à Cythère, l'île d'amour. Le monde merveilleux que traverse le héros au cours de ses tribulations oniriques, jonché de ruines antiques et peuplé d'êtres fabuleux et allégoriques, est méticuleusement décrit par l'auteur, en de longs développements sur l'architecture, l'art des jardins, les œuvres d'art, les machines et les inscriptions épigraphiques qui eurent une grande influence sur l'art de la Renaissance italienne et française. # Bien que l'ouvrage soit anonyme, on présume traditionnellement que l'auteur a révélé son nom dans le célèbre acrostiche formé par la succession des lettrines : « Poliam frater Franciscus Columna peramavit ». Pourtant l'identité de ce Francesco Colonna n'est pas unanimement établie. Certains l'identifient avec un dominicain vénitien mal connu du couvent de San Zanipolo, professeur de grammaire et de théologie à Trévise et Padoue, mais aussi poète. D'autres auteurs l'identifient avec Francesco Colonna, seigneur de Palestrina, rejeton d'une puissante famille de la noblesse romaine. Emanuela Kretzulesco-Quaranta a défendu quant à elle l'idée que l'auteur véritable du Poliphile serait le grand humaniste et architecte Leon Battista Alberti, ami et protégé de la famille Colonna, et que Francesco Colonna aurait veillé après sa mort, survenue en 1472, à la publication de l'ouvrage. # Le Poliphile sera réédité par les fils d'Alde Manuce en 1545 et connaîtra quatre éditions en traduction française, en 1546, 1554, 1561 et 1600, et une en traduction anglaise en 1592. # Chef-d'œuvre typographique d'Alde l'Ancien, ce précieux incunable compte parmi les plus beaux livres illustrés de la Renaissance. Imprimé en caractères romains, hormis quelques mots en grec et en hébreu, dans une typographie sobre et remarquablement équilibrée, le volume est orné au fil du texte de quelque cent soixante-douze gravures sur bois, dont onze à pleine page, qui assurent un contrepoint visuel au récit, et d'une série de trente-neuf lettrines décoratives. # Les admirables gravures sur bois « qui font du Songe de Poliphile le chef-d'œuvre de la xylographie vénitienne et l'encyclopédie de l'ornementation de la Renaissance italienne » (cat. Willems) ont longtemps été attribuées au peintre vénitien Giovanni Bellini ou à d'autres maîtres italiens, tel Andrea Mantegna. Plus récemment, G. Biadego les a données au peintre de miniatures padouan Benedetto Bordon. Deux vignettes portent en effet, aux ff. a6 et c1, un petit monogramme b qui pourrait être une signature. # Exemplaire de premier tirage, avec la correction manuscrite requise sur le second titre. Le volume est bien complet des quatre feuillets liminaires et du dernier feuillet, comportant l'errata et le colophon, qui manque à nombre d'exemplaires, et la planche du sacrifice à Priape, souvent mutilée, s'y trouve intacte. Or, comme le rappelle Sander, « les exemplaires intacts et en parfait état sont rares ». # Exemplaire de choix, d'un tirage magnifique, très grand de marges et de toute fraîcheur, dans une élégante reliure janséniste en maroquin citron de Zaehnsdorf. # Joseph William Zaehnsdorf (1853-1930) fut, en son temps, l'un des meilleurs relieurs de Londres, comme son père Joseph Zaehnsdorf (1816-1886) l'avait été avant lui. Ses reliures, toujours exécutées avec goût, étaient fort appréciées des grands bibliophiles anglais et étrangers. Il est l'auteur d'un ouvrage classique sur son art, The Art of Bookbinding, publié en 1880. # Des bibliothèques Alphonse van Branteghem (chiffre sur l'étui), Alphonse Willems (1914, n°427), Jacques Willems et du baron Louis de Sadeleer (ex-libris). # Alphonse van Branteghem (1884-1925), célèbre collectionneur de céramiques grecques, fit relier sa riche bibliothèque par les meilleurs relieurs de Londres, où il demeurait, tels Cobden Sanderson et les Zaehnsdorf. # Savant bibliographe et professeur de littérature grecque à l'Université de Bruxelles, Alphonse Willems (1839-1912) est l'auteur d'une bibliographie des impressions elzéviriennes qui fait encore autorité. Sa remarquable collection de romans de chevalerie et de poètes anciens fut dispersée par Henri Leclerc, le prédécesseur de Louis Giraud-Badin, en 1914. Nombre de ses livres se sont ensuite retrouvés dans la collection de son fils, Jacques Willems, et en particulier le présent exemplaire du Songe de Poliphile, que ce dernier racheta lors de la vente de son père. # Vaillant combattant de la guerre de 1914-1918, le Général Jacques Willems (1870-1957) fut également un des grands bibliophiles belges du XXe siècle. Il succéda à Hector de Backer à la tête de la Société royale des Bibliophiles et Iconophiles de Belgique, dont il fut président de 1924 à 1940. L'essentiel de sa collection fut acquis privément après sa mort ; ses livres français du XVIe siècle, notamment, ont été présentés en 1994 dans le catalogue de la librairie Pierre Berès intitulé Des Valois à Henri IV. # Autre grand bibliophile belge, le baron Louis de Sadeleer (1913-1996) fut lui aussi président de la Société royale des Bibliophiles et Iconophiles de Belgique, de 1983 à 1996. # Lavé lors de la reliure, l'exemplaire conserve des taches rousses sans gravité sur quatre feuillets (ff. π1, π2, k8 et F4). # HC, *5501 – GW, 7223 – BMC, V, 561 – IGI, 3062 – Proctor, 5574 – Goff, C-767 – Essling, 1198 – Sander, 2056 – Pellechet, 3867 – Debure, 3766 – Brunet, IV, 778 – Rahir, 375 – Renouard, pp. 21-22, n°5 – Ahmanson-Murphy, n°35 – Lowry, pp. 129-135 – E. Kretzulesco-Quaranta, Les Jardins du songe : « Poliphile » et la mystique de la Renaissance, 2e éd., Paris, 1986 – Lilian Armstrong, « Benedetto Bordon, Aldus Manutius and Lucantonio Giunta : Old Links and New », in D. Zeidberg (éd.), Aldus Manutius and Renaissance culture..., Florence, 1998, pp. 161-183 – F. Broomhead, The Zaehnsdorfs (1842-1947) Craft Bookbinders, Middlesex, 1986.
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