Lot n° 32

[DUPLESSIS-MORNAY (Philippe)]. De la Puissance legitime du prince sur le peuple, et du peuple sur le prince. S.l.n.n., 1581.

Estimation : 1 000 / 1 200 €
Adjudication : 1 050 €
Description
Petit in-8, 264 pp., maroquin olive, dos à nerfs cloisonné et fleuronné, pièce de titre grenat, triple filet doré encadrant les plats avec fleurons d'angles, coupes filetées, roulette intérieure dorée, tranches dorées, dos et partie des plats décolorés par un produit ayant servi à raviver les ors, feuillet de titre réemmargé et un peu sali avec mouillure, taches et infime trou de ver aux derniers feuillets, quelques inscriptions au crayon (reliure du XVIIIe siècle).
ÉDITION ORIGINALE DE LA TRADUCTION FRANÇAISE D'UN TRAITÉ POLITIQUE MAJEUR.
UNE ATTRIBUTION LONGTEMPS CONTROVERSÉE: publié sous le pseudonyme d'Étienne Junius Brutus, ce texte vit sa paternité longtemps discutée, on parla notamment d'Hubert Languet, mais l'érudition moderne désigne avec toute probabilité le seigneur du Plessis-Marly, Philippe de Mornay dit Duplessis-Mornay (1549-1623).
Une des grandes voix dévouées à la cause protestante, celui-ci mit son énergique talent au service du futur Henri IV, qui l'employa à des missions diplomatiques, mais s'en sépara après son abjuration: Duplessis-Mornay resta en effet intransigeant et fonda la première académie protestante à Saumur en 1599.
UN DES TROIS GRANDS PAMPHLETS MONARCHOMAQUES ÉCRITS À LA SUITE DE LA SAINT-BARTHÉLEMY, avec le Franco
Gallia de François Hotman et le Du Droit des magistrats de Théodore de Bèze. Duplessis-Mornay organise sa démonstration autour de quatre questions: «I. Asavoir si les sujets sont tenus & doyvent obeir aux princes s'ils commandent quelque chose contre la loy de Dieu.» - «II. S'il est loisible de resister à un prince qui veut enfraindre la loy de Dieu ou qui ruine l'Église [...].» - «III. S'il est loisible de resister à un prince qui opprime ou ruine un estat public [...].» - «IIII. Si les princes voisins peuvent ou sont tenus de droit donner secours aux sujets des autres princes, affligez à cause de la vraye religion, ou opprimez par tyrannie manifeste.»
UNE DES PREMIÈRES OCCURRENCES DE LA NOTION DE CONTRAT SOCIAL: Duplessis-Mornay répond à ces questions en proposant de redéfinir la sujétion au souverain comme une relation de confiance quasi contractuelle, autorisant ainsi la résistance à un tyran qui enfreindrait les lois humaines et é==divines, qui empêcherait de rester fidèle à la vrai religion, donc à Dieu. Ce devoir de résistance des peuples opprimés serait incarné par les magistrats et les États généraux, et pourrait être soutenu par des princes chrétiens étrangers. La préface du pamphlet, signée du pseudonyme de «C. Superantius», se révèle en outre expressément antimachiavéliste.
UNE ARME DE L'ARSENAL IDÉOLOGIQUE PROTESTANT DANS L'EUROPE DES GUERRES DE RELIGION. Écrit en latin entre 1574 et 1576, sous le titre Vindiciae contra tyrannos, sive de Principis in populum populique in principem legitima potestate [Revendication contre les tyrans, ou de la Puissance légitime du prince sur le peuple et du peuple sur le prince], ce pamphlet était à l'origine destiné à soutenir le combat des huguenots français, mais sa publication fut retardée à dessein pour des raisons stratégiques: Duplessis-Mornay avait la conviction qu'en France la religion réformée devait s'imposer par la persuasion et que seule une coexistence confessionnelle pacifique pouvait le permettre. En outre, il n'était pas hostile au pouvoir royal en tant que tel et s'était placé au service d'Henri de Navarre en qui il voyait le héros de la cause protestante et le grand prince chrétien de l'avenir.
C'est en fait dans un contexte européen que la publication des Vindiciae contra tyrannos intervint finalement:
Duplessis-Mornay avait adopté une approche internationaliste originale, et considérait que la priorité était de lutter contre la ligue catholique internationale dont le fer de lance était l'Espagne, notamment aux Pays-Bas où elle menait depuis une vingtaine d'années une lutte sans merci contre les calvinistes. Alors que le camp de l'indépendance s'y divisait en deux (Union d'Arras et Union d'Utrecht), le pamphlet de Duplessis-Mornay fut imprimé en soutien aux protestants à la fin de 1578 ou au début de 1579, probablement à Bâle chez Thomas
Guérin. L'acte de déchéance de Philippe II signé à La Haye en juillet 1581 doit beaucoup aux Vindiciae.
La présente traduction française suivit bientôt, en 1581, attribuée sans preuves par Auguste Renouard à l'imprimeur François Estienne, protestant réfugié à Genève (Annales de l'imprimerie des Estienne, t. I, Paris,Jules Renouard, 1837, p. 157, n° 14).
Cf. Béatrice Nicollier-De Weck, Hubert Languet, 1518-1581: un réseau politique international de Melanchton à Guillaume d'Orange, Genève, Droz, 1995, pp. 466-483. -- Hugues Daussy, Les Huguenots et le roi. Le combat politique de Philippe Duplessis-Mornay (1572-1600), Genève, Droz, 2002, pp. 229-256.
Provenance: bibliothèque des ducs de La Rochefoucauld-Liancourt (vignette ex-libris armoriée gravée sur le premier contreplat)
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