Description
Grand in-folio, (2)-240 pp., demi-parchemin blanc avec pièce de titre bordeaux, plats de papier estampé rose, petites taches au dos, rares feuilles avec taches marginales ou fentes marginales (reliure moderne).
ÉDITION ORIGINALE, RARE.
IMPORTANTE ILLUSTRATION GRAVÉE SUR CUIVRE, D'APRÈS LES DESSINS DE CLAUDE-NICOLAS LEDOUX (sauf une), par plusieurs artistes, comprenant 126 cuivres estampés sur 116 feuillets de planches hors texte, soit: un titrefrontispice avec portrait non numéroté, un titre (portant le n° 1), une dédicace au tsar Alexandre Ier (comptant pour le n° 2) et 123 compositions numérotées 3 à 125 estampées sur 113 feuillets, sachant que 10 de ces feuillets portent chacun 2 cuivres numérotés (Berlin Katalog, n° 2448; Millard, n° 91).
La célèbre planche symbolique de l'oeil du théâtre de Besançon, seule gravée à la manière noire, a probablement été réalisée par Ledoux lui-même.
EXEMPLAIRE À TOUTES MARGES (environ 59 x 41 cm), sauf pour la planche n° 85-86 et les cahiers de texte 48 à 54 provenant d'un autre exemplaire avec marges rognées légèrement plus court.
UN OUVRAGE CAPITAL DANS L'HISTOIRE MONDIALE DE L'ARCHITECTURE, à la fois témoignage sur son oeuvre réalisé ou projeté (avec formes néanmoins idéalisées) et représentation de tout type d'architecture, traité théorique proposant une synthèse des principaux courants architecturaux, “voyage pittoresque” à travers une cité imaginaire, essai utopique sur les sciences sociales, politiques et naturelles, mais aussi poème lyrique exaltant l'architecture.
TRENTE ANNÉES D'ÉLABORATION: Claude-Nicolas Ledoux commença dès 1773, année de son entrée à l'Académie d'architecture, à faire exécuter des gravures de ses travaux, mais c'est vers 1780 qu'il envisagea de publier des oeuvres complètes. Le large succès qu'il rencontrait dans sa pratique d'architecte lui garantissait les moyens financiers pour mener à ses frais une entreprise éditoriale de grande ampleur, sans contrainte de temps, en toute liberté d'expression, avec l'aide des meilleurs graveurs d'architecture.
Au fur et à mesure de la maturation de ses idées, il n'hésita pas à faire regraver certaines planches déjà réalisées pour les rendre plus adéquates à sa pensée, et ce n'est que vers 1793-1794 qu'il arrêta la forme définitive que devait prendre son testament architectural, décidant notamment d'inverser le rapport des images au texte: les planches devait désormais venir en appui d'un texte à l'importance devenue primordiale. Il conçut un plan en cinq volumes, dont seul le premier parut de son vivant, en 1804, deux ans avant sa mort. Deux suites de planches inédites seraient publiées en 1847 et en 1991.
ARCHITECTE, DESSINATEUR, PHILOSOPHE ET POÈTE VISIONNAIRE, CLAUDE-NICOLAS LEDOUX (1736-1806) fut architecte ingénieur des Eaux et Forêts (1764), inspecteur des Salines de Lorraine et de Franche-Comté (1771), architecte du roi, membre de l'Académie royale d'architecture et architecte de la Ferme générale (1773). Tout au long de sa carrière, il partagea son activité entre les commandes privées ou publiques, les oeuvres modestes ou prestigieuses, destinées à toutes sortes de fonctions: églises de village, hôtels et châteaux particuliers pour l'aristocratie, prison, théâtre, grenier à sel, Saline royale d'Arc-et-Senans dans l'actuel Doubs, urbanisme paysager des quartiers nordouest de Paris, mur d'enceinte de Paris dit des fermiers généraux avec ses pavillons ou «barrières»...
Protégé de madame Du Barry, Trudaine, Angiviller, Necker, Calonne, il acquit une aura internationale, suscitant l'admiration de l'empereur d'Autriche comme du futur tsar Paul Ier (dédicataire du présent ouvrage) mais tomba en disgrâce auprès de Louis XVI en 1789. Il connut la prison sous la Terreur, mais cette période d'inactivité professionnelle lui permit d'avancer la composition de son traité Architecture.
UN RATIONALISME LYRIQUE ET SOCIAL. Si quelques traits rappelant les travaux d'Antoine Lepautre (1621-1679) et de Gabriel
Pierre Martin Dumont (1720-1791) peuvent se déceler dans le style personnel original de Claude-Nicolas Ledoux, d'autres prédécesseurs l'ont marqué d'une influence autrement décisive: Andrea Palladio (1508-1580), pour le recours aux formes pures; Jacques-François Blondel (1705-1774), théoricien du néo-classicisime qui fut son professeur, pour la recherche rationaliste d'une unité parfaite entre fonction, usage et décoration d'un bâtiment; et Giovanni Battista Piranesi (1720-1778), découvert par Claude-Nicolas Ledoux alors qu'il était employé auprès de l'architecte Louis-François Trouard (1728-1804), pour l'exaltation de la liberté et de la puissance créative.
Plus largement, son travail est irrigué par la pensée encyclopédique, globalisante et rationaliste du XVIIIe siècle, et par les conceptions sensualistes Condillac inspirées de Locke, telles que l'abbé Marc-Antoine Laugier les adapta au domaine architectural. Considérant la vue comme le premier des sens, et adoptant un symbolisme marqué, il se rapproche ainsi des tenants de l'architecture dite «parlante», tels Étienne-Louis Boullée (1728-1799). En outre, par la valeur exemplaire et démonstrative qu'il assigne aux bâtiments pour guider le peuple à la vertu, il se rattache à la sensibilité artistique moralisante telle que l'illustrèrent Diderot, Greuze ou David.
UN RÉFORMISME UTOPIQUE NOVATEUR. L'apport majeur de Claude-Nicolas Ledoux tient dans sa conception utilitariste radicale de la création architecturale, qui lui fait subordonner les formes à leurs fonctions ou aux idées qu'elles doivent suggérer, toute ornementation superflue étant rejetée - il n'y a pas jusqu'à la nature qui doive être structurée architecturalement pour le bien-être de homme.
Fortement marqué par les idéaux francs-maçons sur l'harmonie et le bonheur, Claude-Nicolas Ledoux, redéfinit l'architecte non plus seulement comme un praticien adapté aux besoins de son temps, mais plus ambitieusement comme un acteur déterminant dans la réforme de la société, et élargit en conséquence son rôle à l'urbanisme. S'inspirant du traité Du Contrat social de Rousseau et des doctrines physiocratiques, il souhaite donner une expression architecturale à une nouvelle société utopique, non plus cloisonnée hiérarchiquement, mais articulée en différentes sphères d'activité conjointes. Quand il construisit les fabriques et maisons ouvrières de la Saline royale d'Arc-et-Senans, de 1775 à 1779, il avait envisagé d'associer cette usine modèle à la ville idéale de Chaux qui, elle, ne put voir le jour.
«Son rêve d'une ville destinée à abriter un monde moralement et socialement meilleur [...] marque une percée décisive, considérée comme l'expression architecturale de la révolution sociale de la fin du xviiie siècle [... Pour lui, ce n'était] pas seulement une réaction de défense contre une différenciation sociale croissante [...], mais, plus profondément, la tentation de créer, au moment même de la révolution industrielle, une société fondée non sur le travail et la technologie mais sur les échanges sociaux, les passions et les complémentarités culturelles» (Utopies, Paris, BnF, 2000, pp. 32 et 136).
S'il ne fut pas le premier, Claude-Nicolas Ledoux fut assurément le plus ambitieux architecte à l'origine de cette tradition utopique, par son originalité, l'ampleur et l'universalité de ses conceptions. Malgré le rejet ou la dénaturation dont ses idées furent longtemps victimes, son influence se fit sentir dans les courants saint-simoniens et fouriéristes, et jusque dans les projets de Jean-Baptiste André Godin (1817-1888), Tony Garnier (1869-1948) ou Le Corbusier (1887-1965).
JOINT: PFNOR (Rodolphe). Monographie du château d'Anet construit par Philibert de L'Orme en MDXLVIII. Paris, chez l'auteur, 1867. In-folio, (4)-44-(16 dont la dernière blanche) pp., en feuilles, état médiocre avec mouillures. ÉDITION ORIGINALE. L'historique est de l'archéologue et historien de l'art Henri Raison Du Cleuziou (44 pp.), et la notice descriptive est de Rodolphe Pfnor lui-même (4 pp.). 56 (sur 57) planches hors texte, dont une double à double numérotation et 2 en couleurs, d'après les dessins de Rodolphe Pfnor