Lot n° 79

CROS (Charles). Le Fleuve. Paris, Librairie de L'Eau-forte, 1874.

Estimation : 15 000 / 20 000 €
Adjudication : 33 020 €
Description
In-4, bradel cartonnage de soie brochée vert d'eau à motifs floraux, dos lisse portant une longue pièce de titre de maroquin vert, non rogné, couverture (Pierson).
Édition originale de ce livre mythique, ornée de 8 ravissantes eaux-fortes d'Édouard Manet.
Il s'agit du premier livre illustré par Édouard Manet, qui contribua l'année suivante à l'illustration du Corbeau d'Edgar Poe, puis à celle de L'Après-midi d'un faune de Mallarmé en 1876. C'est aussi l'un des tout premiers livres de peintre.
L'ouvrage a été étudié par François Chapon dans Le Peintre et le livre (1987, pp. 14-17): Ce petit livre est une réussite, écrit-il, sans doute parce que Manet s'est conformé à un état d'esprit, à un climat de sympathie plus qu'au décalque niais d'une écriture qui se suffisait à elle-même. Poème de circonstance, composé comme le croient les savants éditeurs de Cros, [...] en vue de cette édition de 1874, le texte comporte ces tableaux de plein air auxquels se plaît l'esthétique impressionniste. À propos des estampes de Manet, Chapon ajoute: Ses huit gravures composent une variation sur la notion d'espace telle que peut l'inspirer le phénomène naturel suivi par Cros, depuis les escarpements de l'origine jusqu'à l'aboutissement dans la mer, après des parcours de plaines élargies et des traversées resserrées entre les quais des villes. Et conclut: Chacune de ces gravures, en effet, se marie harmonieusement avec la typographie où elle est sertie. Leur format, toujours différent, évite la monotonie. La largeur l'emportant toujours sur la hauteur, l'impression visuelle d'horizontalité s'accorde au texte. Point de motifs séparés ni de planches. Pour une fois coexistent deux arts sans confusion possible entre les pouvoirs de la peinture et ceux du poème.
Tirage à 100 exemplaires numérotés sur papier de Hollande, signés par l'auteur et l'illustrateur.
Exemplaire de Charles Cros, avec la mention manuscrite auteurs. Le second exemplaire, celui de Manet, serait aujourd'hui conservé à Chicago. Il existerait également un exemplaire marqué éditeur, ainsi que trois ou quatre notés presse.
Il est recouvert d'une ravissante reliure de l'époque de Pierson, en soie brochée.
Il porte l'ex-libris d'Henry Houssaye (1848-1911), dont la bibliothèque, en partie héritée de son père Arsène, fut vendue aux enchères en mai 1912 par les soins de Rahir. Il figure dans le catalogue de cette vente sous le n°504.
Provenance des plus piquantes, surtout lorsqu'on connaît l'aversion d'Henry Houssaye pour Édouard Manet et tous les artistes impressionnistes, lui qui avait un jour fait remarquer que l'impressionnisme est victime de tous les sarcasmes quand il prend les noms de Manet, Monet, Renoir, Caillebotte, Degas, et reçoit tous les hommages quand il s'appelle Bastien-Lepage, Duez, Gervex, Goeneutte ou Dagnan-Bouveret (cf. Rewald, Histoire de l'impressionnisme, p. 303).
L'exemplaire provient très probablement de la bibliothèque d'Arsène Houssaye (1814-1896), rédacteur en chef de L'Artiste, inspecteur général des beaux-arts, critique, et ami de Théophile Gautier et Gérard de Nerval. Peut-être lui a-t-il été offert par l'auteur du Coffret de santal (1873), sans doute pour le remercier d'avoir publié ses premiers écrits dans les colonnes de L'Artiste.
La soie est légèrement décolorée par endroits
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