Lot n° 453

Charles de GAULLE. L.A.S. (brouillon marqué « personnel »), [Londres 7 avril 1943], au général Georges Catroux [à Alger] ; 3 pages petit in-4.

Estimation : 4 000 / 5000
Adjudication : Invendu
Description
Importante lettre au sujet de la politique américaine en Afrique du Nord et des relations du chef de la France combattante avec les gouvernements américain et britannique, au moment où De Gaulle projette un voyage à Alger, et emploie ici le mot de « gaullisme ». Cette lettre, abondamment corrigée et en grande partie biffée, a fait l’objet d’un télégramme « secret » qui n’en reprend que de courts extraits [Lettres, notes et carnets, (coll. Bouquins, t. II, p. 326)] ; cette lettre, marquée comme message « personnel » du général de Gaulle, fut ensuite remise au général Catroux.{CR}« L’intervention américaine et britannique dans mon projet de voyage contribue à nous éclairer sur la politique américaine en Afrique du Nord. [Il s’agit de retarder sinon d’empêcher mon arrivée qui pourrait provoquer la cristallisation du sentiment public en faveur de la France combattante. Il pourrait en résulter en effet une solution d’indépendance française. biffé] Le gouvernement britannique, soit de bon gré, soit de mauvais gré, se joint à l’action du g[ouvernemen]t américain. Il va de soi également que certains personnages en fonctions sur place ont travaillé à faire en sorte que la porte me soit fermée. {CR}[Le but poursuivi par Washington et par Londres est de mettre sur pied un plan fabriqué dans l’ombre en affectant que ce plan ait été préparé par Giraud et vous-même. On voudrait que ce plan tendît à écarter le Comité National et surtout à m’écarter moi-même de l’Afrique du Nord et si possible de la guerre de manière à enterrer discrètement la France combattante. Après quoi l’étranger n’aurait plus devant lui dans l’Empire et demain en France qu’un pouvoir français inexistant, sans racines et entraîné d’avance aux concessions. {CR} Quant à la tactique du moment on voudrait procéder de telle sorte que je me trouve soudain dans l’alternative suivante : ou bien accepter le plan préparé en dehors du Comité National et conduisant la France combattante à la noyade par persuasion, ou bien me faire taxer à grand fracas d’être l’obstacle à l’union. On s’efforcera à cette occasion de détacher de moi ceux qui m’ont suivi, en particulier vous-même, sous prétexte de faciliter l’ordre et la paix publics dans l’Empire. Nos propres troupes seront également sollicitées et soumises au chantage de la place au combat et de l’armement qu’on les invitera à demander à Giraud. {CR} L’opinion de la France elle-même est tenue par Washington comme assez négligeable. D’abord parce qu’on la connaît surtout par des informateurs tendancieux, tels Leahy et Murphy, ensuite parce qu’on juge notre pays si diminué moralement et physiquement qu’on aurait les moyens de l’orienter au moment voulu dans le sens désiré par pression, ravitaillement et propagande. Enfin parce qu’on compte y trouver toujours assez de naïfs de l’espèce Giraud ou d’indignes comme Darlan pour offrir une façade à la politique de domination étrangère de la France par personnes interposées. Je crois d’ailleurs que là est l’erreur fondamentale des Américains et des Anglais. La masse française devient peu à peu nationaliste et xénophobe à mesure qu’elle aperçoit le jeu des Anglo-Saxons. L’intervention de l’étranger ne fait que grandir le gaullisme qui tend à devenir l’expression de l’indépendance manifeste. Le symbole de Gaulle disparu, la masse française se tournerait vers une sorte de communisme. D’où certitude d’une révolution furieuse. biffé]{CR}Quoiqu’il en soit, vous sentez certainement que le retard imposé à mon voyage c’est-à-dire à l’union jusqu’à une date indéterminée rend votre présence à Alger sans réel objet en ce moment. D’autre part le Comité National et moi-même tenons à avoir de vous un exposé complet de la situation sur place. Je vous prie donc de vous rendre à Londres d’urgence »...
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