Lot n° 469

Jacques LACAN (1901-1981) psychiatre et psychanalyste. Manuscrit autographe, [Bruxelles 9 mars 1960] ; 26 pages in-4.

Estimation : 5 000 / 6 000
Adjudication : 12 500 €
Description
Brouillon d’une conférence sur Freud et l’éthique de la psychanalyse, première des deux conférences données par Lacan à la Faculté universitaire Saint-Louis à Bruxelles, les 9 et 10 mars 1960.{CR}Le manuscrit, à l’encre noire sur papier filigrané Mousmé Paper, est abondamment raturé et corrigé, et présente d’importantes variantes avec le texte publié en 1986 dans Psychoanalyse, revue de l’École Belge de Psychanalyse (n° 4), plus développé ; la dernière page, au stylo bille rouge, semble avoir été ajoutée ultérieurement ; en tête, Lacan a noté : « Bruxelles-1 relu 30 VIII 64 ».{CR}« L’h[omme] qui vous parle en est au terme du 4e septenn[aire] de son introd[uction] d’analyse. […] Toute ma vie devint écoute d’autres vies qui s’avouent. Je ne suis rien pour peser leur mérite, et l’une des fins de mon silence est de taire l’amour »... Lorsqu’il accompagne « l’élan d’un de mes patient vers un peu de réel », il dérape « sur ce que j’appellerai le credo de bêtises dont on ne sait si la psychologie contemporaine est le modèle ou la caricature : à savoir le moi tenu pour fonction de synthèse à la fois d’intégration […] la conscience comme achèvement de la vie et l’évolution comme voie de l’avènement de l’univers à la conscience », qui mène à « une impuissance toujours plus grande de l’homme à rejoindre son propre désir »… C’est ce que Freud a subitement éclairé « au niveau de la névrose », en mettant en évidence la complexité du désir. « La caractéristique propre à l’inconscient freudien est d’être traduisible […] Ce qui se traduit c’est ce qu’on appelle le signifiant », des éléments formant une chaîne signifiante, dont Lacan donne des exemples. Puis il se livre à des variations sur les rapports entre désir, discours, poésie, mensonge… « Le désir inconscient c’est ce que veut celui qui tient le discours inconscient, c’est ce pour quoi il parle, c’est dire qu’il n’est pas forcé tout inconscient qu’il soit de dire la vérité, bien plus le fait même qu’il parle y rend possible le mensonge »… Plus loin, bien que ne professant pas « le Credo qui règne en ces lieux », Lacan va commenter un extrait d’une épître de Saint Paul, car « une épître de St Paul me paraît aussi importante à commenter en morale qu’une de Sénèque »… Et il ajoute malicieusement : « je ne suis pas pour me plaindre que des ecclésiastiques renvoient leurs ouailles à la psychanalyse. Ils font certes fort bien »… Lacan se demande pourquoi Freud, pourtant « franc matérialiste », n’a pas su résoudre le problème de « l’instance morale » par « des recours utilitaristes », alors qu’il avait bien établi que la morale « consiste primordialement dans la frustration d’une jouissance posée en loi apparemment gratuite »… Il y voit le poids d’une certaine hérédité, et de la figure du Père… Mais il ne s’agit pas de « faire la psychologie de Freud », qui lui apparaît « évidemment féminine par l’exigence monogamique – qui le soumet à une dépendance uxorieuse », et « très peu père », et qui « n’a vécu le drame œdipien que sur le plan de la horde analytique et pour une mère qui était la Mère-intelligence – et ce que nous avons appelé la Chose freudienne, qui fut d’abord la Chose de Freud à savoir (une poupée qui parle toute seule) le désir inconscient. L’important est la découverte de la chose et il la suit chez ses patients »… Lacan s’interroge sur l’intérêt de Freud pour le monothéisme, où il retrouve « la valeur sublimatoire de la fonction du Père »… En conclusion, Lacan voit l’homme surdéterminé par le Logos, qui « articule en lui le manque de l’être et conditionne sa vie comme passion et sacrifice ». La réflexion de Freud n’est ni « humaniste », ni « progressiste », mais « démarquante ». Loin de la « religiosité » de Jung, Freud a placé la culpabilité « au niveau de l’inconscient »…
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