Lot n° 384

[BAUDELAIRE.] Edgar Allan POE. Aventures d’Arthur Gordon Pym. Paris, Michel Lévy frères, 1858.

Estimation : 8 000 / 12 000 €
Adjudication : 36 343 €
Description
Joints, du même, en reliure uniforme :
NOUVELLES HISTOIRES EXTRAORDINAIRE.. Deuxième édition. Paris, Michel Lévy frères, 1859.
Histoires extraordinaires. Quatrième édition. Paris, Michel Lévy frères, 1862.
3 volumes in-12 (174 x 108 mm) de (2) ff., 280 pp. ; XXIV, 287 pp. ; XXXI, 330 pp., (1) f. : demi-basane rouge, dos lisses filetés or (reliure de l’époque).

Édition originale de la traduction des Aventures d’Arthur Gordon Pym. Deuxième édition de celle des Nouvelles Histoires extraordinaires et quatrième de la traduction des Histoires extraordinaires.

Une grande partie de la vie littéraire de Baudelaire fut consacrée à la traduction de l’oeuvre de son frère américain en guignon. Cinq volumes publiés de 1856 à 1865 furent édités par Michel Lévy. “De Maistre et Edgar Poe m’ont appris à raisonner”, confesse-t-il dans Fusées.

Envoi autographe signé au crayon sur le faux titre des Histoires extraordinaires :

à M. Victor de Laprade
Ch. Baudelaire

De poète à poète : un coup d’audace.

Réduit à sa plus simple expression, l’envoi s’adresse à celui qui était alors considéré comme l’un des premiers poètes français. Homme politique, Victor de Laprade (1812-1883) avait été élu, en 1858, à l’Académie française au fauteuil d’Alfred de Musset. Par ailleurs, son œuvre poétique comporte six volumes publiés chez Lemerre (1878-1881). Hostile à l’Empire, il avait été révoqué de son poste de professeur à la Faculté des lettres de Lyon pour avoir commis une satire en vers (et contre tous les écrivains courtisans du régime).

De là à imaginer un courant de sympathie entre les deux poètes, ce serait commettre une méprise : ils ne pouvaient se supporter l’un l’autre.
La longue lettre de Baudelaire à Laprade du 23 décembre 1861 confirme la visée stratégique de l’envoi. Il sollicite son suffrage à l’Académie : “Réduit à parler de mes titres, je me présente avec les trois premiers volumes de ma traduction d’Edgar Poe.” Son apologie des Fleurs du Mal sur un ton persifleur laissa sans doute stupéfait un Laprade chrétien intransigeant : “Toutefois, en supposant que l’ouvrage soit diabolique, existe-t-il, pourrait-on dire, quelqu’un de plus
catholique que le Diable ?” (Correspondance II, pp. 197-200).
Quant à la réaction de Laprade pour caractériser la démarche du candidat impudent, il aura ce mot féroce : “Vouloir cumuler Charenton et le palais Mazarin, c’est le plus beau coup d’audace qu’on ait jamais vu.”

Ex-libris armorié gravé de Victor de Laprade sur les trois volumes, avec la mention : “Un des Quarante de l’Académie française.”
Plaisante collection en modeste reliure uniforme du temps, habilement restaurée.
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