Lot n° 290
Sélection Bibliorare

LA FONTAINE, Jean de Fables choisies mises en vers par Jean de La Fontaine Paris, [Jean-Louis Regnard de Montenault] chez Desaint & Saillant, et Durand, 1755-1759

Estimation : 50 000 / 70 000 €
Adjudication : 75 981 €
Description
RARE EXEMPLAIRE RÉGLÉ, TRÈS GRAND DE MARGES,

RELIÉ PAR LOUIS DOUCEUR AUX ARMES DU MARQUIS D'HAUTEFORT.

EXEMPLAIRE D'HIPPOLYTE DESTAILLEUR ET DU LIBRAIRE LUCIEN GOUGY, CITÉ PAR COHEN.

TRES BELLE ILLUSTRATION DE JEAN-BAPTISTE OUDRY, EN PREMIER ÉTAT

PREMIER ÉTAT. Illustration de la fable "Le Singe et le léopard" sans les mots "Le Léopard" dans la banderole (t. III, p. 113)
4 volumes in-folio (498 x 344mm)
COLLATION ET ILLUSTRATION : tome I : frontispice par Oudry terminé par Dupuis et gravé par Cochin, (2 ff.), xvi-, xxx (Vie de La Fontaine), -xvii-xviij (Table), 124 pp., 70 planches ; tome II : (2 ff.), ii, 135 pp., 68 planches ; tome III : (2 ff.), iv, 146 pp., 68 planches ; tome IV : (2 ff.), ii, 188 pp., 69 planches, soit en tout
275 ADMIRABLES PLANCHES DESSINÉES PAR JEAN-BAPTISTE OUDRY et gravées sur l'instruction de Cochin par Aubert, Aveline, Baquoy, Beauvais, Cochin lui-même etc.
EXEMPLAIRE ENTIÈREMENT RÉGLÉ DE ROSE
RELIURES DE L'ÉPOQUE ATTRIBUABLES À LOUIS DOUCEUR. Maroquin rouge, décor doré, armes au centre des plats, motifs de petits fers au centre des bordures et dans les angles,
DOS À NERFS ORNÉS AVEC LES FERS EMBLÉMATIQUES DE LOUIS DOUCEUR, tranches dorées,
QUELQUES TÉMOINS CONSERVÉS

PROVENANCE : Emmanuel-Dieudonné, marquis d'Hautefort (1700-1777), chevalier des Ordres du Roi et ambassadeur à Vienne (cf. Olivier-Hermal-de Rotton, pl. 1622, fer. 3), et cf. Catalogue des livres imprimés et manuscrits de la bibliothèque de M. le marquis d'Hautefort, Paris, Leclerc, 1777, 32 pp. cotes : BL. 269.h.23 (2*) ou Toulouse Fa 15152 (6) -- "Vendu par Baron & Co. Libraires. À l'isle de France", surprenante étiquette de libraire collée au premier contreplat de chacun des quatre volumes. Les frères Baron furent les premiers libraires installés à l'île de France [île Maurice], sous la Révolution : "Il faut aussi noter que c'est pendant la Révolution que s'ouvrit la première grande librairie à l'île de France, dirigée par les frères Baron, qui ne tarda pas à devenir un centre de réunion pour les intellectuels." (A. Toussaint, "Les débuts de l'imprimerie aux îles Mascareignes", Revue d'Histoire des colonies, 1948, p. 20) -- Hippolyte Destailleur (vente, 1891, n° 1132) -- W. Chabrol (cat. Catalogue de vente des livres de W. Chabrol, Leclerc, 1920) -- Lucien Gougy (1863-1931 ; vente, Drouot, 17 mai 1935, n° 29) -- Lucien Tissot-Dupont (ex-libris)
Infime manque de papier dans quelques marges (t. I, p. 36, p. 39), quelques feuillets très légèrement brunis

Cette somptueuse édition, dont l'initiative revient à Louis Regnard de Montenault, auteur de la "Vie de La Fontaine" publiée en tête, est dédiée au roi. Outre les planches d'Oudry, l'ouvrage comporte de beaux culs-de-lampe gravés sur bois, en partie répétés, dessinés par le peintre de fleurs Bachelier et gravés par Le Sueur et par Papillon, l'auteur du Traité de gravure sur bois.
Vers 1730, Oudry entreprit ses compositions pour les Fables destinées à divers travaux officiels parmi lesquels des tapisseries. C'est en véritable peintre et en artiste très original qu'il a abordé la restitution du monde inventé par La Fontaine. Comme chez le fabuliste, la violence affleure sous le débonnaire. S'il s'attache à peindre avec exactitude les animaux, il rend aussi avec justesse les personnages de son temps, parés, perruqués et maniérés.
Les dessins furent acquis par Montenault qui, avec l'accord de l'artiste, décida de les mettre en estampes. Trop spontanés pour pouvoir être interprétés en gravure, ils furent confiés à Charles Nicolas Cochin qui fut chargé de les reproduire pour qu'ils puissent être gravés. C'est lui qui choisit la quarantaine d'artistes avec lesquels il a conduit et dirigé tout l'ouvrage. On pense que Cochin a gravé lui-même, à l'eau-forte, le frontispice qu'Oudry a spécialement dessiné pour l'édition, ainsi que douze des estampes et peut-être une partie de quelques autres, principalement celles comportant des personnages. Les premières gravures furent exposées, sous le nom d'Oudry, en 1753, et le premier volume parut en 1755, l'année même de la mort de l'artiste. Les suivants furent retardés par la Guerre de Sept Ans et il fallut l'appui du roi pour que le dernier puisse paraître en 1760.

Mille exemplaires furent imprimés, dont quelque cent exceptionnels exemplaires de tête sur grand papier, comme celui-ci qui est l'un des plus grands connus, supérieur par la dimension de ses marges aux fameux exemplaires en grande dentelle des collections Otto Schäfer (466 x 310mm) et Beraïah Botfield (462 x 325mm). Un nombre infime de volumes fut confié au relieur du roi, Louis Douceur, qui grava pour eux une série de fers à dorer inspirés des fables et réalisa ainsi l'une des toutes premières "reliures parlantes" (cf. Des livres rares, p. 258). Celui-ci est l'un des deux exemplaires cités par Cohen en reliure de Douceur. On peut aujourd'hui en compter un peu moins d'une dizaine. À ceux-ci s'ajoutent en effet l'exemplaire Greffulhe-Alain de Rothschild en pleine reliure de Douceur (Paris, 24 mai 2006, lot 47, 483 x 344mm) et celui, également en pleine reliure de Douceur, relié en outre aux armes du duc de Penthièvre (BnF). Quant aux exemplaires aux armes, Cohen-de Ricci n'en recense que huit (dont celui-ci), quelques autres étant réapparus depuis lors.

La famille des marquis d'Hautefort (1614), l'une des plus puissantes du Périgord, appartint de longue date aux premiers cercles de la Cour, des Valois aux Bourbon. Elle est surtout connue pour avoir, tout au long du XVIIe siècle, rebâti et transformé le magnifique château de Hautefort, joyau incontesté de l'architecture française.
RÉFÉRENCES : Cohen-de Ricci, 548-550 : "les exemplaires les plus recherchés comme épreuves sont ceux où (tome III, p. 113), dans la figure de la fable, "Le Singe et le léopard", la banderole se trouve avant les mots Le Léopard" -- Des Livres rares depuis l'invention de l'imprimerie, BnF, 1998, n° 207 (pour l'exemplaire Penthièvre)
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