Lot n° 212
Sélection Bibliorare

SADE, Donatien Alphonse François, marquis de. Histoire secrète d’Isabelle de Bavière reine de France. Dans laquelle se trouvent des faits rares inconnus, ou restes dans l’oubli jusqu’a ce jour, et soigneusement etayés de manuscrits...

Estimation : 60 000 / 80 000 €
Adjudication : 71 876 €
Description
authentiques allemands, anglais et latins. Paris, 1813.
Manuscrit autographe, 3 volumes grand et fort in-4 (225 x 175 mm) de (317) ff. titre compris ; (376) ff. titre compris, (1) f. blanc, 1 plan replié hors texte ; (385) ff. titre compris, (1) f. de garde portant des notes, ainsi que la doublure : cartonnage souple recouvert de papier vert marbré (reliure pastiche).

Fameux manuscrit autographe : il est complet et parfaitement conservé.
L’écriture est très large, chaque page ne comportant généralement que onze lignes de texte, sauf les notes en pied, bien plus petites. Le manuscrit présente de nombreuses ratures et corrections, ainsi que des ajouts sur des feuillets repliés. Un plan manuscrit, aquarellé, donnant la situation
de l’Hôtel de Barbette, est replié et inséré dans le tome II. Chaque volume s’ouvre par une page de
titre manuscrite imitant les titres imprimés de l’époque.

“Il résulte des inscriptions qui figurent à la fin de chaque tome que la mise au net d’Isabelle de Bavière a été commencée l e 19 mai 1813 et terminée le 24 septembre, et que les dernières corrections y ont été apportées le 20 novembre. Mais une note supplémentaire témoigne que l’auteur a voulu revoir encore une fois son ouvrage le 29 octobre 1814, c’est-à-dire trente-quatre jours avant sa mort”
(Gilbert Lely).
Sade tenta vainement de faire accepter son ouvrage : l’Histoire secrète d’Isabelle de Bavière ne sera publiée qu’en 1953 par les soins de Gilbert Lely.
Un roman historique non dénué d’ambiguïtés.

Bien que dépourvue de passages scandaleux, l’Histoire d’Isabelle Bavière n’en est pas moins une œuvre typiquement sadienne, son héroïne incarnant à la perfection les théories de l’auteur de Justine : le couple Jeanne d’Arc-Isabelle de Bavière illustre en effet le principe de la vertu malheureuse et du vice récompensé. En effet, l’Isabelle de Sade se prostitue à Craon pour faire assassiner le connétable
de Clisson, elle facilite l’assassinat de Louis d’Orléans, de sa femme et de ses enfants, elle s’enivre du spectacle des exploits des écorcheurs ; travestie en fille publique, elle s’accouple dans les bouges aux voleurs et aux meurtriers, elle empoisonne trois de ses enfants, exhorte Jean sans Peur à frapper le dauphin Charles... “Enfin Isabelle fait livrer Jeanne d’Arc au Saint-Office et inspire au
duc de Bedford l’examen des parties secrètes de la Pucelle. Que de traits, chez la Bavaroise, telle que Sade la conçoit, s’inscrivent dans la fascinante horreur du personnage de Juliette !” (Gilbert Lely).

Pour rédiger l’histoire de cette “reine criminelle”, Sade peint, durant la guerre de Cent Ans, “une France étrangement proche de celle de la Révolution” (Michel Delon). Il déclare avoir utilisé des manuscrits des Chartreux de Dijon détruits durant la Révolution - essentiellement la retranscription de l’interrogatoire de Louis de Bourdon, amant de la reine, qui avait tenté de se sauver en divulguant les complots d’Isabelle.
“Par la vive conduite et la diaprure de son récit, par la hardiesse de ses inventions et leur subtil ajustement à des faits qu’on ne peut nier, par la profondeur de ses réflexions touchant à la psychologie tant individuelle que collective, par les teintes noires et inquiétantes dont il a cerné avec art le personnage de la reine, l’auteur d’Isabelle de Bavière mérite d’être rangé au nombre des meilleurs tenants de ce genre ambigu qui, très éloigné du roman, en emprunte quelques aspects et,
de la veine de Clio, n’est pas tout à fait l’histoire” (Gilbert Lely).

Le manuscrit, en très bel état, est conservé dans trois emboîtages modernes de maroquin noir.
Il a été exposé en 2014 à la Bibliothèque Bodmer à Genève.
Trou dans la marge intérieure des feuillets 16 à 26 du tome II, sans atteinte au texte.

Bibliothèque Bodmer, Sade, un athée en amour, nº 132.- Lely, Vie du marquis de Sade, 1982, pp. 650-658.- Lever, Sade, p. 638 : “Le 22 janvier 1814, il remet les manuscrits d’Isabelle de Bavière et Adélaïde de Brunswick à son valet Paquet, pour les porter chez un éditeur.
Sans succès.” - Delon, Les Vies de Sade, 2007, p. 98.
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