Lot n° 241

CHATEAUBRIAND, François-René de Mémoires, lettres et pièces authentiques touchant la vie et la mort de S.A.R. Monseigneur Charles-Ferdinand d'Artois, Fils de France, duc de Berry. Paris, Le Normant, 1820.

Estimation : 6 000 / 8 000 €
Adjudication : 10 026 €
Description
In-8 (213 x 133 mm) de (2) ff., II, 299 pp.: demi-chevrette rouge à petits coins, dos lisse orné, chiffre couronné doré au centre des plats, non rogné (reliure de l'époque).

Édition originale.

La biographie du duc de Berry, assassiné par un sellier du nom de Louvel qui espérait éteindre la race des Bourbons, avait été commandée par la Cour. On sait que la duchesse de Berry, enceinte au moment du meurtre, donna peu après naissance au comte de Chambord, futur Henri V, “l'enfant du miracle, en attendant qu'il devint l'enfant de l'exil ”, selon le mot fameux de Chateaubriand.
En conclusion, l'écrivain royaliste se projette dans l'avenir et sa prophétie ne manque pas de surprendre dans un tel ouvrage: “Il s'élève derrière nous une génération impatiente de tous les jougs, ennemie de tous les Rois; elle rêve la république, et est incapable, par ses moeurs, des vertus républicaines. Elle s 'avance; elle nous presse; elle nous pousse: bientôt elle va prendre notre place. Buonaparte l'auroit pu dompter en l'écrasant, en l'envoyant mourir sur les champs de bataille, en présentant à son ardeur le fantôme de la gloire, afin de l'empêcher de poursuivre celui de la liberté; mais nous, nous n 'avons que deux choses à opposer aux folies de cette jeunesse: la légitimité escortée de tous ses souvenirs, environnée de la majesté des siècles; la monarchie représentative assise sur les bases de la grande propriété, défendue par une vigoureuse aristocratie, fortifiée de toutes les puissances morales et religieuses. Quiconque ne voit pas cette vérité, ne voit rien, et court à l'abîme: hors de cette vérité, tout est théorie, chimère, illusion. ”

Exemplaire exceptionnel relié pour Marie-Louise à son chiffre.

Provenance remarquable que celle de l'ancienne impératrice, femme de l'usurpateur Napoléon Ier.
(Nées à sept ans d'intervalle, Marie-Louise et la veuve du duc de Berry étaient cousines, toutes deux petites-filles de Ferdinand de Bourbon, roi de Naples et des Deux-Siciles.)
Dans cette biographie du duc de Berry, Napoléon n'est jamais désigné que sous le nom méprisant de Buonaparte, ses “Bulletins pompeux” publiés “dans l'orgueil de la prospérité” sont stigmatisés, et il est qualifié à plusieurs reprises d'usurpateur... Chateaubriand consacre aussi de virulentes pages aux Cent Jours, qui, dit-il, “ne furent qu'une orgie de la F ortune. La république et l'empire se trouvèrent en présence, également surpris d'être évoqués, également incapables de revivre. T ous ces hommes de terreur et de conquêtes, si puissans dans les jours qui leur étoient propres, furent étonnés d'être si peu de chose. En vain l'anarchie et le despotisme s 'unirent pour régner: épuisée par ses excès avec le crime, la révolution étoit devenue stérile. La vieille F rance, qui se retiroit, conservoit encore ses forces, après douze siècles, tandis que la nouvelle France se trouvoit déjà caduque au bout de trente ans.”
Pour celle qui incarna quelques années cette “nouvelle France”, avant de refuser de suivre Napoléon dans l'exil, la charge était rude.
Quelques légères rousseurs. Derniers cahiers brunis
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