Description
en conclusion aux Entretiens d’Helsinki sur les tendances du théâtre d’avant-garde organisés par l’Institut international du théâtre à Helsinki en juin 1959, et dont Ionesco avait prononcé le discours d’inauguration. Le manuscrit présente de nombreuses ratures et corrections et additions ; il est paginé 1 à 8, 10, 10 bis et 11, puis 12 bis et ter, et enfin 1 à 3 (plus une lettre à Jean Darcante sur la mise au point du texte, qui explique ces discontinuités).{CR} Ionesco aimerait pouvoir répondre à tous les problèmes soulevés, mais il n’est pas « l’enfant Jésus qui enseignait la vérité aux docteurs du temple […] On se demande si la nouvelle avant-garde n’est pas bourgeoise ? […] J’ose penser et déclarer que nous avons perdu le sens d’une communauté humaine profonde. Elle existe, pourtant, cette identité universelle, que je tente de retrouver, comme je peux, [...] je la retrouve cette communauté universelle dans ma propre solitude qui théoriquement est niée, mais qui est celle de trop de gens dans le monde. » On lui reproche d’être désespéré : « est-ce ma faute si l’humanité est désespérante. Et je préfère un désespoir lucide, aux optimismes béats ou de commande. Car la manifestation de ce désespoir est une critique, une protestation, un témoignage. Nous vivons dans le monde de Kafka. On nous reproche d’écrire un théâtre de l’absurde. Mais c’est un absurde que nous constatons et que nous dénonçons »… Les hommes, comme tous les êtres, s’entretuent : « Mais là l’absurde se complique. Car les hommes s’entretuent sous le couvert des croyances souvent nobles qui masquent une sorte d’instinct homicide, d’une haine fondamentale de l’homme pour l’homme ; on a toujours de bonnes raisons de haïr et de tuer : pour la religion, pour la nation, pour sa classe, pour la race, pour le bonheur »... À propos de Brecht (ce passage a été biffé) : « sa tendresse pour le tueur et le couteau qu’il chante dans L’Opéra de 4 sous, exprime un certain goût anarchiste du meurtre que plus tard il régularise [...] Je suis naïf peut-être, mais je suis contre toutes les peines capitales »… Il essaie de définir le « bourgeois » : « Pour moi, c’est le conformiste, l’homme des idées reçues de toutes les sociétés et de tous les points cardinaux. Et si on ne doit pas tuer le bourgeois, on peut combattre l’esprit de la sclérose bourgeoise. [...] Les révolutionnaires n’étaient-ils pas des petits bourgeois ? À tel point qu’il semble qu’une partie de l’histoire pourrait s’expliquer par la lutte des derniers contre les premiers de la même classe »… Dans ses pièces, il ne veut pas décrire la réalité, mais il s’attache « à créer des personnages, à faire surgir librement un monde de mes propres profondeurs. Le poète dit son rêve, semblable à celui de tous ». Peu importent les attentes du public... Il ne renie pas ses origines, et insiste sur sa double appartenance : « la nationalité d’un écrivain est celle de la langue dans laquelle il écrit [...] J’ai choisi le pays de mon ascendance maternelle, sans repousser l’autre ». Il raconte avoir écrit une pièce patriotique à douze ans en France, Pour la Patrie, qu’il a traduite à Bucarest quand il a appris le roumain, et elle est devenue une pièce patriotique roumaine : « Et ainsi je me suis traduit et retraduit, et ces traductions n’ont pas été des trahisons, et les 2 pays ne seront pas séparés dans mon cœur, quoi qu’il arrive, et je suis heureux d’être adopté par l’un, reconnu par l’autre ». Il ajoute une réponse au délégué bulgare, en rappelant que pendant la guerre « la majorité du peuple bulgare et du peuple roumain était pour le nazisme ou la garde de fer », avant de devenir stalinienne sous Staline : « C’est une minorité qui pense, décide. La “majorité” ne fait que suivre ce qu’elle appelle l’histoire. Les révolutionnaires n’ont été que la minorité ». En guise de conclusion, il pense « avoir apporté quelque chose de nouveau par rapport à la façon dont le problème de l’avant-garde, c’est-à-dire du renouvellement, artistique était, jusqu’à présent, envisagé », ce qu’a parfaitement compris le délégué de l’Inde, en déclarant que : « L’homme d’avant-garde est un esprit créateur qui précède ses contemporains et indique la voie nouvelle dans un langage compris d’abord de ses disciples »...{CR} La lettre est relative à la mise au point du texte, où il a rétabli la réponse au Bulgare (« Très important »), et supprimé « les choses personnelles »…{CR} On joint le tapuscrit de la retranscription du début du texte ; et le tapuscrit du discours d’inuaguration des Entretiens d’Helsinki.{CR}