Description
Pinelli (1881-1970), commissaire de la Marine.{CR} Marcelle Tinayre écrit pratiquement tous les jours à son amant lorsqu’ils sont séparés, au début de leur liaison (mars 1913) et pendant la guerre jusqu’en 1915. Le ton en est très passionné, et elle essaie de le rejoindre le plus souvent possible à Toulon où il est en poste. Elle envoie de nombreux télégrammes pour lui faire part de ses départs et arrivées, ou lui annoncer l’envoi de lettres ou des changements de programme. De Paris, elle lui raconte sa vie de tous les jours, lui fait part des événements ; elle joint parfois des lettres qu’elle a reçues ou des coupures de journaux. Elle n’est pas surprise par l’acquittement de Madame Caillaux. La déclaration de guerre la met dans une vive inquiétude pour son amant : « Mon amant, mon époux, oh ! que je déteste la guerre !...Je t’embrasse, mon mi chéri, chéri, chéri, chéri, comme si tu étais là ». Dès novembre, elle est bouleversée par le grand nombre de morts et se soucie du mauvais état du service de santé ; son fils Noël attend ses 18 ans pour s’engager ; Maeterlinck a voulu s’engager et on n’a pas voulu de lui. Elle a lu les articles de Paul Bourget (qu’elle déteste) et de Barrès « devenus assez plats ». L’absence lui pèse : « Pense au moment où je serai dans notre lit et où je te recevrai dans mes bras ! Quand ta tête chérie reposera sur mon sein, et que mes bras entoureront tes épaules, tu oublieras l’intendance et tes ennuis et ta solitude de la veille et nous redeviendrons les amants que nous fûmes »... (décembre 1914). La défaite de Crouy (14 janvier 1915) la démoralise, et Paris devient triste. La correspondance s’interrompt jusqu’en juin 1915, où Pinelli part avec le corps expéditionnaire d’Orient dans le cadre de la mission Goliath. Marcelle Tinayre suit l’évolution de la situation dans les Dardanelles et c’est à ce moment (20 juillet 1915) qu’elle envisage de se séparer de son mari et d’épouser Pinelli, avec l’approbation de ses enfants. En novembre, Pinelli est à Salonique, où elle le rejoint en juillet 1916. À son retour, en septembre, elle visite les usines où travaillent des femmes pour les munitions ; les restrictions se sont sentir dans l’approvisionnement, le gaz et l’électricité. Les lettres se font plus rares et la correspondance reprend en août 1917, alors que Pinelli est rentré à Paris, puis en janvier 1918, toujours sur le même ton amoureux, pour s’interrompre à nouveau et reprendre quelque temps quand elle s’éloigne de Paris, en 1920, 1922, et jusqu’en 1926. Les lettres sont plus brèves et se font plus rares, puis s’espacent sensiblement jusqu’en 1939. Elle relate la mort de Marcel Sembat et le suicide de sa femme (septembre 1922) ; elle donne des conférences à la Bourboule, en Suisse, en Belgique, et on lui demande de venir en donner en Suède et en Norvège ; elle voyage... Le 31 mai 1939, jour de l’anniversaire de son amant, elle écrit : « L’amour n’a pas d’âge et puisque tu es l’amour de ma vie, je n’ai que faire d’anniversaires. Ce 31 mai est une date qui ne me rappellerait que des peines, s’il n’y avait pas eu le 31 mai 1881, et le 31 mai 1913. Ces deux jours là brillent sur toute mon existence : celui qui t’a fait naître, celui qui nous a vus si heureux »...{CR} Elle évoque sa famille, ses difficultés avec son mari, ses problèmes avec sa mère, qui déprime continuellement, ses enfants : Louise, qui travaille chez Hachette, son fils Noël, qui s’est engagé en août 1916 et poursuit ses études de dessin et sculpture ; le mariage de sa fille Lucile...{CR} Elle évoque aussi son travail, qui lui permet de tenir pendant la guerre, et ses articles pour le Petit Journal… Le 24 novembre 1914, elle remplace Richepin « qui n’a pas su émouvoir le public populaire par excès de redondance et de trivialité ». Décembre 1914-janvier 1915 : elle écrit une nouvelle pour la Revue de Paris qui deviendra un roman, La Veillée des armes, et elle doit s’occuper elle-même des épreuves, Privat étant mobilisé : « Je ne veux pas bâcler ma besogne. Je ne veux pas travailler vite. Je travaille assidûment ; cela suffit. J’ai sous les yeux l’ensemble de mon œuvre, comme une tapisserie qui serait en même temps cinématographe. Comprends : tout remue, tout suit le mouvement des heures ; l’action se déroule, et cependant je m’embrasse toute dans le même moment ». Ce livre l’absorbe pleinement, et c’est « quelque chose de bizarre, car il ne ressemble à rien de ce que j’ai fait. [...] Il ne s’agit que de 48 heures et le sujet véritable, ce n’est même plus seulement la préface de la guerre de 1914, c’est aussi l’étude du passage de l’état normal à l’état de guerre, le changement des âmes et le trouble infime puis croissant de la vie quotidienne dans une grande ville ». Paul Reboux lui demande un article pour L’Écho des tranchées, pour remonter le moral des poilus, article qu’elle envoie à Pinelli. Plus tard, elle écrit pour l’Illustration...{CR} Elle arrive cependant à mener une vie sociale, elle va dîner chez des amis, où les conversations tournent évidemment autour de la guerre, prend le thé avec l’abbé Mugnier, « l’homme le plus fin, le plus artiste, le plus libéral qu’on puisse imaginer [...] c’est un personnage original, plein de verve et de malice, mais aussi plein de bonté » ; elle rencontre Francis de Miomandre, « petit écrivailleur embusqué dans la censure ». {CR} On joint des lettres adressées à Marcelle Tinayre (1914) : 11 L.A.S. de son mari Julien Tinayre, 5 de sa fille Louise, 3 de sa fille Lucile, 1 de son fils Noël (et 1 de Noël à Noël Pinelli) ; un article dactylographié avec quelques corrections autographes, La Légende de Salonique (juillet 1916) ; et une photographie du buste de Marcelle Tinayre par son fils Noël.{CR}