Lot n° 325

Louise de VILMORIN. L.A.S. « Louise », Verrières-le-Buisson 7-8 mai 1957, à Albert Willemetz ; 6 pages petit in-4, vignette du château de Verrières.{CR} Longue et magnifique lettre d’amour.{CR} « C’est le jeudi 7 février, je...

Estimation : 800 / 1 000
Description
crois, que nous nous sommes vus pour la première fois, à dîner chez les Georges Louveau [...] je sais que le 15 de ce même mois nous nous connaissions puisque nous nous sommes rencontrés et parlé à l’Alhambra, à la “première” du spectacle de Zizi Jeanmaire. Entre temps vous étiez venus dîner, le dimanche. Vous avez dû partir pour Monte Carle […] le jour de votre départ vous avez déjeuné au pied de mon lit. Ce dont je suis sûre c’est que vous étiez de retour le samedi 11 mars puisque j’ai déjeuné chez vous à Marnes. C’est le jour où j’ai fait la connaissance de Maurice Chevalier ; Albert, tu m’as fait lui raconter la Migraine […] Je recherche jalousement ces premières dates de notre vie. Elles sont la source du trésor d’amour qui s’accroît de jour en jour et, qu’en vous aimant, je dépense à chaque heure aujourd’hui. On sait que l’Ain prend sa source à Dortan ; moi je veux savoir en quelle date du calendrier mon fleuve d’amour a jailli de la nature des jours »... Elle raconte son déjeuner chez Jean de Castellane, avec Emilio Terry, frère de la comtesse Stanislas de Castellane, et Marie-Louise Bousquet, et décrit l’ameublement et le décor avec précision : « les effets d’une tradition, qui ne sont peut-être que les restes d’une famille glorieuse, se montrent là, avec élégance mais sans emphase ni prétention. On y sent un dernier souffle. Tout s’impose et tout nous parle : la forme, l’intention et l’esprit. La famille est aux murs. Je ne dirai rien de Talleyrand. Ce qu’il faut voir ce sont les Princesses de Courlande et la Duchesse de Dino dont les feux de l’amour colorent encore les livres [...]. On ne peut regarder ces femmes sans penser à la vie, à leur voix et à ces baisers dont le trépas les prive. Le clair de lune et le clair lunaire des draps de lit établissent des pâleurs dont le souvenir ne se remet jamais »... La conversation lui a rappelé son enfance, lorsque Jean de Castellane venait souvent chez sa mère : « Elle ne voyait que des rois, des ambassadeurs, des hommes politiques et des ducs, et ne parlait que de voyages, de réceptions, d’alliances, de fortune et de bons ou mauvais mariages. C’était amusant. Je ne m’en rends compte qu’aujourd’hui. Nous vivions alors dans un monde restreint d’où je me suis évadée je ne sais pas comment. On m’a élevée pour être marquise d’Aulan ou comtesse de Bourgoing et vivre en province et je me dis souvent que j’aurais vécu plus heureuse dans l’oubli que dans la renommée »... Elle reprend la plume le lendemain ; ayant vu Albert, elle est « presque heureuse ». Elle ne comprend pas que Jeanne ait permis qu’on expose son portrait. « Léon-le-Lion ira le voir demain. Dieu sait ce qu’il en pensera. Léon pense beaucoup comme moi. Il nous aime, Nous-deux-mon-ombre et il a tendance à voir par nos yeux. Je me demande parfois s’il n’est pas notre seul ami et s’il n’est pas seul à nous aimer avec ce désespoir que nous éprouvons à l’aimer lui. [...] De même que du haut de son socle il regarde les passants, de même du sommet de notre solitude regardons-nous la vie des autres. Comme lui nous sommes en marge »... Elle termine en résumant sa soirée au cinéma et chez Maxim’s avec André Beaurepaire, Jean-François Lefèvre-Pontalis, etc. « J’ai passé la journée à travailler. Vous ne m’avez pas téléphoné. J’ai attendu en vain et maintenant je vous embrasse d’un cœur assez triste »... Elle a orné sa lettre en tête de son L surmonté d’un trèfle à quatre feuilles.{CR}
Partager