Lot n° 262

Charles PÉGUY (1873-1914). 12 L.A.S., Orléans et Paris 1890-1893, à son camarade de classe et ami Paul Meunier ;

Estimation : 2 000 - 2 500 €
Adjudication : 2 375 €
Description
37 pages in-8 ou in-12 (quelques petites fentes réparées)..

Lettres de jeunesse du lycéen puis de l’étudiant Péguy à son condisciple et ami Paul Meunier (1873-1957, futur aliéniste et poète, sous le pseudonyme de Marcel Réja, natif de Puiseaux, Loiret).. Orléans 6 janvier 1890.
« Tu tombes joliment mal. Je suis en pleine influenza [...]. Je suis au désespoir de ne pouvoir t’envoyer l’histoire de seconde mais je ne l’ai pas. Elle a disparu dans la débâcle du départ. [...] Tu vas être forcé de ne rien faire. Tant pis pour le bachot. On devrait cette année le donner d’office à tous les élèves de rhétorique, eu égard aux épidémies multiples qui nous assaillent. Je ne mets pas le nez dehors. On meurt beaucoup à Orléans »...
Il s’ennuie un peu en attendant la rentrée... 22 août. Il transmet à son ami les résultats de ses derniers examens scolaires : « J’ai piqué un 3 de laïus, un 2 de version et un 3 d’allemand […] En grec on m’a fait expliquer du Criton. C’était trop facile et je n’ai pu piquer qu’un 3 : d’où le assez bien seulement ». Revenu de Paris la semaine précédente, il n’a goût à rien :
« Et puis je suis trop fatigué pour faire même des exercices physiques (style officiel). Je me laisse vivre »... 30 août. Meunier lui a demandé de lui transmettre le plan de son devoir de bachot sur Fénelon :
« J’ai partagé mon affaire en deux moitiés inégales ; dans la première qui était la plus courte, j’ai parlé de l’homme d’État ; dans la deuxième, qui était la plus longue, j’ai parlé de l’homme d’Église. [...] Enfin l’idée maîtresse qui réunissait tout cela était que Fénelon n’avait guère péché que par excès d’amour. 1° Envers Dieu, d’où le quiétisme, 2° Envers la royauté qu’il avait voulu protéger contre elle-même. [...] On voit bien que tu es là-bas dans une atmosphère de bachot.
Moi je m’ennuie puissamment. Si j’avais su je me serais fait recaler. [...] Où donc le temps où je bouquinais Les Misérables, où je bouquinais les Nuits, où je bouquinais Pêcheur d’Islande ? [...] Rien ne m’est plus, plus ne m’est rien. Je bouquine mon journal par habitude et pour faire acte de citoyen. [...] Je m’ennuie d’être en vacances »... 10 octobre. Il a été occupé par la rédaction d’un devoir sur les psychologies objective et subjective. Meunier étant resté à Paris, il lui donne des nouvelles de ses camarades de classe, de l’organisation et de l’ambiance au lycée....
« Tu as l’air de bouquiner par-là. Moi je ne bouquine guère. Je suis toujours au calme plat. Ça n’est pas consolant de faire de la philosophie. Je m’ennuie souvent. Tu as eu joliment de l’esprit de te faire recaler au bachot. Tu t’intéresses au moins à quelque chose »... Août 1891 :
« Ayant été toute l’année débauché, comme tu dis excellemment, je n’ai pris mon cours de math. qu’en sommeillant »… 17 septembre :
« Amuse-toi bien en boîte. De quoi te plains-tu ? Il va falloir que j’y entre aussi pour deux ou trois ans et sans avoir comme toi des petites vacances tous les dimanches. Tu vois qu’il y a plus malheureux que toi »... – Un dimanche vers la fin d’août.
« Ton serviteur soussigné potasse à perte de vue […] Quand il a du temps à lui, il fait le plus et le mieux de philo qu’il peut »… Son recalage lui vaut une nouvelle année d’internat, mais
« cela ne sera peut-être pas un obstacle absolument invincible à nous voir »... – De l’École Normale un mardi matin. Il n’a décidément pas le temps de lui écrire cette année.
« J’ai passé le restreint en avril pour pouvoir faire en juillet 97 l’agrégation de philo. Tu ne saurais parler de l’armée tout à fait juste, puisque tu y es encore. Quand tu en seras parti, nous en parlerons ensemble et tu me trouveras peut-être alors plus avancé, je veux dire plus révolutionnaire, au sens exact du mot, que toi. Pour le moment, je me suis contenté de me ranger officiellement parmi les socialistes. Ils sont en effet, de tous les partis constitués, ceux qui sont le moins en arrière de moi »... – Lakanal. Il ne peut malheureusement lui accorder une journée :
« Il est convenu qu’il faut pour entrer à Normale une certaine dose d’abrutissement : plus j’irai vite à l’acquérir, plus vite je serai reçu et plus vite je pourrai redevenir intelligent. Je potasse donc tous les dimanches ». Tous les jeudis il va aux matinées classiques de l’Odéon, et aux conférences de Brunetière sur l’histoire du théâtre français… [27 décembre 1893], regrettant de ne pas avoir vu Meunier au Français : « Nous nous serions rasés à deux, ce qui n’eût pas manqué d’intérêt »….
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